📽🔍La période de la seconde guerre mondiale est un sujet qui a été traité un nombre incalculable de fois en littérature, notamment.
Cependant, cela ne fait que trop peu de temps, que certains témoignages voient le jour.
📆💐Nous sommes le 8 mars quand j'écris ces premières lignes à propos de mon retour de lecture, à l'occasion de l'opération masse critique Babelio. Quel belle journée pour parler donc de l'histoire vraie de ces femmes qui se sont, ensemble, évadés après avoir été déportés .
🗨«
Elles étaient neuf : l'histoire vraie d'un groupe de femmes qui a survécu au pire de l'Allemagne nazie.» de
Gwen Strauss, traduit par
Catherine Delaruelle.
▶« Cette histoire ne peut raconter que le destin de quelques femmes, parmi tant d'êtres humains qui ont lutté pour conserver leur dignité malgré les conditions dégradantes et malgré les efforts des nazis pour les anéantir »⏸p.26
🔸Quand on plonge dans la véracité de l'horreur humaine, comment poser les bons mots sur les maux si profond qui nous sont transmis ?
Remuer le passé est douloureux, mais
le devoir de mémoire est aussi essentiel. Pour l'avenir. Pour ces témoins du passé qui disparaissent .Pour qu'on ne puisse pas dire que ça n'a pas existé. Pour que l'on n'oublie pas que l'être humain en est capable.
Il est facile aussi de se dire que l'on n'a pas besoin d'en savoir plus. Pour le savoir, il faut se pencher sur la question.
▶« A mesure que j'avançais dans mon projet, ma réflexion sur la nécessité des lieux de mémoire a évolué. Au début, je ressentais comme une ambiguïté morale à visiter ces sites qui avaient été des lieux de souffrances, à alimenter ce que l'on a qualifié de « tourisme macabre ». A notre époque de tourisme de masse, alors que le site d'Auschwitz reçoit quelque 1,5 million de visiteurs par an, se posent des questions compliquées de gestion des foules, d'une part, et de marchandisation de mémoire de l'autre. Que faire, face à des visiteurs qui prennent des selfies déplacés sur ces lieux de souffrance et de tragédie ? » ⏸p.252
🔸Ce qu'elle dit à propos des visites d'Auschwitz a fait écho en moi, pourtant loin de moi l'envie de parler de ma maigre expérience sur le sujet.
A 16 ans, j'ai eu l'opportunité d'aller visiter Auschwitz et Birkenau. A l'époque j'étais nul en histoire mais je savais ce qu'il c'était passé, et ça me touchait. Pour autant, je ne comprenais pas ce que cette visite allait m'apporter de supplémentaire et je ne savais pas trop si c'était une bonne chose que « d'aller voir ».
J'avais le choix, mais on n'est pas tous les quatre matins en Pologne alors je me suis rendu en ces lieux.
Et là, j'ai compris.
Ça parait fou, mais j'ai compris l'intérêt d'être sur place. L'inconcevable prenait une forme. A chacun de mes pas, je pensais à ceux qui l'avaient foulé avec souffrance. Au courage qu'ils avaient eu. A l'impensable dont l'homme est capable. Les marques sur les murs, la végétation qui semble par pudeur recouvrir les marques de l'horreur, les souvenirs conservés sous vitrines comme les chaussures, … Il ne faut pas que notre mémoire les oublis.
Aucun mot n'est assez juste pour parler de ce genre de visites mais il est certain que ça a changé beaucoup de chose dans mon prisme de vue, dans ma conception de la vie, et de l'Histoire.
C'est pour ça que j'ai été, comme
Gwen Strauss, particulièrement choqué par ceux qui se prenaient en photo, tout sourire devant la grille ou encore les fours, devant l'innommable, …j'ai conscience que la transmission suivant les cultures diffère, mais ce même détail m'avait fortement interpellé.
De la même façon que le célèbre philosophe disait « La seule chose que je sais, c'est que je ne sais rien », plus je lis aujourd'hui sur le sujet, plus je réalise que moi non plus, je ne sais rien.
Alors, j'espère humblement que je serais à la hauteur pour cette chronique.
🔸C'est dans le cadre familiale que l'auteure commence ses investigations. Nourrit de ses nombreuses recherches et de son investissement personnel sur le sujet, nous avons la chance de découvrir le fruit de ce fabuleux travail de mémoire.
De nombreuses recherches ont été effectués, le récit est très documenté et sourcés. Il s'agit d'un travail colossal.
J'ai ressenti une vraie volonté de vérité, de mettre en lumière des témoignages que l'on avait moins entendu, notamment celui des femmes, perdus dans ceux des autres.
▶« Selon certaines estimations, 100 000 femmes ont été violentées par les occupants soviétiques. Lors de sa publication en 1959, ce récit a été vilipendé parce qu'il portait atteinte à l'honneur des femmes allemandes »⏸
🔸J'ai appris des choses que je ne savais pas. Je me suis souvent demandé aussi pourquoi on avait pendant si longtemps minimisé, ou tu certains faits, certains récits, …
En même temps, p.100 on nous rappelle les propos de
Primo Levi « l'Histoire est racontée par les survivants, et que ceux-ci, presque toujours, ont joui d'une forme ou d'une autre, de privilèges dans la perverse hiérarchie du camp. Un privilège, cela pouvait signifier simplement des chaussures correctes, être affecté à un chantier moins pénible, ou se trouver sous la surveillance d'une blockova équitable. »
🔸Parmi ceux qui ont eu « des privilèges » comme l'évoque
Primo Levi, il y a ceux qui ne se sont pas contentés de survivre, ce qui était déjà une épreuve en soi, mais de prendre des risques .Comme Odette, qui a risqué sa vie pour
le devoir de mémoire .
▶« Avant de voler la liste des nazis, Odette a ramassé des bouts de papier sur le sol de l'usine de la Hasag et fabriqué un cahier de fortune. Elle y mentionne qui se trouve avec elle dans le camp, qui a été transféré, ou assassiné.
(…)
Tout ce travail clandestin révèle son obsession de faire connaitre la vérité. »⏸p117
🔸Ce qui marque lors de cette lecture, c'est la solidarité qu'il y a eu entre ce groupe de 9 femmes que je vais vous laisser découvrir. Toutes différentes. Pourtant, elles ne se sont jamais laissé tomber même quand cela aurait pu paraitre plus judicieux pour leur survie. Mais elles ont toutes eu au final, besoin des autres à un moment donné . Nous aurions beaucoup à tirer de cette histoire .
Des solutions les plus risqués, aux plus ingénieuses ; ces neuf femmes ont aussi eu l'immense courage de continuer à se battre pour conserver un peu de vie au camp.
Du plus incongru comme la confection secrète d'un recueil de recettes, laissant oublier que manger à sa faim était exclu, partageant entre cultures diverses les mets préférés de chacune comme l'histoire que l'on lit avant d'essayer d'aller dormir.
Il y a eu aussi la surprenante préparation des Catherinettes ! Là où moi je vais dépenser une somme folle pour réaliser un loisir créatif à peu près convenable, ces femmes ont réalisé des chapeau et festoyés avec rien.
Autant de risques et d'énergie utilisés ça peut paraitre fou, mais c'est cette solidarité féminine, cette volonté de conserver un semblant de vie, qui a surement, je l'imagine, sauvé aussi ces femmes.
Cette histoire ne parle donc pas seulement de celles qui ont tenté de survivre.
Elle parle de ces femmes qui ont continués de vivre, là où pareil mot n'avait plus de sens.
Quand rester en vie est une lourde épreuve, on ose à peine imaginer ce qu'il a fallu de mental, d'énergie pour aller encore plus loin.
🔸
Gwen Strauss ne nous parle pas seulement de cette vie au camp et de cette évasion. Elle nous parle de la vie de ces femmes avant, mais aussi de l'après.
Je remercie l'auteure d'avoir parlé de la transmission traumatique évoqué par Gerard Fromm. Je ne pensais pas qu'elle était autant présente chez les enfants qui sont nés ensuite.
▶« Ce que les êtres humains ne peuvent pas endiguer de leur expérience (…) est exclu du discours social, mais très souvent se transmet à la génération suivante sous forme de sensibilité affective ou d'impériosité chaotique » ⏸ p.226
🔸L'Après, c'est le retour difficile des survivants.
Retrouver ses repères. Il y a les fiancés qui n'ont pas attendu, il y a les amours tant priés qui ne sont plus de ce monde, les enfants qui ne reconnaissent pas leurs parents, ceux qui répètent que le plus important c'est qu'ils soient là et non l'évocation de ce qu'il s'est passé, …La liste pourrait être nombreuse.
L'Après, c'est le 3eme combat après la Résistance et les camps.
Se demander à présent que la guerre est finie, quel est son but de vie .
La prise de parole est difficile dans un monde qui veut surtout « oublier ». Et pas forcément en s'y prenant de la bonne façon.
Les Tondues, par exemple.
▶« On fait défiler les « tondues » dans la rue sous les insultes de la foule. Parfois, on les déshabille à demi, voire entièrement. (…) il arrive aussi qu'elles soient châtiées uniquement parce que, dans l'incapacité de refuser, elles ont servi l'occupant.
(…)
Elles doivent payer pour l'humiliation de la France et la collaboration de Vichy. Pétain, déjà, avait stigmatisé le corps des femmes en rendant la dénatalité responsable de la choquante rapidité avec laquelle l'armée française avait été mise en déroute par les troupes allemandes. »⏸p.221
✅💚Vous l'aurez compris, j'ai énormément apprécié cette lecture avec laquelle j'ai appris des choses. J'ai suivi le parcours de ces femmes avec grand intérêt. J'ai été touché par ces témoignages. Je salue aussi les « petits détails » inconnu du public que l'auteure a su mettre en avant et qui apporte une autre dimension au récit, se distinguant de ceux déjà lu.
Le ton ne tombe pas dans le pathos, le discours ne m'a pas semblé manichéen.
🤔❗❓Mais alors, voyons, pourquoi elle n'a pas mis 5 étoiles ?!!
➡ 🔸Oui, je n'ai pas pu mettre 5 étoiles. Cela n'enlève rien au fait que je vous conseille vraiment de découvrir cette oeuvre que j'ai beaucoup apprécié.
Nous parlons de vérités, et j'ai toujours été honnête dans mes retours de lectures.
C'est toujours dur de le faire quand on parle de témoignages qui sortent du coeur, des tripes. Quand les récits remuent des passés douloureux.
On veut mettre des 5/5 , pour avoir eu le courage de la parole , de nous transmettre , de mettre en lumière,…
Rien de grave je vous rassure, mais pas assez anodins pour ne pas être mentionné.
◼La structure du récit m'a gêné.
A première vue, un chapitre par personnage, avec un récap de celles-ci au début. Parfait !
Sauf que les apparences sont trompeuses et les chapitres par personnages n'en étaient pas vraiment. Tout se mélangeait et j'allais souvent voir le récap des personnages alors qu'elles n'étaient que 9.
J'ai eu l'impression que l'auteure n'avait pas su trancher entre récit chronologique et par personnages. Peut-être aurait-elle pu le chapitrer ainsi au début, avec un court passage sur chacune : leur vie d'avant, leur parcours, ...
Puis une grande partie sur l'histoire de leur groupe, et à la fin, le retour au chapitrage pour savoir ce qu'elles étaient devenues. Je pense que ça aurait d'avantage facilité mon immersion.
◼Il y a eu aussi quelques coquilles qui sont passés, je pense, à la trappe après la traduction.
Cela étant dit, je dois moi-même en faire pas mal lors de mes chroniques (« le rejoint » au lieu de « la rejoint » ; « le traumatisme de la séparation laissé des traces » ,… )
Rien de grave, mais quel dommage tout de même dans cette
oeuvre si intense de vérités.
✅🤍❤J'espère que vous aurez envie de découvrir le destin de ces femmes. Elles ont tant à nous apprendre. Sur le monde, sur nous même, sur l'Histoire, sur ceux qui ne sont plus mais aussi sur ceux qui ont survécus, vécus .
C'est effrayant de plonger dans une histoire comme ça, mais ça l'était encore plus d'en être. Elles se sont battues pour vivre, pensez-vous pouvoir au moins découvrir leur témoignage ? de cette façon, elles continueront à vivre quelque part en nous tous. Et peut-être que si nous faisons ce pas, nous pourrons contribuer à éviter que tout ça existe de nouveau, et que personne ne les oublies .
▶« -Est-ce tout ce que vous avez réussi à sauver, mon enfant ?
-Non, madame. J'ai aussi sauvé ma vie. » ⏸p.114
😁Et n'oubliez pas, prenez du plaisir à lire !👋📚