Ne voulant pas devenir pêcheur comme les autres hommes de l'Île Noire située quelque part au large du Chili, le jeune Mario Jimenez décide de répondre à une annonce afin de pourvoir un poste de facteur. Il est jeune, il est en forme alors le responsable lui donne l'emploi. Il apprend qu'il n'aura qu'un seul client, le célèbre poète
Pablo Neruda qui reçoit beaucoup de lettres et de télégrammes. Une amitié se développe entre les deux hommes basée sur les mots, les métaphores, la poésie. Mario demande à
Neruda de l'aider à conquérir le coeur de celle qu'il aime : Beatriz, la belle de l'île. En 1973,
Neruda est dans sa maison sur l'Île lors du coup d'état de Pinochet. L'
Histoire s'impose sur l'Île. Comment Mario s'en sortira-t-il parmi les soldats?
J'ai beaucoup aimé la plume d'
Antonio Skármeta qui a dû s'exiler en Allemagne comme les autres intellectuels de son pays pour fuir le régime. Ses personnages sont touchants et ils sont un petit peu drôles. Les dialogues sont particulièrement réussis et nous vivons avec les personnages l'Histoire. J'ai souri à plusieurs reprises.
-«Avec ta logique, on aurait dû arrêter
Shakespeare pour l'assassinat du père d'
Hamlet. Si le pauvre
Shakespeare n'avait pas écrit de tragédie, il ne serait rien arrivé au père.
-S'il-vous-plaît, ne m'embrouillez pas encore l'esprit davantage. Ce que je veux est très simple. Parlez à cette dame et demandez-lui de me laisser voir Beatriz.
[…]
-Et si elle te permet de voir la demoiselle, tu me ficheras la paix?
-Jusqu'à demain en tout cas. » (p. 70)
J'ai particulièrement été touchée par la fin du récit évoquant la dernière rencontre entre Mario et
Neruda.
Neruda apparait alors très malade. La poésie règne, l'émotion s'avère forte et j'ai presque pleuré tant j'étais touchée par le lien entre les hommes. Cette scène s'est déroulée un peu avant la mort du poète, récipiendaire du prix Nobel de littérature, le 23 septembre 1973.
Ainsi, derrière la fenêtre, lors de leur dernière rencontre,
Neruda regarde la mer et Mario est à ses côtés. Et c'est magnifique.
Neruda semble alors cueillir la dernière rose de la vie.
«[…] sa maison face à la mer et la maison d'eau dérivant maintenant à travers les vitres elles-mêmes faites d'eau, ses yeux, maison des choses, ses lèvres, maison des mots, mouillées par cette même eau qui avait un jour crevassé le cercueil de son père après avoir traversé les tombes à balustres des autres morts pour enflammer la vie du poète d'un secret dont la révélation lui venait enfin et qui, par ce hasard qui commande à la beauté et au néant, sous une pluie de morts aux yeux bandés et aux poignets sanglants, lui posait sur la bouche un poème qu'il ne sut ni ne dit mais que Mario, lui, entendit bien quand le poète ouvrit la fenêtre et que le vent fit se dissiper les ombres : […]» (p. 151)
Il faut se rendre à la fin pour lire ce poème qui vient à l'esprit de Mario à côté de son ami malade. C'est merveilleux comme toute révélation.
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