Comme beaucoup d'intellectuels chiliens,
Antonio Skármeta a connu l'exil.
Réfugié à Berlin-Ouest, il publie en 1987 “
Une ardente patience”, un court roman où il rend hommage au poète
Pablo Neruda disparu le 23 septembre 1973, douze jours seulement après le coup d'Etat fatal à Salvador Allende.
Les cinq dernières années de la vie de l'écrivain servent de fil conducteur au roman dans lequel faits réels et fictionnels se juxtaposent.
Lorsqu'il revient de temps à autre au pays,
Neruda aime à séjourner à l'Ile Noire, un lieu-dit situé à quelques kilomètres du port de pêche de
San Antonio. de sa maison en pierres donnant sur l'océan, Il aime observer les baleines dans leur migration vers les mers chaudes du Pacifique Sud. (*)
Pendant l'été 69, Mario Jimenez obtient un poste de facteur à
San Antonio. Plusieurs fois par jour il enfourche sa bicyclette et va jusqu'à l'Ile Noire apporter lettres, colis et télégrammes à l'illustre poète et diplomate.
Une complicité naît peu à peu entre le jeune homme à l'humeur enjouée et le vieil écrivain attentif aux autres. L'inexpérimenté Mario ne tarde pas à solliciter l'aide de son nouvel ami pour conquérir le coeur de la jolie Beatriz dont il est éperdument amoureux.
La douceur des mots, la beauté du verbe, la profondeur des métaphores sauront-elles émouvoir la belle ?
Antonio Skármeta ne manque pas d'humour. “
Une ardente patience” est un roman gorgé de soleil, écrit sur un ton jubilatoire : deux heures de lecture savoureuse en compagnie de petites gens à la bonne humeur communicative. La fête organisée par Mario à
San Antonio, le jour où son idole Pablo reçoit à Stockholm le prix Nobel de littérature, est sans doute le moment le plus plaisant du livre, un temps de pur bonheur jusqu'à épuisement des convives.
Malheureusement la réalité tragique finit par occulter la fiction au caractère bon enfant. L'état de santé de
Pablo Neruda se détériore alors même que la dictature militaire, telle une chape de plomb, s'abat sur le Chili.
Face à la marche chaotique de l'Histoire les rires progressivement s'éteignent, les larmes ne sont jamais bien loin !
(*) «
J'avoue que j'ai vécu » –
Pablo Neruda (ISBN 2070378225)