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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pardon M. Sire d'avoir par instant trouvé bien longue et tellement triste la quête de Saravouth, les souffrances insoutenables, les visions d'apocalypse où parfois je me suis senti seul, au beau milieu d'une des toiles les plus sombres de Jérôme Bosch quand la méchanceté des hommes, des bêtes et même des plantes n'ont plus de limites.
Merci M. Sire de m'avoir fait comprendre avec tant d'acuité pourquoi, lors d'un voyage au Cambodge, mon guide, dans le minibus entre les temples d'Angkor et le lac Tonlé, s'est mis à pleurer en chantant « La vie en rose » d'Edith Piaf. « Quand il me prend dans ses bras »…
Sa mère est morte dans les siens. Il ne lui parlera plus jamais tout bas.

Cambodge 1971.
Dans le royaume imaginaire de Saravouth, dans la baie-du-matin-clair, il y a des canards-à-flûtes, des trompettes-à-groseilles et des arbres-à-brumes.
Dans le monde réel, il y a Lon Nol qui a renversé Sihanouk et le royaume bascule en empire où les khmers tuent les pères et les mères.
Pourquoi faut-il que par des phénomènes extérieurs à l'univers intérieur de Saravouth le malheur vienne envahir et détruire le petit monde de cette famille heureuse ?

Ce roman m'a touché autant qu'il m'a tourmenté, j'ai cherché avec Saravouth, sa mère, son père, sa soeur. Avec espoir, sans illusion. Avec courage, sans sentiment.
La poésie du texte est engloutie par la désolation, la vermine, la mort et les viols.

Le contexte historique n'est que très peu évoqué, seule la guerre civile explose dans ces pages, les troupes de Lon Nol, les Viêt-Cong et les Khmers ruinent, ravagent, saccagent tout sur leur passage.

Bien sûr, Saravouth trouvera quelques îlots de réconfort dans l'écroulement de sa vie.
Iaï, la sorcière des bois le soignera de sa balle dans la tête. Episode épique et écrits crus.
Parvenu après mille embuches aux environs de Phnom-Penh, il sera recueilli quasiment mort par le Père Michel qui gère l'orphelinat dans les cris incessants des orphelins-nourrissons.
Il se fera un ami, presque un frère de Vanak qui lui apprendra à faire briller les chaussures avec les bas de soie des prostituées prostrées devant tant de cruauté.

Son monde parallèle peuplé de chimères, de Peter Pan, de Tiger Lily et de banane-girafe le soutiendra depuis Charybde jusqu'à Scylla mais il vacillera quand, il faudra avec les américains partir pour une autre vie qui ne sera jamais la sienne.

Son épouse canadienne lui donnera trois beaux enfants mais ne pourra résister à cette vie où Saravouth exhume tellement de châtiments, qu'il commence à sombrer dans la folie.

Dans l'épilogue, M. Sire nous démontre que Saravouth existe vraiment, et que maintenant, dans les rues il joue avec talent aux échecs, lui qui a en a tellement essuyé.

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En 1971, le Cambodge est en pleine guerre civile. le roi Norodom Sihanouk vient d'être destitué par le général Lon Nol. Celui-ci, désormais allié aux Etats-Unis, tente de résister à la montée en puissance des Khmers rouges. Dans ce contexte, Phnom Penh, la capitale, est encore relativement préservée, et la famille de Saravouth, onze ans, vit à peu près normalement. le père est un fonctionnaire intègre, la mère est enseignante au lycée français de la ville, Saravouth et sa petite soeur Dara sont des enfants intelligents et un peu solitaires, à qui leur maman lit de belles histoires le soir. Grâce à Peter Pan, à l'Iliade et à l'Odyssée, Saravouth et Dara ne cessent d'enrichir leur "Royaume Intérieur", un monde imaginaire où toutes les inventions et les aventures sont permises. Mais l'étau se resserre peu à peu autour de cette famille-modèle, catholique, tranquille. Un enlèvement, une fusillade, et Saravouth se retrouve seul dans la forêt, gravement blessé. Recueilli par une vieille guérisseuse, il ignore ce qui est arrivé à ses parents et à sa soeur, et veut partir à leur recherche. Convaincu qu'ils l'attendent tranquillement à la maison, son idée fixe est de rallier Phnom Penh. Mais le retour vers la capitale assiégée est semé d'embûches et de violences inouïes, tandis que les conditions de vie en ville deviennent dantesques : l'afflux massif de réfugiés, les combats qui se rapprochent, les tirs de roquette, les vols, les viols, les meurtres, les trahisons, la promiscuité, les rats, la faim et le manque de tout, jusqu'à la chute…

Inspiré d'une histoire vraie, ce récit est très dur. Les mots de René Char, l'auteur préféré de la mère de Saravouth, "Il faut trembler pour grandir", sont ici poussés à l'extrême. C'est le récit d'une enfance meurtrie à jamais, qui tente de se protéger des atrocités de "l'Empire extérieur" en se réfugiant dans l'imaginaire. C'est celui d'une volonté acharnée de retrouver les siens, mais aussi d'un effarant stress post-traumatique à retardement, une défaite intérieure et un pays perdu, et des blessures irréparables. Ce sont aussi des personnages attachants, des scènes à la limite du soutenable, d'autres poignantes, une narration à hauteur d'enfant. Une Odyssée terrible qui s'achève au-delà des pages, si l'on veut bien suivre la suggestion de l'auteur dans l'épilogue...

En partenariat avec les Editions Calmann-Lévy via Netgalley.
#Avantlalongueflammerouge #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Du Pays des Khmers au Royaume intérieur

Changement de registre pour Guillaume Sire qui, après avoir exploré la télé-réalité avec Réelle nous entraine au Cambodge. Sur les pas d'un enfant tentant d'échapper à la guerre, il nous offre un drame émouvant et une ode à la littérature.

Nous avions laissé Guillaume Sire retracer la folie qui s'était emparée de la France avec l'arrivée de la téléréalité dans Réelle. Il nous revient avec un roman aussi fort, mais à la fois géographiquement et thématiquement fort différent puisqu'il a cette fois choisi un garçon pour raconter les années qui ont vu le Cambodge basculer dans l'horreur.
À onze ans, Saravouth ne semble toutefois pas trop se soucier des bruits de bottes. Il a trouvé son bonheur dans les livres, dans les histoires qui façonnent son imaginaire. Sa mère, qui enseigne la littérature au lycée français de Phnom  Penh, lui fait notamment découvrir l'Iliade et l'Odyssée. Dans l'esprit du garçon, les personnages d'Homère viennent rejoindre ceux de Peter Pan, ou le petit garçon qui ne voulait pas grandir de James Matthew Barrie qu'elle lui lisait le soir.
C'est ainsi qu'il construit son «Royaume intérieur», creuset des aventures les plus folles que sa soeur Dara aimerait beaucoup pouvoir visiter. D'autant que sa fantaisie ne semble pas avoir de limites et que tous les récits, comme par exemple les légendes que sa voisine Thàn lui confie, viennent le nourrir de nouveaux détails. Saravouth va tenter coûte que coûte de préserver cet espace de liberté face à la violence qui se déchaîne autour de lui. Les khmers rouges, les Américains, les Français vont essayer de pousser leurs pions, de résister, d'avancer, de s'imposer dans un pays totalement déstabilisé. Devant la menace, il faut fuir, tenter de trouver un refuge plus sûr. Mais les explosions, les balles qui sifflent et les mortiers qui s'abattent vont provoquer l'éclatement de la famille et séparer le garçon des siens. C'est seul qu'il va tenter de regagner Phnom Penh, trouver refuge dans un pensionnat et essayer de retrouver les siens. Toute l'horreur de la situation est racontée à travers des scènes saisissantes, comme celle où le bateau dans lequel les réfugiés ont pris place est canardé de tous côtés et où Saravouth voit ses compagnons d'infortune mourir les uns après les autres avant d'être à son tour blessé et devenir inconscient.
La seconde partie du roman, toute aussi passionnante, nous montre le garçon tenter de se construire un avenir tout en espérant pouvoir un jour retrouver cette famille dont il a perdu toute trace. Mais quand on a Peter Pan et Ulysse pour allié, tout devient possible…
Basé sur une histoire vraie, ce roman de bruit et de fureur, nous offre une nouvelle – et fort émouvante – variation sur la guerre et ses ravages, sur la folie qui peut s'emparer des hommes et sur la barbarie qui en découle. Mais il se double, et c'est ce qui le rapproche de Réelle, d'un roman initiatique. le destin de Saravouth se joue tout autant autour de l'institut Saint-Joseph que dans son esprit. Les livres lui auront appris que même la mort peut être déjouée, que le pire n'est jamais sûr. Qu'un vers de René Char peut suffire à vous éloigner de l'enfer.


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Ce récit inspiré d'une histoire vraie démarre à Phnom Penh, la capitale du Cambodge, en 1971. le roi Norodom Sihanouk vient d'être destitué par le général Lon Nol, plongeant le Cambodge en pleine guerre civile. La famille Inn, qui avait jusque-là mené une vie relativement paisible à Phnom Penh, commence également à ressentir la persécution grandissante envers les Vietnamiens. Victime d'une rafle, le petit Saravouth Inn, 11 ans, se réveille en pleine forêt, baignant dans son sang, séparé de ses parents et de sa petite soeur Dara.

Inspiré d'une histoire vraie, ce roman bouleversant invite le lecteur à plonger dans les coulisses de la guerre civile cambodgienne à travers le regard de cet enfant de onze ans.

« Avant la longue flamme rouge » est donc tout d'abord l'histoire d'un pays subitement baigné dans l'horreur. Au fil des pages les conditions de vie deviennent épouvantables, voire même proche de l'indicible. Des trahisons aux viols, en passant par la famine, les vols, les orphelins, la prostitution, les assassinats et l'afflux massif de réfugiés surpeuplant progressivement la capitale, Guillaume Sire n'épargne pas grand chose au lecteur, qui découvre ici les coulisses de l'un des conflits les plus atroces du siècle dernier.

Mais, « Avant la longue flamme rouge » est surtout l'histoire d'une enfance marquée par des blessures indélébiles, celle d'un gamin de onze ans qui tente d'échapper aux atrocités de la réalité en se réfugiant dans un monde imaginaire, nourri par les lectures de sa mère. Malheureusement, même cette poésie ne parvient plus à dissimuler la barbarie des hommes au fil des pages…

Couronné du Prix Orange du livre 2020, « Avant la longue flamme rouge » est un récit marquant que je rangerai volontiers auprès du « Petit Pays » de Gaël Faye.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Quand un enfant est exposé aux horreurs de la guerre et à l'injustice qu'elle lui réserve, comment peut-il y faire face ? En se construisant un royaume intérieur qui le protège des agressions extérieures. Savarouth ne gagne pas son royaume, inspiré de Peter Pan ou de l'Odyssée, pour s'y cacher. Il le compare à la terre ensanglantée qu'il doit fouler. Parfois ces deux mondes s'unissent, parfois ils s'opposent. C'est leur affrontement qui fait la richesse de ce roman. J'ai été émue par l'improbable périple de ce garçon dont la survie tient du miracle. J'ai été intéressée par la manière dont son aventure vient éclairer la folie meurtrière d'une période absurde de l'histoire, symbolique d'un vingtième siècle où toutes les utopies ont accouché d'une barbarie. Guillaume Sire ne juge pas, il expose. La seule description des faits suffit à condamner leurs auteurs. Il ne tombe pas dans le piège de l'ultra documentation (« j'ai bien révisé ») ou d'une appréciation anachronique (« ce n'était pas bien ») qui, aussi louable soit-il, pouvait exaspérer. le rythme est soutenu, le ton est juste, les personnages sonnent vrais. Une réussite, malgré de puissants précédents cinématographiques dans cette partie du monde (ex : Apocalypse Now, La Déchirure). Sauf que ce n'est pas du cinéma. La réalité, au Cambodge, a dépassé la plus improbable des fictions. Guillaume Sire et son personnage en font une fresque vivante et vibrante.
Bilan : 🌹🌹
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Et bien voilà un roman inspiré par une histoire vraie qui ne peut laisser indifférent..... C'était il n'y a pas si longtemps, 1971, le Cambodge est en pleine guerre et au milieu de celle-ci il y a des familles. Guillaume Sire retrace l'incroyable épopée d'un garçon de 11 ans, Saravouth, fils d'une mère française, professeur, qui lui donnera le goût des livres, de la littérature, à lui et sa soeur, Dara, de deux ans sa cadette, sa complice de jeux et d'histoires. Elle lui montrera tout ce que peut lui apporter les livres, un trésor dans lequel il va pouvoir puiser sans cesse. Son père travaille au Ministère de l'Agriculture et règle les litiges des paysans.... Mais il y a des litiges qui se règlent autrement que dans des formulaires, ils se règlent dans le sang et les larmes et Saravouth va en connaître le prix.

Il va se trouver séparer de ses parents et sa soeur et se lancer dans une quête sur plusieurs années à leur recherche à travers un pays dévasté. Jamais il n'abandonnera, jamais il renoncera car il possède une force : son Royaume Intérieur, qui le pousse malgré les blessures, les traumatismes, les faux espoirs, a toujours avancer, a toujours espérer. Et dans son royaume il pêche, il lance des ficelles comme on lance des bouteilles à la mer, pour attraper les mots, les personnages qui l'aideront à surmonter les épreuves.

C'est un récit poignant parce que le reflet de tant de vies oubliées, anéanties, torturées et que l'auteur se fait simplement le porte-parole de Saravouth qui lui-même est le témoin d'un génocide. Il se glisse dans son corps, dans sa tête et parcourt avec lui le pays ravagé. Sa plume se fond dans la voix du garçon  et dans le décor pour restituer à la fois la beauté de la nature mais aussi toute l'horreur quand celle-ci se fait le théâtre des combats :

"Sur les rives, la forêt se déboucle, ensanglantée, calcinée. Cette forêt qui l'a nourri à la tétine de ses arbres, il la reconnaît à peine. Palmiers en feu. Vastes étendues de terre brûlée. Les rares troncs à tenir debout semblent montrer leurs plaies à Dieu en répétant : "Pourquoi ? Pourquoi ?" (p173)"

Guillaume Sire découpe le roman en trois parties que l'on pourrait résumer en : Avant : le bonheur, l'Errance et la fin des espoirs. La famille Inn, celle de Saravouth, vivait heureuse à Phnom Penh, était unie malgré parfois les regards et les mots sans complaisance envers leur métissage et leur religion. Mais il y avait tant d'amour au sein du foyer, que tout le reste était balayé. Et puis il y avait le refuge dans l'Illiade, l'Odyssée, Peter Pan, ses aventures héroïques, ses sources inépuisables dans lesquelles il viendra s'abreuver.

Comme dans toute guerre, il y a des bourreaux et pour Savarouth le sien porte un costume bleu, il y a ceux qui en tirent bénéfice, il y a ceux qui porteront aide et qui iront jusqu'au sacrifice de leurs vies au nom des enfants recueillis, des règlements de compte mais aussi des petits bouts d'hommes, comme Saravouth, doté d'une volonté farouche de vie et d'espoir..

"Ils vivent là, comme de si rien n'était, dans les canapés, ventripotents, à fumer des cigares cubains et à boire des whiskys au goût de terre d'Ecosse pendant que le pays s'effondre, comme un mendiant à leur porte, et que des chiens lèchent ses ulcères.(p230)"

Guillaume Sire arrive à en faire un récit à la fois sombre et lumineux, tendre et violent, un chant d'amour, de courage, d''espoir et comme il nous l'enjoint à la fin de son livre, je suis allée voir Saravouth joué aux échecs, sa tête pleine de sombres images mais aussi d'éclats de fer comme les traces d'un passé qui ne peut s'effacer.

J'avais découvert Guillaume Sire avec Réelle sur le thème de la télé-réalité, sujet qui ne m'avait pas passionné en lui-même, mais le changement de registre m'a montré sa faculté à s'immerger dans des vies, très différentes, à s'effacer pour laisser la parole à son jeune héros et pour ce roman retracer une page d'histoire à travers les yeux d'un enfant que je ne suis pas prête d'oublier....

Le romancier s'efface pour devenir le témoin d'une histoire vraie, pour se faire le porte-parole de ceux qui furent les victimes collatérales d'une guerre civile armée par des puissances étrangères et dont ils portent encore en eux les traces. A la différence d'un roman, les faits sont là, l'histoire est écrite et la difficulté est d'en restituer toute l'horreur mais aussi les moments lumineux sans jamais se substituer à elle. Guillaume Sire le fait parfaitement. Il a laissé la petite flamme rouge présente dans le regard de Saravouth et elle ne s'éteindra pas dans ma mémoire.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Un livre pareil, on le sent très vite, ne peut pas avoir été écrit tout à fait normalement. Il a été porté, nourri. Sans doute évité longtemps, comme un obstacle que l'on ne se sent pas capable de franchir. Ou pas autorisé. Il a été écarté au profit d'autres ouvrages, très différents mais aux thèmes plus proches de leur auteur. de très bons romans, au demeurant en tout cas pour les deux que j'ai lus, Où la lumière s'effondre et Réelle. Rien ne laisse deviner que derrière ces deux textes qui regardent la société du 21ème siècle, celle de l'image et de la communication, se construit peu à peu l'histoire qui hante Guillaume Sire depuis qu'il a croisé un homme, un regard, un destin. Une histoire au coeur de l'Histoire et de son cortège d'horreurs, comme seuls les hommes sont capables d'en inventer.

Ce destin, c'est celui de Saravouth, jeune garçon âgé de onze ans lorsqu'en 1971, la guerre civile éclate au Cambodge, après le départ du prince Sihanouk, mettant le pays à feu et à sang avec notamment la montée en puissance des Khmers rouges. La famille de Saravouth fait partie de la classe moyenne de Phnom Penh : Vichéa Inn est cadre à l'institut d'Agriculture, sa femme Phusati enseigne la littérature au lycée français et ses livres nourrissent au quotidien l'imaginaire de Saravouth et de sa petite soeur Dara. le garçon s'est bâti ce qu'il appelle "le Royaume intérieur", par la grâce de ses explorations de l'Odyssée, de Peter Pan et de toutes les histoires dont regorge la bibliothèque familiale. L'étau qui se resserre sur les populations du pays va faire voler en éclat d'abord la quiétude de la famille Inn dont l'image de réussite et de sérénité est propre à susciter les jalousies, puis leur existence même. En un claquement de doigts, Saravouth se retrouve isolé, laissé pour mort dans une forêt après une scène d'une violence indicible. Miraculeusement recueilli et soigné par une vieille femme, il n'aura plus qu'une obsession : regagner Phnom Penh et retrouver sa famille. Pourtant, à ce moment, la folie destructrice des hommes n'a pas encore donné sa pleine mesure et le lecteur, abasourdi, hébété, passant de l'écoeurement à la colère, de la pitié au dégoût est embarqué dans cette épopée d'où émerge la puissance de la foi d'un gamin.

Guillaume Sire accomplit ainsi un miracle : celui de glisser son lecteur dans l'esprit de Saravouth où se mêlent imaginaire de l'enfance et atrocités du réel, où les héros du Royaume intérieur servent de guide, d'échappatoire ou de modèle. Permettent au jeune garçon de ne pas devenir fou face à l'apocalypse en marche, aux destructions aveugles, à l'incompréhension ou au refus de comprendre des grandes nations qui contemplent de loin le chaos. Certaines scènes sont à la limite du soutenable mais il faut relativiser nos haut-le-coeur hein, nous simples lecteurs, tandis que ces scènes ont été réellement vécues par d'autres êtres humains. Guillaume Sire ne néglige pas non plus la mise en relief historique mais préfère la développer à hauteur d'hommes, ce qui lui donne une force incomparable. Et puis ce qui émerge, malgré tout, c'est ce destin exceptionnel, cette figure lumineuse dont on découvre le parcours avec un intérêt et une fascination croissants, jusque dans les toutes dernières pages qui permettent de prendre la mesure du travail et de l'engagement de l'écrivain.

Impossible de ne pas être percuté par ce roman, véritable ode aux pouvoirs de l'esprit et de l'imaginaire comme derniers remparts face à d'autres cerveaux capables du pire. Au point de préférer, pourquoi pas, s'y réfugier définitivement.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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J'avoue : le Cambodge, les Khmers rouges, comme c'est franchement moins médiatisé que la guerre du Vietnam, (la faute au cinéma américain), je n'y connaissais rien.
Alors non, après la lecture de ce roman je ne vais pas non plus pouvoir tenir une conférence pendant deux heures, mais au moins je situe mieux l'époque et les principaux protagonistes.
Imaginez : Peter pan dans Apocalypse Now (la faute encore au cinéma américain). Ou comment vivre l'horreur de la guerre par les yeux d'un enfant. Et même si tous les enfants sont adorables et qu'aucun ne mérite de vivre cette épreuve, la personnalité attachante et rêveuse de ce petit bonhomme est particulièrement bouleversante, au milieu de la tragédie.
Alors c'est à ce demander si croire au merveilleux dans un moment pareil est un atout ou un handicap.
En tout cas c'est un roman fort, noir. Où l'on voit le monde merveilleux de l'enfance se fracasser contre la réalité insupportable de la guerre. Il en résulte un adolescent puis un adulte qui survit avec ses blessures, ses disparus qui s'accrochent à ses pas comme des ombres trop lourdes, ses espoirs et sa désespérance.

Alors, faut-il le lire ? Oui. Il vous restera sur la langue un goût de sang, de poussière et de merveilleux.

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En choisissant ce roman dont l'action se déroule au Cambodge et en particulier à Phnom Penh en 1971, je me doutais bien que l'histoire ne serait pas de tout repos ...

Elle commence dans la douceur familiale pour Saravouth , onze ans ,entouré de son père qui travaille à la Chambre d' Agriculture, de sa mère , professeur de littérature et de sa petite soeur Dara . Mais déjà , l' inquiétude est latente pour cette famille catholique devant la situation politique complexe qui règne au Cambodge entre les hommes du Général Lon Nol qui a chassé le Prince Norodom Sihanouk , la chasse aux vietnamiens, les Khmers rouges aux portes de la ville et les américains toujours présents .

Cette situation angoissante retentit sur Saravouth, un enfant solitaire, bon joueur d'échecs et féru de littérature grâce aux lectures que fait la mère à ses enfants , passant de Peter Pan à l'Iliade et l'Odyssée , il se réfugie dans son vaste Royaume Intérieur .

Les craintes des parents ne sont malheureusement pas infondées car leur vie bascule lorsqu'ils sont emmenés , adultes et enfants en forêt où , séparé de sa famille et sans connaitre leur sort, Saravouth, gravement blessé est recueilli et soigné par une vieille femme d'un village de montagne moitié sorcière , moitié guérisseuse .
Rétabli, Saravouth n'a de cesse que de revenir malgré les nombreux périls , dans la capitale à la recherche de sa famille , faisant revivre son Royaume pour s'y réfugier lorsque l'espoir l'abandonne .

Une épopée éprouvante ,même si on est loin des descriptions des horreurs commises par les Khmers rouges une dizaine d'années plus tard relatées dans le livre The death and the life of Dith Pran qui est à l'origine du film La déchirure .

Certains personnages secondaires sont marquants , la vieille femme au langage si cru et aux motivations bien cachées, le Père Michel à Phnom Penh luttant pour la survie des orphelins et quelques autres qui ont cheminé un temps avec Saravouth sur cette route jalonnée de morts ...

La fin surprend surtout lorsque on ne lit pas le résumé et il faut aller jusqu'au bout de ce que propose l'auteur : moment émouvant garanti !
Un grand moment de lecture donc .

Un grand merci à NetGalley et aux Éditions Calmann-Levy
#Avantlalongueflammerouge #NetGalleyFrance
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Guillaume Sire nous narre une tranche de l'Histoire du Cambodge et plus précisément la guerre civile qui a sévit dans le pays durant quelques années. Devant un thème aussi dur, l'auteur a décidé de placer son récit à hauteur d'enfant. Cela lui permet de présenter de manière plus douce l'âpreté des faits. En effet, les évènements tragiques sont observés et vécus avec l'oeil naïf d'un gamin. Celui-ci est directement en contact avec les conflits. Il vit des scènes tragiques au milieu des balles, des viols et des morts. Il assiste aux crimes ignobles perpétrés par les Khmers rouges et aux ravages sur la population. Mais à la faveur de son jeune âge, il va se protéger en se créant un monde imaginaire. Chaque drame est projeté dans son univers irréel et il s'évite ainsi de subir frontalement la cruelle réalité.

Malgré la violence des évènements, le roman dégage une grande humanité. En parallèle des conflits, il dresse le portrait de personnages poignants, victimes de cette catastrophe. En suivant les pas de ce jeune garçon miraculé, il met en lumière l'enfance sacrifiée par les guerres d'adultes. le déracinement, la perte de repères, ces tragédies provoquent des sentiments décuplés dans l'esprit d'un enfant. Cette épopée est donc forte en émotions et personne ne peut sortir indemne du terrible destin de Saravouth.

Guillaume Sire a choisi une écriture magnifique de poésie pour nous renvoyer avec délicatesse à la cruauté des hommes. Ce livre fait partie de la classe des indispensables. Tout d'abord parce qu'il est inspiré de faits réels et ensuite parce que les évènements racontés dévoilent les côtés sombres de l'humanité. C'est grâce à ce genre de texte que l'on découvre des pans moins connus de l'Histoire mondiale. Il faut connaître ces drames pour apprendre des erreurs passées et ne pas recommencer. Bouleversant et nécessaire !
Lien : http://leslivresdek79.com/20..
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