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sur 193 notes
Bon, je sens que je vais me faire des ennemis...
J'aime bien me faire un petit polar de temps en temps. Mais j'ai du mal à considérer les enquêtes policières comme autre chose qu'un pur divertissement. Je sais bien qu'il est d'usage de défendre la littérature noire comme un genre chirurgical, qui sonde les âmes et fouaille les corps pour diagnostiquer les maux de notre époque, voire comme un genre métaphysique qui révèle le Mal et les Péchés des hommes (avec plein de majuscules).
Alors sans doute ai-je parfois frissonné, touchée par l'aile du désespoir et de sa copine la déréliction, mais la plupart du temps je m'excite surtout sur le suspens somnivore et le coupable improbable, qui rendent la lecture ô combien plaisante et dispensable.
Tout ça pour dire que cela faisait un moment que ce roman de Somoza me faisait de l'oeil: dans un monde pas si lointain, la science a vaincu la technologie en découvrant le psynome, équivalent psychique du génome ; et notre ADN mental a été déchiffré, chacun de nous réduit à sa philia, soit la structure de son désir qui, une fois décodée, met son porteur sous l'emprise totale de qui l'aura activé. Les méchants ne sont donc plus arrêtés par un flic, l'arme au poing, mais par un appât, qui, expert en séduction, contraint le vilain pas beau à l'orgasme et à l'auto-élimination.
Mais comment apprend-on à évaluer la philia de l'ennemi? En jouant Shakespeare, pardi. Qui révèle dans chacune de ses pièces les principes de nos désirs avoués et inavoués sous l'égide de John Dee, grand maître des Illuminatis de l'époque (en gros).
Et comme ma philia, c'est plus ou moins tout-ce-que-vous-avez-voulu-savoir-sur-les-grands-textes-sans-avoir-jamais-osé-demander, c'est vous dire si j'étais partante pour être appâtée et happée. Shakespeare, psychanalyse et philosophie (La philia interdit-elle la liberté ? Vous avez 2 heures), l'extase, quoi.
Ben non (voir plus haut). « L'Appât » n'est jamais qu'un honnête divertissement avec psychopathes, courses-poursuites et twists multiples. C'est sympa mais pour sonder l'âme humaine faudra relire le grand Will et ne pas trop compter sur José Carlos. le monde est peut-être un théâtre mais avec Somoza le masque est moins vénitien que jetable.
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« - Sherlock Holmes est déjà trop ''élémentaire'', dear Watson, remarqua Nacho. Aujourd'hui chaque crime est une équation que résolvent les ordinateurs quantiques.
- Les détectives, policiers, médecins légistes... c'est fini, compléta Monte, sentencieux. Place aux ordinateurs, profileurs, appâts et Shakespeare. »

Diana est un appât. Elle a été entraîné pour cela et c'est l'une des meilleures. Elle souhaite cependant mettre un terme à ce métier si particulier, elle chasse les psychopathes grâce à ses qualités développées pendant son entraînement avec le docteur Gens qui fait un lien étroit entre le théâtre de Shakespeare et la représentation que l'appât doit jouer pour capter l'attention d'un tueur en touchant son désir.

« (...) ce que nous sommes, pensons et faisons dépend exclusivement de notre désir et nous exprimons ce désir à chaque fraction de seconde par les gestes, les mouvements de yeux, la voix... »

Dans cette unité spéciale, les appâts sont tenus secrets afin de ne pas effrayer la population.

« Qu'une drogue vous provoque des hallucinations est une chose, mais c'en est une autre bien différente qu'un geste, un ton ou la vision fugace d'une partie du corps puissent vous rendre fou. »

José Carlos Somoza pose le problème de la liberté dans ce roman, l'action se situant dans un futur proche dominé par les progrès de la technologie et la peur du terrorisme.

« On ne peut pas immoler un innocent pour apaiser le monstre. C'est barbare et inhumain. »

C'est un roman étonnant, un très bon thriller qui évoque également les relations entre Diana et sa soeur Véra. « Sa soeur. Son univers. Son ciel et son enfer privés. Il lui arrivait de penser que toute sa vie était centrée sur Diana. » Orphelines très jeune suite au meurtre de leurs parents, elles n'ont pas pu surpasser cette atrocité à laquelle elles ont assistée.
Cela explique en partie leur volonté de devenir des appâts. Mais l'aînée veut toujours protéger Véra et le jour où Véra part chasser un psycho de toute première classe, Diana a peur et veut l'en empêcher, par tout moyen. Mais le désir est plus fort que tout.

« Le psynome est comme un poulpe invisible : il étend ses tentacules et te palpe. Il touche ta sexualité, ton inconscient, tes pensées. »

Lorsque Véra disparaît, Diana est persuadée qu'elle seule pourra la sauver. Elle reprend l'entraînement pour trouver le masque parfait qui pourra neutraliser le tueur par une « disruption ».

« La disruption est une explosion du désir : tu plonges tellement dans le psynome que c'est comme si tu perforais la terre et, soudain, tu vois monter le pétrole comme un vomissement noir et visqueux. »

Et oui, c'est un thriller noir.

Sera-t-elle assez forte ? Qui trompera l'autre en premier ? Quelle pièce jouer ? ...est-ce un jeu ?

« Que j'admette l'existence du psynome ne signifie pas que je pense que nous manquions de liberté de choix. (...) Nous pouvons tous changer. »
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J'ai fini L'appât. Ouf ! Je l'ai lu finalement plutôt rapidement, car qu'on le veuille ou non, on est pris par cette histoire et ses multiples rebondissements et jusqu'à la fin on va de surprise en surprise en se demandant qui peut bien être le vrai méchant de l'histoire. Un peu comme dans un policier d'Agatha Christie où on attend la révélation finale que fait Hercule Poirot après avoir réuni en cercle tous les suspects, quand le lecteur haletant sait très bien qu'alors même qu'il a soupçonné à peu près tous les personnages qui apparaissent dans l'histoire, il est incapable de se douter de l'identité du coupable. Et çà marche à chaque fois.
Bon, là aussi çà marche. Là aussi, on soupçonne tout le monde, là aussi jusqu'à la fin on ne sait pas vraiment qui est le méchant (il faut dire que c'est assez confus), sauf que là on risque bien d'aboutir à la conclusion que tout le monde est méchant.

Mais rien à faire, je n'ai pas retrouvé le génial auteur de la théorie des cordes, qui reste pour moi le chef-d'oeuvre de Somoza. La clé de l'abîme, je n'en parle même pas tellement c'était une ânerie de première. Daphné disparue est une lecture qui m'a profondément ennuyée et où je n'ai pas compris grand-chose. Clara et la pénombre reste un grand moment de ma vie de lectrice. La dame n°13 est un monument. Ces deux derniers romans plus La théorie des cordes ont ceci de commun que seul un psy peut en être l'auteur. Plus encore qu'un psy : quelqu'un qui a l'habitude de voyager dans les recoins les plus sombres, les plus inavouables, les plus monstrueux, de la conscience humaine. de toutes les consciences ou seulement celles de psychopathes avérés, avides des sensations fortes que seule provoque la souffrance des autres ? A moins que nous ne soyons tous des psychopathes qui nous ignorons.

L'appât ressort de cette veine,un peu, même si Somoza n'a pas retrouvé la verve, l'inventivité, et la capacité à faire croire à son lecteur que tout cela est vrai, qui a guidé sa plume dans La théorie des cordes. Bon, d'accord, je ne me suis pas ennuyée. Mais qu'est-ce que c'est que cette série de délires où l'on découvre des théories que même le plus fous des psys ne saurait imaginer ? Des psynomes, vous savez ce que c'est, vous ? Moi ce n'est qu'au bout d'au moins 250 pages (le livre en comporte 400, et je vous conseille de tenir au moins jusqu'à la page 300 car c'est là que çà s'endiable) que j'ai commencé à comprendre. C'est embêtant de mettre aussi longtemps pour comprendre, car toute l'histoire tourne autour de ce truc. Et ces histoires de philias : pour résumer, on peut être philique de Travail, de Proie, de Négociation, de Sang, de Beauté (voyez, au moins c'est éclectique). Chaque philia correspond vaguement à des masques (pas des masques de carnaval, bien pire, je vous laisse découvrir), à des tenues (des talons noirs, des tops orange fluo, des pantalons en latex pourpre et j'en passe) et le principe c'est qu'il suffit que je lève les bras ou que je fronce un sourcil pour faire déferler en vous des vagues de plaisir telles que vos nuits les plus torrides auront de relents de couvent des clarisses.
Au milieu de tout çà, il y a de fausses putes et des vrais criminels, des enfants maltraités et des professeurs chenus, des flics qui s'ennuient et des médecins ambigus, des mannequins malmenés dans une ferme déserte et des délinquants au milieu d'une zone ravagée par une vieille bombe atomique.
Il y a des crochets, des forets, des lames bien aiguisées que n'aurait pas reniées Sade.
Il y a des inventions futuristes rigolotes, genre montre ordinateur, ordinateur quantique, brouilleur d'image, et des caméras de surveillance absolument partout. Quand on vous appelle au téléphone, ce n'est pas la peine de décrocher un combiné, vous dites « répondre » et grâce aux hauts-parleurs partout dans l'appartement, vous menez votre conversation de la salle de bains à la cuisine (au fait le four à micro-ondes a un écran tactile).

Et puis il y a Shakespeare. Car c'est lui le coupable par lequel tout arrive, l'inventeur des psynomes, des philias et de tout le reste. Qui veut devenir appât s'entraîne sur les bandes enregistrées de ses pièces, et pour qui n'a pas lu toute son oeuvre, ce n'est même pas la peine de candidater à l'emploi d'appât auprès du département de la psychologie criminelle.
Mais à la fin de cette histoire d'une complication inouïe, on ne peut que se dire «Tout çà pour çà ?»
Alors si vous n'avez jamais lu Somoza, lisez plutôt La théorie des Cordes, çà ressemble à quelque chose.
Et au moins, çà m'a donné envie de relire ou de découvrir quelques pièces de Shakespeare.
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J'ai un avis assez mitigé concernant ce roman. Certains éléments m'ont plu mais j'avoue que le négatif ressort beaucoup plus et qu'au final, je n'ai pas réellement apprécié ma lecture. J'ai lu le livre mais sans entrer dedans, et j'avoue que ce n'est pas la meilleure façon de lire. C'est dommage, car ce livre m'avait été offert et je sais que les goûts et les couleurs ne se commandent pas, mais j'aurais aimé avoir un autre avis sur L'appât.

La première chose qui m'a gênée et le fait que le thème du roman soit compliqué et qu'au final je n'ai pas trouvé que nous avions assez d'explications. C'est mon côté scientifique qui ressort. J'ai cette manie de toujours vouloir comprendre. Et là, même si au fur et à mesure, on arrive à plus ou moins saisir le concept des psynome et philia, j'avoue qu'il y a de quoi vous donner mal au crâne. Ce qui est « rassurant » c'est que même notre héroïne ne semble pas maîtriser non plus cela, du moins le théorique. Pour la pratique, c'est un as. le second point est que je n'arrive pas à comprendre comment l'utilisation des psynome est à ce point une arme létale. A certains moments, j'ai plus vu cela comme une sorte d'hypnose, de contrôle de l'esprit. Et avec du recul, je pense que c'est en grande partie cela, sauf qu'on y ajoute le plaisir, le désir et le sexe… Et là, nous tombons sur le troisième point que je n'ai pas apprécié…

L'ambiance du roman est assez glauque. Les appâts sont des personnes brisées dont on se sert depuis le plus jeune âge pour attraper des criminels. Pour ajouter un peu à l'horreur de la situation, on les utilise comme objets sexuels, et ils ont droit à des entrainements, des mises en situation réelles… Et là, je dis non. J'ai essayé de faire abstraction de cela, mais c'est difficile. On prend des personnes brisées, on les brise encore plus, on les humilie, on joue avec elle pour attraper des criminels. Une idée franchement tordue et écoeurante. La fin justifie les moyens en quelque sorte. Et pour faire passer la pilule, on nous dit que les appâts aiment être des appâts car cela leur donne un énorme pouvoir…

Cependant, j'avoue que l'auteur a bien su saucissonner son intrigue. Et au final, ce n'est pas une mais trois enquête que nous suivons. Je ne me suis doutée que de peu de choses, et cela est toujours un point très positif pour moi dans un thriller. Il n'y a rien de pire que de deviner qui est le tueur dès les premières pages (sauf quand c'est un choix de l'auteur, cela va s'en dire). Tout se déroule par étape et chacune des enquêtes se finit séparément sans embrouille entre elles. Et le plus important, l'auteur nous explique le pourquoi du comment. J'aime aussi savoir pourquoi les tueurs agissent de la sorte, même si au final on apprend que ce sont des psychopathes (je parle en général pas pour le roman en particulier). du coup, ce côté-là du roman, la partie vraiment thriller a été très intéressante. Et c'est vraiment ce que j'ai apprécié.

Côté personnage, Diana, notre héroïne est aussi intéressante. Je ne me suis pas attachée à elle, j'ai vraisemblablement du mal avec les personnages féminins principaux écrits par des hommes, mais elle est forte, déterminée, sûre d'elle juste ce qu'il faut, et sa vision du monde n'est pas faussée. J'entends par là qu'elle se rend compte de choses que beaucoup d'appâts ne voient pas. Pour les autres personnages, aucun d'eux n'est vraiment ressorti. Claudia est peut-être une exception. Son personnage était vraiment intriguant et j'ai apprécié son développement.

Un thriller donc en demi teinte qui fait ressortir le pire de l'espèce humaine par bien des aspects et qui joue dangereusement avec la folie de l'esprit. A ne pas mettre entre les mains de n'importe qui.
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El Cebo
Traduction : Marianne Millon


ISBN : 9782330018771


J'ai attendu longtemps qu'il parût en format poche, aux Editions Babel Noir. Et mon attente a été récompensée. "L'Appât" est en effet désormais à mes yeux le chef-d'oeuvre absolu de son auteur, juste devant "La Théorie des Cordes" que nous avons déjà évoqué et que je place maintenant en seconde position. Comme d'habitude avec Somoza, l'action se situe dans un futur assez proche mais que nous ne pouvons dater avec précision. On sait simplement que tout se passe après le 11 septembre 2001 mais il n'y a pratiquement aucune allusion au grand choc de cultures qui occupe hélas ! de plus en plus notre quotidien. Disons cependant en gros que les armes classiques ne suffisent plus et que, sous l'influence de certaines personnes dont le fameux Victor Gens, les Espagnols, puis les Européens et les Occidentaux dans leur ensemble, ont accepté de mettre en oeuvre des armes humaines tout à fait indétectables : les appâts. (Perdu : les appâts ne se mettent pas d'explosifs autour de la taille et ne se font pas sauter en public. Les appâts sont l'aboutissement d'une civilisation très évoluée. Capice ? )

Les premiers appâts ont été recrutés par Victor Gens et entraînés par lui. Très vite, certains enfants ont participé au "programme". En général, il s'agissait d'enfants que la Vie avait déjà marqués de son sceau de feu mais qui avaient survécu. Comme Diana Blanco par exemple, notre héroïne, qui, aujourd'hui adulte et doutant un peu de sa "profession", semble vouloir "décrocher" pour épouser un ancien appât, Miguel Laredo, qu'elle assimile plus ou moins à une figure paternelle, sinon à celle d'un grand frère protecteur. Quand elle avait dix-douze ans, Diana a vu des truands, qui s'étaient introduits chez elle grâce à l'aide de la domestique, torturer et assassiner ses parents. Vaille que vaille, elle est parvenue à préserver (plus ou moins car elle s'en sort avec les tympans crevés) sa petite soeur, Vera et, si elle-même a survécu, c'est non seulement parce que la police a fini par débarquer avant que les pychopathes ne s'en prissent vraiment aux deux fillettes mais aussi parce que, en obéissant aux ordres de celui qui était leur chef, Diana lui a "donné" ce qu'il voulait, ce qui lui faisait le plus plaisir et ainsi retardé le moment fatal. (Perdu encore : entre le psychopathe et la petite Diana, ce n'était pas de la pédophilie. Chez Somoza, on raffine toujours : on fait dans l'intellectuel, il faudra vous y habituer. )

En d'autres termes, Diana avait en elle le don recherché par Gens. Dans son "collège" très spécial et dans sa "Ferme", encore plus étrange, elle a appris à le développer, sur fond de théorie mi-psychanalytique / mi-théâtrale et littéraire (ben oui Jelisavecplaisir : lire n'enrichit-il pas toujours la personnalité ? ) et elle est ainsi devenue un appât redoutable. Au moment où commence le roman, elle "piste" d'ailleurs deux tueurs très dangereux : l'un, surnommé l'Empoisonneur, qui expédie ses proies ad patres avec un poison d'origine inconnue ; l'autre, le Spectateur, ainsi nommé parce qu'il aime mettre en scène tortures et assassinats mais aussi parce que, de profilage en profilage, on en est arrivé à la certitude qu'il avait une bonne connaissance des théories de Victor Gens et que, pire encore, il avait au moins un assistant. Un sadique complet, quoi. S'il prenait l'envie à Dexter de s'occuper de lui, il aurait pas mal de pain sur la planche, croyez-moi.

Rassurez-vous : je ne chercherai pas à vous expliquer les théories, d'ailleurs très efficaces bien que totalement immorales, de Victor Gens. Je souligne néanmoins que, pour ne pas vous sentir trop dépaysé dans l'univers de "L'Appât", surtout si vous n'avez lu jusqu'ici aucun roman de Somoza, il vous faut avoir des bases en psychothérapie (après tout, l'auteur, de formation, est psychiatre-psychanalyste) et aussi vous y connaître un tant soit peu parmi les oeuvres de Shakespeare. Il vous faut aussi avoir entendu parler de John Dee, le célèbre astrologue élizabethain, inventeur, dit-on, du "Miroir Noir", qui apparaît çà et là dans quelques textes fantastiques de grande beauté ... Bon, d'accord, il vous faut quelques bases. Mais pas au point de vous affoler. Pour autant, si vous n'avez jamais lu Somoza, sans doute feriez-vous mieux d'entrer chez lui par une autre porte que cet "Appât" où il atteint à son zénith. Mais enfin, si vous choisissez de vous précipiter tout de suite dans ce policier-roman noir où la psyché et ses mystères tiennent une place si importante, à Dieu vat ! Si vous aimez ce qui est original et pourtant solidement structuré, les idées qui ne ressemblent à aucune autre et les écrivains qui cherchent à façonner un véritable univers, si complexe ou imparfait qu'il puisse paraître, "L'Appât" ne pourra que ... vous séduire.

A certains moments, le thème m'a évoqué, de manière ténue, celui de "L'Enfant des Colonels" Mais, à la différence de celui de Fernando Marías, ce livre n'est pas une apologie plus ou moins glauque de l'exploitation de l'humain. Somoza étudie une situation qui pourrait fort bien devenir réalité, de la même façon qu'il étudie, dans "Clara et la Pénombre", une autre forme d'exploitation du corps et de l'esprit, mais là non plus dans le monde de la Défense et de la Guerre mais dans le monde de l'Art. Loin de se révéler fasciné par les personnalités monstrueuses qu'il est obligé de créer pour étayer son roman, Somoza n'oublie jamais que, pour avoir atteint à un Mal aussi complet, il leur a fallu posséder également une parcelle d'humanité positive. le "talent" des appâts, dans leur ensemble, celui de Diana bien sûr, mais même celui de Claudia Cabildo, a quelque chose non de surnaturel mais de surhumain. Dans le cas de Cabildo, ce talent en est venu, hasard ou folie, à atteindre une perfection telle qu'elle cause les souffrances et la fin, presque apocalyptique, du personnage. Claudia Cabildo est, en quelque sorte, "celle qui a vu le Grand Dieu Pan" et, après cette vision, rien pour elle ne pouvait plus être comme avant.

Une fois de plus, José Carlos Somoza, dont l'imagination est vraiment des plus fertiles et des plus originales en notre époque si vulgaire qui confond "tapage" et "abrutissement" avec "talent" et "génie" , trouve le moyen d'interpeller la nôtre en façonnant peu à peu sous nos yeux un univers très réaliste et en même temps onirique et, ajouterai-je, en créant des questions existentielles tout à fait neuves, que l'on rencontrait jusqu'ici à la rigueur, et toujours présentées avec une certaine prudence, chez les grands maîtres de la SF mais rarement chez les écrivains non spécialistes de ce genre très particulier. Dans la SF, le lecteur dispose toujours d'un certain recul, loisir lui est laissé de se réfugier, s'il le désire, dans la certitude que le monde décrit est trop loin dans le temps et trop déformé par celui-ci pour qu'il soit réel. (Et puis, il y a l'arsenal habituel : vaisseaux spatiaux, extra-terrestres, clones, humanoïdes, etc, etc ... ) Dans ce que j'appellerai "le genre Somoza" car je ne lui connais pas d'équivalent, le lecteur est juste, tout juste au bord du monde imaginé par l'auteur : un seul pas en avant et il se pourrait que notre réalité devienne celle-là. le Temps, ici, ne nous protège plus : ce que raconte Somoza ne nous arrivera peut-être pas à nous, les quinquagénaires, mais nos enfants, à l'âge que nous avons, sont susceptibles d'y être confrontés. Comme nous-même, du jour au lendemain, d'un univers qui ne connaissait que la radio, la télévision et le cinéma, nous avons basculé - et avec quel naturel, quel bonheur même ! - dans celui d'Internet à domicile et tous les jours.

Pour en revenir à l'intrigue de "L'Appât", tenter de vous la résumer vous embrouillerait plus qu'autre chose. Prenez les personnages comme ils viennent et tels qu'ils se présentent. Je ne dirai pas que les habitués, pas seulement de Somoza mais aussi du genre policier / roman noir en général, ne détecteront pas tout de suite le détail qui ne colle pas et ne soupçonneront pas une fin bien plus complexe que prévue, mais laissez-vous immerger : en bonne logique, vous ne lirez pas la fin avant d'y être réellement arrivés, tout simplement parce que, pas un instant, vous ne vous ennuierez. Laissez-vous envoûter aussi car José Carlos Somoza, de livre en livre, se révèle vraiment un très grand magicien.

Bien supérieur à John Dee, si vous voulez mon avis. Quant à sa théorie personnelle sur l'universalité des thèmes shakespeariens, ma foi, elle se défend. Qui sait ? Qui peut savoir ? ...

Lisez "L'Appât" et découvrez un écrivain dont le XXème comme le XXIème siècles garderont le nom gravé sur leurs Tablettes de la Littérature : José Carlos Somoza. ;o)
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"Mais... Qu'est-ce que c'est que ces c*nneries????" Telle est la phrase que je n'ai cessé de proférer, au moins cinquante fois, à la lecture difficile, perturbée et pour le moins désagréable de ce roman de psy qui a sombré dans l'abîme. Et pourtant, j'adore cet auteur, et j'en ai lu des trucs zarb, des styles et contenus radicaux (Dantec, Peace, Sade, Proust...), que j'ai fini par estimer et respecter en tant qu'auteurs et esprits. Somoza, qui est psy en parallèle de sa carrière d'écrivain, et qui a pour marque de fabrique le thriller SF avec un concept déjanté mais après tout concevable et intelligent (l'art humain dans Clara et la Pénombre, la poésie magique dans La Dame n°13, etc.) franchit ici la limite du ridicule absolu, et du délirant. Je suis du même avis que Zorazur, mais je vais bien sûr détailler et expliquer :

Vous n'imaginez pas ma déception, moi qui étais, pendant des années, un boulimique de théâtre, qui voue un culte à Shakespeare, et qui voulais donc absolument lire ce fameux polar sur Shakespeare enfin écrit par Somoza qui l'admire aussi. La quatrième de couverture est très vendeuse : Dans un Madrid futuriste, on dresse des profils psychologiques de criminels à partir des pièces de Shakespeare. Surgit un tueur en série insaisissable surnommé le Spectateur, qui échappe à toute catégorisation. "Mais ça a l'air GÉNIAL!!!" Me suis-je écrié pendant des années tandis que l'objet m'attendait dans ma bibliothèque! Et vous aussi, sans doute.

Et bien en fait non!!! Lisez bien, je vous jure que c'est vrai : En guise de théâtre, Somoza nous offre de la... danse. Il introduit le concept imaginaire du Psynome, centre cérébral de tous nos désirs, pulsions et de notre plaisir. Il explique que chaque être a sa Philia (en gros, son fantasme), et il relie toutes les Philia (qui ont des noms complètement idiots et obscurs) à des pièces de Shakespeare! Soit, me direz-vous, sauf que les fameux Appâts du titre sont en fait des "actrices" professionnelles employées par la police pour réveiller les Philia des suspects à appréhender en les faisant donc mourir d'un orgasme absolu (oui, oui...) au moyen... d'une espèce de chorégraphie à la noix, genre elles bougent trois fois un bras en triangle en croisant une jambe, dans une certaine tenue, et hop, non seulement le type est paralysé, hypnotisé, en pleine extase sexuelle, mais en plus, ladite mini-danse a un lien farfelu et nébuleux avec telle ou telle pièce de Shakespeare!!! Mais qu'est-ce que...?? Achevez-moi...

Alors, je veux bien qu'il y ait une réflexion sur l'esthétique du corps, sur son pouvoir, mais c'est tellement.... bébête, et ça va tellement loin dans la disproportion. Trois gestes et le gars jouit et il est complètement possédé? Sérieusement??? J'ai arrêté à la moitié tellement ce genre de scènes et de passages m'insupportait, et j'ai repris seulement il y a quelques jours, car je déteste ne pas terminer un livre, voulais connaître le fin mot de l'histoire, et après tout, on ne peut juger d'une oeuvre sans la lire intégralement. Il y a bel et bien du théâtre, dans le sens où les appâts contrôlent tout dans leur être, du moindre geste à la façon de parler (au point qu'elles sur-réfléchissent tout leur comportement pensé de façon millimétrique, et que la conséquence logique de tout cela soit la remise en question de toute sincérité ou spontanéïté de leur part, problématique que l'on retrouve dans la vraie vie avec les acteurs en général), toujours à cette fin de manipuler leur adversaire et sa libido. Bon, je veux bien reconnaître qu'on fantasme aussi sur des voix et des dictions, mais franchement... J'en perds mon ton habituel d'universitaire précieux pour des interjections, des jurons réprimés et des points de suspension... Quand je dis que c'est un délire de psy, c'est que Somoza nous livre avec ça un discours foireux où nous serions tous esclaves de notre plaisir, de notre désir... Euuuuh, oui, mais j'ai envie de dire "Et alors?". Ça fait quand même un peu moralisateur freudien. Personnellement, je suis un jouisseur, et j'ai envie de lui dire "Tant mieux!"

Il y a du positif parmi tout cela, mais ça ne vaut pas le coup de se faire souffrir si l'on aime Shakespeare : L'intrigue policière est sympa, avec pas mal de twists, le rythme de thriller effréné et le suspense propres à Somoza. J'ai senti venir la surprise des derniers chapitres, car puisque Somoza évoquait toutes les pièces de Shakespeare dans l'ordre chronologique, et sachant bien que son oeuvre se clôture entre autres par le Conte d'Hiver et La Tempête... Cela donne quelques hypothèses! Mais le retournement de situation de l'épilogue s'avère par contre totalement imprévisible... La toute fin de l'héroïne Diana est très logique, et rappellera un peu Clara et la Pénombre. Il y a des passages assez agréables au milieu de tout ce maelström : La représentation d'un Madrid post-attentat atomique avec une Zone Zéro, des inventions technologiques rigolotes, des conversations métaphysiques et éthiques intéressantes (Somoza adore ça dans ses romans, et même si ça fait un peu "explicitation du sujet de mon bouquin au cas où on aurait pas compris", ce sont toujours de bons moments), notamment entre Diana et le psychiatre Mario Valle. Les chapitres narrés du point de vue du Spectateur tranchent avec le reste de l'oeuvre, et l'écriture de l'auteur reste très agréable et soutenue, comme on en voit peu dans le polar (et servie par la traduction de Marianne Millon qui a dû quand même bien galérer avec ces histoires de Psynomes et de Philias).

Je crois que j'ai tout dit... J'espère que mon prochain Somoza suscitera moins mon ire et mon irritation. Apparemment, le Mystère Croatoan, qui vient tout juste de sortir, renoue avec ce qui a fait son succès... En attendant, je vais passer à autre chose, je pense...
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Il ya quelque temps, je disais que l'uchronie n'était pas mon style de lecture.Et pourtant, je viens d'en lire et surtout de l'apprécier au travers de ce roman de José Carlos Somoza. Il faut dire que cet écrivain est un maître en matière de fantastique romanesque.
Tout commence par la passion de l'auteur pour le théâtre de Shakespeare. le roman est d'ailleurs divisé en actes et s'inspire de nombreuses pièces de l'auteur anglais. Chaque pièce inspire un comportement humain, un masque, un psynome.
Le début du roman est un peu ésotérique tant que l'on n'a pas intégré les différentes notions.
" D'après cette théorie (psynome), ce que nous sommes, pensons et faisons dépend exclusivement de notre désir, et nous exprimons ce désir à chaque fraction de seconde par les gestes, les mouvements des yeux, la voix..."
"Le psynome serait donc une sorte de code de notre désir."
" les sujets de la même philia réagissent de la même façon devant des stimulations semblables.On entraîne les appâts à identifier les philias."
" le monde ne serait qu'un théâtre."
" Il disait que Shakespeare avait décrit tous les psynomes dans ses oeuvres."
Ainsi, à la suite des attentats du 9 Novembre en Europe, les chefs de la Psychologie criminelle ont eu l'idée de recruter des appâts et de les entraîner à la recherche de dangereux criminels.
Diana Blanco, l'une des meilleures appâts va se lancer sur la piste du Spectateur, un tueur en série de femmes et de l'Empoisonneur. Elle s'investit pleinement lorsqu'elle craint pour la vie de sa jeune soeur, appât débutant.
La construction est celle  d'un roman policier avec du suspens, des rebondissements (peut-être un peu trop en fin de livre), une angoisse quelque fois insoutenable, des scènes macabres. Mais, bien au-delà de l'enquête, il y a l'analyse de comportements humains. Diana a connu un drame familial traumatisant qui définit sa conduite.
L'auteur est aussi psychiatre et il nous illustre ici, le pouvoir de l'esprit, le monde de la manipulation. Il nous fait réfléchir sur les  pouvoirs de la  science, l'exploitation d'êtres humains au service de la police ou de la Politique.
C'est un roman époustouflant qui pousse notre esprit vers les régions fantastiques du pouvoir humain.
Les références permanentes aux oeuvres de Shakespeare m'ont donné une cruelle envie de lire les différentes pièces citées et de découvrir ces caractères humains. J'ai un peu honte d'avouer que je n'ai jamais lu Shakespeare.
J'avais déjà apprécié La clé de l'abîme  et je continuerais à lire José Carlos Somoza pour son imagination fertile, sa maîtrise des intrigues et pour ses personnages ambigus et énigmatiques.
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L'Appât fonctionne entièrement sur le concept du psynome et du monde comme théâtre. Prenez des notes, vous y verrez plus clair. Somoza invente le psynome sur le modèle du génome, comme un matériel codé propre à chaque individu, non pas génétique mais psychologique. Les psynomes sont classés par catégories nommées « philia », parce que cela correspond à un essentiel désir irrépressible autour duquel se forme l'individu. Soit. le truc, pour choper du criminel frais et dispo la main dans l'estomac de sa victime, c'est de s'adresser directement à sa philia par le biais de stimuli précis. le psynome étant un code, des ordinateurs quantiques se sont chargés de le traduire en différents algorithmes, interprétés comme une série de gestes, attitudes, couleurs, etc., propre à chaque philia. Vous suivez toujours ? Tant mieux, parce que moi, je m'y perds. Quoiqu'il en soit, les appâts sont formés comme des acteurs, ce sont des acteurs capables de mimer et d'être l'ensemble de ces gestes. Un des Nimbus auteurs de la théorie fait de Shakespeare la clé de toutes les serrures, arguant que toutes les philia sont décrites dans l'oeuvre du grand Bill. Tout ceci permettant de tisser sans fin le motif de la vie comme une scène, du nécessaire trompe-l'oeil qu'est le théâtre, etc. Peu convaincant, au final.
Malgré son apparente complexité, l'idée de base est assez séduisante. Revenir à l'humain comme solution de salut, mais seulement pour l'objectiver au point de le dénaturer, de nier le concept même de nature attendu que les appâts de haut niveau ne sont que des coquilles vides qui donnent corps à une pantomime sans jamais s'incarner. La métaphore théâtrale, certes un peu lourde et téléphonée, est une idée intéressante aussi, tout comme le fait d'en passer par Shakespeare pour expliquer le monde comme il va (il apparaîtrait autrement que par le biais de citations doctement dispensées et de rapides récits de ses pièces, ce serait encore mieux. Tel quel, l'app(l)at est un peu épais). Mais on ne marche pas, la magie de la scène n'opère pas. Au contraire, j'en garde une impression de froideur, d'ennui poli, malgré certaines scènes de grande violence, dont on se demande si elles ne servent pas juste à contrebalancer l'absence d'émotion que procure la lecture et de réveiller le lecteur. Je me trompe peut-être, mais il m'a toujours semblé que l'intérêt du polar était au contraire de mettre en place une lecture active, un jeu de chat et de souris avec les pistes et les suspects. Ici, le chat s'est barré et la souris tourne en rond. Il y a bien des rebondissements, certains inattendus, mais cela ne suffit pas à maintenir l'intérêt, tout juste l'attention.
D'un point de vue purement littéraire et romanesque, on glisse souvent dans le lourd, le malaisé, presque maladroit. Je passe sur l'absence totale d'humour, même par inadvertance. Enfin, j'ai été assez gêné par le rendu des scènes de combats : quand un appât se bat, il le fait sans arme, à base de mime et de mouvements savamment calculés. On dirait que par essence, toute tentative de description rendra le passage ridicule, ne peut être qu'incongrue. Imaginez une scène de prise d'otages où, au pic de la tension, les tireurs d'élite se lancent dans un remake de Rabbi Jacob. Personnellement, j'ai piqué un fou rire. Je ne pense pas que c'était l'effet recherché.
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L'appât, les appâts ce sont ses d es agents formés à la technique des « masques » : identifier en quelques secondes la nature du désir le plus profond du suspect pour provoquer en lui une overdose du seul plaisir auquel il ne peut résister. Il entre dans notre psyché. Ils sont formés au centre de formation ultramoderne de la police madrilène. Là un dispositif constitué de profileurs, d'appâts et d'ordinateurs est créé pour traquer l'insaisissable Spectateur qui terrorise Madrid.
Et Diana Blanco est leur meilleur élément. Quand elle découvre que sa jeune soeur est aux prises avec l'insaisissable Spectateur qui terrifie la ville, elle mène une course contre la montre qui la conduit jusqu'à l'antre du monstre. C'est du moins ce qu'elle croit.
Avec "L'appât" Somoza nous propose un fantastique roman policier fantastique et d'anticipation où il rend un vibrant hommage à l'oeuvre de Shakespeare. Avec ce thriller ambitieux et captivant il constate aussi le talent et le génie du dramaturge Mais attention l'intrigue de ce polar est très alambiquée et la lecture pas forcément aisée. Bref du Somoza dans le texte. Subversif ? Troublant ? Inventif ? Ingénieux ? Ce qui est certain c'est que les qualificatifs ne manquent pas pour décrire cette oeuvre .
J'aurai pu mettre cinq étoiles car j'ai adoré ce livre, mais la complexité des rouages de ce polar m'a retenue. En effet je crois réellement que c'est un vrai frein qui pourrait en décourager plus d'un, d'où ce demi point en moins. Mais franchement j'ai eu un vrai coup de coeur pour ce titre et cette auteur.

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José Carlos Somoza confirme sa vocation de charmeur de serpent. Son instrument : extraire d'un univers inattendu (la littérature, les arts plastiques, la philosophie, la physique) quelques idées ou quelques concepts de fiction, mais à peine, et les appliquer ailleurs, dans un univers reconnaissable dans le quotidien du lecteur, quelle que soit l'époque où l'action se déroule, où ils germent en une succession haletante de monstruosités. Recette invariable. Et l'on s'y laisse prendre invariablement.

Ici, l'univers, c'est le théâtre de Shakespeare. Et personne n'ignore que sa richesse en a fait surgir des dizaines de lectures ésotériques et secrètes. Un chapitre du roman par pièce et par illustration des concepts.
Les concepts ont trait à la psychologie du désir, "épicentre de notre psyché". le "psynome" est comme le génome : chaque être humain en possède un type, et un expert pourrait les reconnaître et les classer en un ensemble de nombre réduit. Ce qui caractérise le psynome, c'est d'être irrésistiblement attiré par un désir, appelé "philia" et possédant des dénominations séduisantes, qui peut être convoqué par des techniques théâtrales : gestes, scènes, visions d'un fragment de peau, évocation d'un sentiment, posture, costumes, intonation de la voix, fragment de texte récité... cela s'appelle un "masque". L'apparition d'un masque évoquant sa philia spécifique rendrait le spectateur entièrement impuissant, incapable du moindre acte de volonté, submergé par une vague écrasante et irréversible de plaisir, "accroché" à, voire "possédé" par l'acteur comme sous hypnose, quitte à ce que celui-ci décide de lui provoquer une "disruption". [Étonnant abîme de toute vision romantique de l'amour... Postmodernité, que je t'aime !]
Tout cela, Shakespeare l'aurais su et crypté dans ses pièces. Cinq siècles plus tard, des unités très pointues des bureaux de police de différents pays l'utiliseraient dans la formation d'agents appelés des "appâts", chargés d'accrocher et de neutraliser terroristes et tueurs en série. Des expériences sont menées pour toujours perfectionner les techniques...
La narratrice est un "appât". L'histoire semble être celle de sa chasse contre un tueur en série. Mais les quelques 35 opus du canon shakespearien sont complexes et riches en rebondissements : cela n'est pas un mystère !

[ma notation de ce livre a augmenté depuis la première rédaction de la critique, car je m'aperçois que je reviens souvent à la notion de "philia", dans des réflexions sérieuses]
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