Quotidien d'un cancrelat bien ordinaire.
I) Présentation
L'histoire En 42 Sadorski policier zélé chef du "rayon juif" à la direction des RG est arrêté par la gestapo et envoyé a Berlin pour interrogatoire Bon collaborateur il rentre en France, remonté à bloc, reprendre ses exploits dans la traque des juifs
Petite frappe en fait plutôt que policier il mange à tous les râteliers, achète au marché noir, rançonne des juifs en situations difficiles, met en cabane tout ce qui est youpin et coco, falsifie ses rapports les concernant et les livre complaisamment , après les avoir chargés ,à ses amis germains, adepte de plaisirs spéciaux et libidineux dès qu'il est en présence d'une jolie femme .
Le personnage Sadorski ressemble quelque peu pour la psychologie au personnage de Rudolf Lang dans « la mort est mon métier » de
Robert Merle même cynisme même amour du travail bien fait un ordre est un ordre on le réalise sans état d'âme parce que l'âme on n'en a pas ! Il n'y a pas de contradiction fondamentale entre la fonction par extension de bourreau de juifs et cocos et leurs petites vies passées a agrémenter l'ordinaire petit bourgeois de leurs femmes. Comportement identique des deux personnages issus de deux personnes ayant existé .
Que demande-t-on a un fonctionnaire de police ? compétence, loyauté, discrétion, une vie personnelle irréprochable, le doigt sur la couture du pantalon. Pourquoi ? Pour assurer le respect de la loi, le maintien de l'ordre et la sécurité publique
Ce sont, en général, les rouages et la fonction de l'autorité et ici de la collaboration française à une époque donnée. la maison poulaga est toujours remplie de bons fonctionnaires primaires et décérébrés et si le zèle n'est pas le facteur d'obéissance c'est la peur qui l'est voire les deux.
On a l'impression que
Slocombe est resté un peu trop près des documents auxquels il a eu accès et qu'il n'a fait qu'agrémenter ces derniers saupoudrant par-ci par-là de scènes, dialogues, anecdotes, petits bout d'intrigues romancées et sans imagination . La fiction n'est pas au rendez-vous, ou plutôt mal,, bien des descriptions n'ont pas été inventées semble-t-il mais retranscrites et romancées car manifestement assez précises. A aucun moment il n' a divergé pour prendre en main son personnage . Celui-ci laisse perplexe car trop ordinaire . L'opinion générale du « collabo » vu par la population d'après-guerre soucieuse d'oublier les problèmes qui fâchent, se retrouve dans ce Sadorski sans aucune finesse Un « pourri » sans excès ordinaire "C'est l'histoire d'un mec, d'un pandore martial anti youp , anti coco ...normal quoi… "
Pour le reste pour les descriptions des aryens blondinets aux « mollets de fer » et « bourses lourdes »(dixit
Jean Genet adepte de la plastique masculine teutonne) et les bottes bien cirées aux regards bleu acier, les talons qui claquent …. c'est du conventionnel les aboiements aussi. Sans parler de leurs goûts prononcés pour les « petites femmes de Paris », les cholies françaises et parties de jambes en l'air.
L'administration allemande ressemble comme deux gouttes d'eau à celle française tant décriée mais compétence, efficacité et rendement en plus
Le livre reste concentré sur l'univers restreint de Sadorski : ses confrères français et allemands, ses proies sa petite trajectoire tranquille. Pour le retour à la maison poulaga l'ordinaire du service rafles, passages à tabac, interrogatoires, la narration se laisse lire plaisamment mais trop marquée pas des détails administratifs qui l' alourdissent Elle est toutefois traitée me semble-t-il de manière désinvolte: On n'y croit pas tellement .. à l'histoire pas au contexte ça fait tableau. Seuls les calculs de Sadorski pour protéger ses fesses semblent réalistes
Le passage chez la gestapo français autrement dit chez les truands, pur jus, est plutôt savoureuse. Les cadors y sont plus vrais que nature.
Slocombe ne ne semble pas trop imprégné par son personnage qui poursuit son petit chemin tranquillement Il le tient à bout de bras le plus loin possible. Il manque donc un petit quelque chose qui vienne de l'intérieur
Il nous rappelle quand même, pour le contexte, que tout le monde n'était pas résistant et c'est peu dire et c'est avec un plaisir certain qu'il révèle, à plusieurs reprises, le nom des artistes et autres germanophiles de tout genre qui ont appréciés l'occupation Mais ce n'est pas un scoop Pas du tout !
2) Rapport n°1*
interrogatoire à Berlin de sadorski et louisille revu et corrigé pour le plaisir:
louisille (ton courtois et raffiné ): M. le Commissaire...
Fisher: Je suis pas Kommissaire! Je suis le sturmbannführer Fisher !(hurlements gutturaux)
Louisille (ton chevrotant et apeuré): Excusez-moi, M. le sturm...bann...führer (dent qui s'entrechoquent ) , je voudrais gagner du temps, enfin, pas perdre de temps, je vais tout vous dire.:
keuf ! Keuf ! keuf !Atchoum ! Atchoum ! Snif ! snif !
Sadorski : Je ne sais plus ! Il m'interrompt tout le temps, il tousse, il crache, il renifle, et il tousse, il crache, il renifle ! Voilà !
Fisher (tout congestionné) :De moi vous osez vous fouter ?!? Douze balles pour vous (Sadorski tremble Argh ! brrr... brrr...) , douze balles pour vous (Louisille Argh ! brrr... brrr…) vingt-quatre balles ! Quel gâchis pour des collabos comme vous ! Si Laval vous voyait !
(
Georges Tabet et André Tabet : la grande vadrouille)
Voilà
Slocombe de la bonne fiction de guerre !
Rapport n°2*
Compte-rendu d' Interrogatoires laborieux
- Sadorski « mein kamarad vous affez du café ? - Nein! Pas café ! ersatz d'oooorge... avec saucisson... du à l'ail – Argh Fous affez du à l'ail ? » hum ! hum !
- Sturmbannführer Fisher à Sadorski « Alors comme ça la flicaille, c'est toi qui serais Attila ? et le dégénéré (Louisille) qui t'accompagne, ça serait un Hun aussi ? » hum ! hum !
- Forfanterie de Sadorski et Louisille bien franchouillarde face à l'ogre botté nazi
« (Louisille ) Ils peuvent me tuer, je parlerai pas ! »
« (Sadorski) Mais moi non plus, ils peuvent vous tuer, je ne parlerai pas ! »
« (Louisille )Je savais qu'on pouvait compter sur vous. »hum ! Hum !
3)Conclusion et sans préambule
Pas de satisfecit, Monsieur
Slocombe , cette fois pour la vie de ce pourri ordinaire car des « comme ça » il y en avait beaucoup à cette époque une matière à roman abondante. «
Monsieur le commandant » c'était une fiction mais ça non. Je rouscaille parce que je n'aime pas les dossiers et ce que je viens de lire en est un, entrecoupé certes de passages, pas inintéressant d'ailleurs, mais trop haché. Les faits « historiques » prennent le pas et sont là pour masquer le manque d'inspiration dommage. Mais bon on comprend sans surprise que Sadorski est un indécrottable cloporte. Toutefois
Slocombe nous étonne en lui faisant dire qu'il s'est engagé dans la police pour traquer les « méchants, les vrais... » autrement dit des assassins communs comme si ces tortionnaires poulagas n'en étaient pas...Bizarre ce petit passage qui humaniserait (presque) ce cancrelat et lui donnerai une certaine idéologie alors que dans tout le récit il n'agit que par obéissance bornée et stérile et pour se rafraichir les miches lorsqu'il est serré de trop près
« Le désir d'être bien noté m'a toujours animé »disait l'affreux après la guerre. Drôle de morale !
*Pour les emprunts adaptés de répliques (petites mignardises que je me suis permis en ce début d'année) voir la grande vadrouille ou la 7ième compagnie (
Georges Tabet et André Tabet : la grande vadrouille). Sacrés dialogues !