Civil War: Amazing Spider-Man

Ce tome fait suite à The road to Civil War (numéro spécial "Illuminati", épisodes 536 & 537 de la série "Fantastic Four", épisodes 529 à 531 de la série "Amazing Spider-Man"). Il contient les épisodes 532 à 538, initialement parus en 2006/2007, écrits par Joe Michael Straczynski (en abrégé JMS), dessinés par Ron Garney, et encrés par Bill Reinhold, avec une mise en couleurs de Matt Milla.

Les événements de ce tome se déroulent concomitamment à Civil War de Mark Millar et Steve McNiven.

Après la catastrophe de Stamford, Peter Parker accompagne Tony Stark dans son jet privé pour se rendre sur place. Une fois là bas, Iron Man et Spider-Man constatent l'étendue des dégâts, pendant que l'avion présidentiel survole la ville. 3 heures plus tard, Tony Stark est dans le bureau oval, pendant que Peter Paker attend dans le couloir attenant, à la Maison Blanche. Après l'entretien, Stark lui explique la situation. À titre préventif et pour éviter que la situation ne dégénère plus, tous les individus dotés de superpouvoirs sont dans l'obligation de se faire recenser, en révélant leur identité secrète. En tant qu'aide de Stark, Peter Parker doit choisir dans les 24 heures s'il se fait recenser ou s'il passe dans la clandestinité. Stark est le chef de file des pro-recensement, Captain America (dont l'identité n'est pas secrète) est le chef de file des anti-recensement (ceux qui sont contraints de se cacher).

Avec ces épisodes, Straczynski donne l'impression de brûler les ponts derrière lui, qu'il n'y aura plus jamais de possibilité de retour en arrière. Les lecteurs chevronnés de comics savent qu'il est toujours possible de trouver une solution pour revenir au statu quo initial, de faire table rase du passé (récent) pour revenir au passé (originel). La force d'un scénariste est de faire montre d'assez de conviction pour que le lecteur croit au changement le temps de sa lecture. Ici JMS prouve toutes ses qualités de scénariste.

La lecture de "Civil war" est indispensable pour comprendre différents revirements de situation, ainsi que l'ampleur des enjeux. Comme lorsque Spider-Man fut intégré dans les Avengers, JMS ne s'attache qu'à donner le point de vue de Peter Parker, à développer ses réactions, à exposer ce qui le conduit à faire certains choix plutôt que d'autres. du fait de son rapprochement avec Tony Stark, Parker se retrouve encore plus exposé que les autres superhéros au recensement. Les responsables éditoriaux de Marvel planifient les histoires avec les scénaristes au moins 1 an à l'avance. À la lecture, il n'est pas possible de cerner depuis combien de temps "Civil War" était en préparation et si le rapprochement avec Stark n'a été pensé que pour cet événement, depuis le début.

La narration de JMS reste organique et fluide, montrant comment Parker est balloté par les événements du fait de sa position, quels sont ses atermoiements sur la décision à prendre, quelles sont les réactions de Mary Jane et de tante May. C'est un plaisir rare que de pouvoir observer un personnage soumis à une terrible pression et affrontant un dilemme moral d'une telle ampleur. Même en connaissant la suite proche (One more day) et ce qui s'en suit, ces épisodes n'ont rien perdu de leur puissance émotionnelle. D'autant que JMS ne se regarde pas en train d'écrire ses personnages soliloquer, l'action reste présente, la réflexion dépasse l'échange de platitudes, et les conséquences sont effrayantes. Il n'y a pas de bonne solution.

Non seulement Straczynski sait faire ressentir les doutes de Peter Parker au lecteur, ses hésitations, ses sentiments vis-à-vis de ses proches, la complexité de sa relation avec Tony Stark (éloigné de tout manichéisme), mais en plus il ose creuser le fond du problème (recensement ou pas) en s'éloignant du modèle historique du maccarthysme (obligation de recensement des communistes) pour interroger la nature du patriotisme (thème déjà abordé dans l'épisode consacré au 11 septembre), et, encore au-delà, ce qui fait la citoyenneté, et ce qui fait l'identité d'une nation.

Pour ces épisodes d'une intensité et d'une intelligence rare, le lecteur retrouve le tandem Garney/Reinhold, toujours en mode John Romita junior (en abrégé JRjr). Il est visible qu'ils essayent de s'approcher de JRjr dans la manière dont ils composent des dessins iconiques (le Kingpin dominant son interlocuteur par sa stature), le naturalisme des scènes en civil, les postures de Spider-Man (Garney allant jusqu'à allonger ses jambes comme le faisait JRjr, et Reinhold singeant l'encrage de Janson, dans la pleine page de l'épisode 536).

Le résultat aboutit à des visuels en phase avec le début de la série, mais sans les qualités de JRjr qui en font un narrateur visuel impressionnant. En particulier les décors semblent un peu vides, faute de détails, ou alors du fait de détails trop génériques qui ne donnent pas une réelle identité aux lieux. Les expressions des visages manquent de nuance, et le langage corporel n'exprime pas grand-chose. Garney et Reinhold réalisent des dessins descriptifs dont les limites apparaissent quand le regard s'attarde un peu : arrières plans un peu fades, jeu des acteurs un peu forcé, découpage des planches manquant un peu de fluidité. le tout n'est pas désagréable à lire, mais il manque de goût si le lecteur se souvient du début de la série.

La série événement de "Civil war" impose à toutes les autres séries de rattacher leur intrigue à la catastrophe de Stamford parce qu'elle a des répercussions sur l'ensemble des États-Unis. Straczynski s'accommode très bien de ce cadre contraint, et l'intègre à sa série avec naturel. Ce bouleversement lui permet de poursuivre les 2 axes principaux de la série : l'étude de caractère de Pater Parker, et l'obligation d'évolution. Il montre avec finesse comment Parker réagit et sa manière d'envisager l'obligation de recensement. Cette dernière est la source d'une obligation de changement sans précédent pour le personnage, ce qui n'est pas une mince affaire quand on songe au nombre d'aventures qu'il a déjà vécues. Les dessins sont professionnels et compétents, l'oeuvre d'artisans de bon niveau, mais ils ne font que mettre en images l'histoire, sans lui apporter de supplément d'âme. L'histoire se poursuit dans l'avant dernier chapitre de Spider-Man écrit par Straczynski : Back in black (épisodes 539 à 543, et "Friendly neighborhood Spider-Man" 17 à 23 et annuel 1).