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Critique de hrousset


On connait bien de Georges Simenon la série des Maigret, (les premiers datent de 1929), les premiers romans parus sous différents pseudonymes ou les mémoires, un peu moins les romans « durs » qu'il écrivit lors de sa période américaine, (1945-1955) après Paris et avant la Suisse. « Un nouveau dans la ville », paru en 1950 appartient à cette série.

Simenon est mort en 1989 .à l'âge de 83 ans Son oeuvre est on le sait très prolifique : 200 romans, presque autant de nouvelles..., (oeuvre populaire certes, mais avec une écriture originale, qui trouve progressivement sa place dans l'histoire de la littérature et dont déjà au tout début André Gide qui s'était lourdement trompé pour Proust avait souligné le caractère singulier.)Dans le cadre des hommages qui lui sont rendus à l'occasion du trentième anniversaire de son décès, (en particulier l'exposition à la bibliothèque des oeuvres policières : Bilipo) les éditions Omnibus poursuivent la réédition des Maigret et de quelques romans moins connus avec une présentation nouvelle en associant à la publication une riche illustration (une cinquantaine de planches en couleur ,dont beaucoup pleine page ) par l'un des grands auteur de bandes dessinées :Jacques de Loustal admirateur et connaisseur depuis longtemps de l'écrivain :« Touriste de banane » il y a déjà une vingtaine d'années » .Aux éditions Omnibus, « Un nouveau dans la ville » (2016) vient après « Les frères Rico »(2004) et avant « le passager clandestin » (2018)

Loustal s'inscrit ainsi dans la tradition très ancienne des romans populaires illustrés, tradition initiée avec Victor Hugo, Jules Verne, Eugène Sue …qui ont fait le bonheur de notre enfance, et il faut souligner qu'au début du XXème siècle la revue hebdomadaire très connue : « L'Illustration » réservait chaque semaine à ses abonnés un supplément : »La Petite Illustration », bien connue pour les pièces de théâtre, moins connue pour les romans (Pierre Loti, Henri Bordeaux…). La qualité essentielle de cette écriture à quatre mains de l'ouvrage avec double signature :Simenon-Loustal est le rythme donné à l'ensemble qui impose au lecteur par l'harmonie de la composition alternant texte et illustration ,une approche quasi cinématographique de sorte que même si l'on revient ensuite pour le plaisir de l'oeil au détail des images ,on est conduit à une lecture rapide jusqu'à la fin de l'histoire .Ceci est d'autant plus remarquable que le style de Simenon est ici un peu différent de ce que l'on connait avec des phrases courtes et la clarté des descriptions. La narration est ici volontairement plus embrouillée ,plus confuse ,passant parfois brutalement d'une scène à l'autre ,ce qui renforce le caractère pesant de l'atmosphère où évoluent les personnages, avec ,contrastant avec un dialogue marqué par des phrases très courtes ,instinctives .Une impression d'irréalité plane en certains endroits (on pense à Modiano…)et en contraste les images riches en couleur ,parfaitement composées ,jamais surchargées (Loustal a une formation d'architecte ) permettent au lecteur de ne pas perdre le fil de l'histoire .L'expression des visages sont des « instantanés »mais dont l'avant et l'après sont exprimés par quelques traits qui donnent de la mobilité aux personnages qui sont ainsi très présents ,saisis chacun dans leurs caractères singuliers .La façon dont est rendu le contexte dans lequel évoluent les protagonistes est marquée par les détails qu'il faut savoir repérer et qui témoignent à la fois d'une bonne connaissance de l'oeuvre de Simenon et du sens de l'humour. Il faut enfin souligner le bonheur purement esthétique devant les illustrations qui sont composées comme de véritables tableaux qui évoquent Edward Hopper ou David Hockney.
Qu'en est-il de l'histoire, ? Elle n'est au fond qu'un prétexte à décrire une atmosphère : dans une petite ville du nord des Etats-Unis, près de la frontière canadienne :« le ciel était sombre ,venteux, et la neige commençait à pourrir… » L'arrivée d'un étranger suscite la curiosité, puis l'hostilité : « Il se trouva installé dans la ville sans que personne ne l'ait vu arriver… » le dénommé « Justin Ward »(mais est-ce bien son nom ?) est un taiseux ,qui réussira à s'infiltrer dans la ville sans que l'on ne sache rien de son passé qui suscite les interrogations d'autant que son mutisme serein et la poignée de dollars qu'il exhibe le rendent un peu louche…Tel Asmodée ,soulevant les toits de cet univers clos et progressivement il fera apparaitre une série de personnages hauts en couleur : Yougo l'immigré polygame, alcoolique, Eleonor Adams sa logeuse, Scroggins qui lui vendra sa salle de billard, Kenneth Brookes le shérif…et beaucoup d'autres qu'il faut découvrir Chacun réagira avec sa propre personnalité au mystère dont il est entouré. Mais c'est Charlie le barman où il atterrit la première fois qui mènera l'enquête …

Au total : UN ROMAN NOIR RICHE EN COULEURS, où se mêlent avec bonheur le plaisir de l'oeil et de la lecture entretenu par la parfaite correspondance entre deux talents.

Hugues Rousset
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