Il importe de remarquer ici que contrairement à ce que l'on constate à l'origine de la vie artistique de nombre d'écrivains, Villiers ne fut nullement contrecarré par sa famille dans ses goûts et son impérieuse vocation. Tout au contraire, il ne reçut de ses parents qu'encouragements et réconfort. Sûrs de son succès, convaincus que seule la capitale pouvait donner à son génie la gloire à laquelle ils le savaient promis, son père et sa mère et une vieille tante, Mlle Kerinou, qui aidait leur ménage à vivre, prirent un beau jour une résolution héroïque : ils vendirent à perte leur maigre bien, firent argent de tout et vinrent avec lui s'installer à Paris.
C'est la seule bonne fortune peut-être qu'ait connue Villiers ; il fut dès la première heure admiré et soutenu par les siens ; pas un instant durant des années, et au milieu même des pires déceptions, la foi de ces braves gens ne fut ébranlée. Certes, Villiers les aima, mais jusqu'à leur dernier souffle ils eurent confiance en lui, en son génie, en son étoile.
Et ils moururent dans la certitude de son triomphe.
Ce que nous voulons tenter ici, c'est, plus modestement, d'évoquer pour ceux qui ne la connaissent point encore une des plus intéressantes, une des plus nobles figures de notre littérature contemporaine, et de leur montrer par quoi son oeuvre si probe, si puissante, si vibrante de bonne et saine colère est digne de leur attention, de leur étude et de leur respect — et s'il nous était finalement donné de la leur faire aimer comme nous l'aimons nous-même, nous nous tiendrions pour largement récompensé d'un effort dont, en dépit de notre bonne volonté, nous sentons déjà toute l'insuffisance.