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Les mots de Shumona Sinha sont des marionnettistes : ils ont des mains qui nous empoignent et nous entraînent…

« Assommons les pauvres » (titre emprunté à un poème de Baudelaire) parle d'une femme que la violence du monde contamine peu à peu.

C'est le deuxième roman de Shumona Sinha, Prix du meilleur jeune poète du Bengale, par ailleurs co-auteur avec Lionel Ray de plusieurs anthologies de poésie française et bengalie :

« J'ai traduit une soixantaine d'auteurs français contemporains en bengali, c'est ainsi que j'ai été introduite dans le milieu littéraire parisien. Mais j'écris depuis mon enfance quand j'ai commencé à lire en Inde. C'est là-bas que j'ai étudié la langue française.»

Comment peut-on écrire spontanément dans une langue qui n'est pas née avec soi, en soi ? Elle répond : «Ma patrie, c'est la langue française. Si la langue bengalie est ma racine, le français est mon aile.»

Et elle nous envole.

Shumona Sinha qui vit à Paris depuis dix ans, est née à Calcutta en 1973. L'esprit vif, curieuse, férocement intelligente, elle décortique les émotions en dénaturant nos habitudes : « Je contemple de loin avec envie mon pays qui passe toutes ces années sans moi. » (p51)

Elle en parle :

« En écrivant ce roman, je ne savais pas où j'allais, j'écrivais des phrases. Puis j'ai dû me freiner, prendre garde à ne pas me laisser entraîner par les mots, à les mettre en ordre. Les images me viennent naturellement. Quand je parle, quand je pense, j'associe, je rapproche, c'est mon quotidien qui me nourrit. »

Ce livre est une brûlure qui dérange. On n'entre pas dans l'écriture de Shumona Sinha comme dans un moulin ! Il faut des clés. Se laisser apprivoiser par son style, sous peine de passer à côté de ces petits chefs d'oeuvres qu'elle nous donne à lire (on se souvient de son premier roman « Fenêtre sur l'abîme » aux Ed. La différence dans lequel déjà, elle faisait vibrer la peau des mots, une expression à elle).

« Pour Assommons les pauvres, dit-elle, je sais que beaucoup de gens auraient préféré que je raconte cette histoire de manière froide, avec des faits. Or mon écriture n'est pas froide, au contraire. J'écris en français, mais je ne serai jamais une romancière française. »

Car Shumona, c'est avant tout une femme poète, une fileuse qui joue avec la « peau des mots ». Elle sait enduire ses images de sa sensuelle beauté même quand elle évoque la crasse et la misère qui vont de pair dans l'imaginaire des nantis. Il est nécessaire d'imaginer les pauvres sales et répugnants afin de s'en tenir le plus éloignés possibles et ainsi se préserver une conscience « à la compassion désagréable » :

« Quand je dis « pauvre », je pense à la misère sociale et intellectuelle liées à l'immigration mal choisie. Parce que les immigrés croient qu'ils vont trouver une vie meilleure ici, - « le nord du rêve » - alors que ce n'est pas le cas La narratrice de ce livre est interprète auprès de ces demandeurs d'asile. Elle les écoute réciter leur leçon dans l'espoir d'obtenir un statut de réfugié. Ils deviennent un amas, indistincts les uns des autres. Jusqu'au jour où elle frappe l'un d'eux. C'est le point de départ du texte… Quand j'entends des touristes dire que l'Inde les a transformés, que c'était merveilleux parce que les gens sont heureux même s'ils vivent dans la boue, sans électricité, ça me révolte. Parce que, non, ce n'est pas merveilleux des gens qui vivent dans la boue. »

Alors, elle interroge : «Qui peut revenir en arrière, remonter la pente, redevenir homme après avoir avalé des ordures en se bagarrant avec les chiens ? » (p 48)

La sobriété de son écriture réinventée, son regard neuf sur les mots et en même temps, la richesse des images suggérées ou accentuées, nettes, abruptes même : « J'aimais voir ma peau érafler leur peau comme un crayon noir sur un papier blanc » (p 88) … « Les mots arrachés comme on vide le ventre d'un poisson » (p 92-93)

Et puis les odeurs des mots… « La pièce sent le cumin et le lait brûlé » (p 62)

C'est vrai, Shumona Sinha joue avec les mots comme avec des fruits, les soupesant, les assemblant, les enfilant en perles vivantes. Elle s'en approche différemment : entre ses doigts, ils prennent des tournures inquiétantes, des personnalités insolites, formant des phrases articulées, vivantes, libres. Et cela se traduit pour le lecteur lambda, par des émotions neuves, inédites. Shumona Sinha provoque un regard autre.

Une écriture arc-en-ciel, où les mots sont en couleur, des couleurs violentes qui saignent sur ses pages. le livre se lit avidement. Et nous laisse défaits !
Lien : http://nananews.fr/fr/muniti..
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Je n'ai absolument pas accroché à ce livre.
Il s'agit d'un fait très intéressant lié à l'immigration mais malheureusement ce livre ne met pas en valeur vraiment cela.
Le livre s'articule plus sur une femme qui refoule sa haine et encore je ne suis pas sûre d'en avoir compris le sens.
Dommage car il y avait matière à écrire.
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Un texte très osé sur l'autre face de l'immigration... Quand il n'est plus possible d'avoir une régularisation pour raison économique, comment naissent les récits d'une persécution, indispensable pour obtenir le statut de réfugié... de récit incroyable en récit improbable, la pression des avocats (et si elle interprétait plutôt un récit en accord avec ce qu'ils vont plaider plutôt que de traduire les hésitations et les incohérences?), le flux de questions des experts (qui est le parti A, le B, qui persécute qui? victime de quoi?), le regard des hommes qui ne supportent pas cette femme qui s'interpose entre leur récit et les autorités qui détiennent peut-être la clef des papiers, un récit au coeur des contradictions que vit cette traductrice. Comment oublier son propre passé? Comment traduire de manière neutre, qui va néanmoins révéler les contradictions et les mensonges? Un livre à lire pour avoir une vision différente des discours entendus sur l'immigration... Ou comment le système broie ces vies déjà en morceaux, obligeant ces personnes à se créer une vie de persécutés pour avoir une maigre chance d'obtenir une carte de réfugié... le tout écrit dans un style très particulier. A découvrir absolument!
Lien : http://vdujardin.over-blog.c..
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Il est rare qu'un titre de livre suscite à lui seul une telle réaction émotionnelle. Assommons les pauvres! peut sembler, à première vue, incendiaire voire offensant. Cependant, plonger dans l'univers littéraire de Shumona Sinha révèle bien plus que la provocation apparente de ce titre.
Ce roman n'est pas un appel à la violence, mais plutôt une exploration profonde et poignante des injustices sociales et des inégalités. Au coeur de cette oeuvre réside une critique cinglante des structures de pouvoir qui maintiennent les individus dans des situations de vulnérabilité et de précarité.
À travers une prose riche et des personnages vibrants, le roman nous entraîne dans un voyage introspectif et dérangeant sur la condition humaine. Il dépeint la réalité brutale et souvent invisible de ceux qui vivent dans les marges de la société, confrontant le lecteur à une dure vérité, à une réalité difficile à accepter mais impossible à ignorer.
Ce livre ne cherche pas à légitimer la violence, bien au contraire. Il cherche à secouer les consciences, à susciter le débat et à inciter à l'action pour un changement social urgent et nécessaire. Shumona Sinha utilise la puissance de la littérature pour mettre en lumière les fissures de nos sociétés et pour encourager une réflexion profonde sur notre responsabilité collective envers les plus vulnérables.
À travers des mots percutants et une prose captivante, l'auteure nous invite à remettre en question nos propres perspectives, à examiner nos préjugés et à trouver des voies vers une société plus juste et plus équitable.
Ce livre peut être dérangeant, mais dans sa perturbation, il offre une opportunité précieuse de réflexion et d'action.
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Résumé : Ils ont franchi la mer. Ils racontent dans leur langue maternelle ce qui amène dans ce nouveau pays, la France. Tous bredouillent la même histoire. Je les écoute. Je traduis le discours qu'ils répètent mécaniquement. Je partage leur passé et leur colère. Je suis comme eux. Ils mentent, j'interprète. Aujourd'hui, c'est à moi de défendre ma place et d'expliquer pourquoi j'ai frappé cette homme.

Ce livre nous parle des personnes qui cherche asile en France. Des mots qu'ils utilisent pour raconter leurs histoires. Une histoire personnelle très prenante dans le livre. le sujet est intéressant, l'écriture est belle mais je n'ai pas été du tout prise dans le livre. J'ai lu pour lire. Je n'ai pas accroché.
Ce livre a eu un prix, il a su ravir beaucoup de monde. Il n'était tout simplement pas pour moi.
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Langue époustouflante. Vision du monde hallucinante.
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