Dans ce recueil de l'auteur tibétain Tagbumgyal, on découvre trois nouvelles écrites entre 2004 et 2015, et qui tournent autour des chiens.
Dans la première nouvelle, un scandale familial renvoie toute une communauté nomade vers un événement ancien : une campagne d'élimination des chiens pendant la Révolution culturelle. La deuxième nouvelle a une dimension fantastique : un petit chien pékinois arriviste et ambitieux devient employé de bureau. Enfin, dans la dernière nouvelle, un vieux chien se soûle en mangeant le vomi de son maître et, par une suite d'événements, va changer la vie d'un enfant.
Dans ces trois textes aux styles bien différenciés, pas d'exotisme tibétain ou d'idéalisation des sociétés traditionnelles. C'est la nature humaine, partout et toujours. Je suis restée un peu songeuse suite à ma lecture. Il y a une part de flou. Je n'ai pas toujours su clairement ce que voulait montrer l'auteur dans ces histoires où il se passe finalement assez peu d'événements. Il n'y a pas de grands personnages, de longues descriptions poussées, de rebondissements incroyables…
Pourtant, mon attention a été soutenue par la subtilité et l'implicite de l'auteur. C'est bien là que s'est trouvée la part de plaisir à cette lecture et l'envie d'y retourner une deuxième fois après avoir lu l'excellente postface de
Véronique Gossot.
Si le chien est au centre des nouvelles, il s'agit bien de comprendre les hommes. le chien ici est aimé, chassé, adopté, rejeté, utilisé, tué, mangé… Il est un ami fidèle jusqu'au sacrifice, il fait partie intégrante de la vie et influence les destins, il est la métaphore des bassesses et des ridicules des hommes… Il incarne tellement de sentiments qu'il est parfois difficile de savoir qui est l'homme et qui est le chien dans ces histoires. Car les hommes ici sont lâches, hypocrites, soumis au pouvoir et à la flatterie, et ils abusent de leur pouvoir dans une société bureaucratique très hiérarchisée et assez impitoyable.
Les critiques de l'auteur ne sont pas voilées mais elles sont loin d'être vindicatives. Elles semblent posées là, dans le texte tout simplement, sans insistance, avec humour, ironie, subtilité et un regard acéré sur les coeurs humains et les faiblesses qui s'y cachent. C'est par le chien qu'on les regarde et, dans la dernière nouvelle, par l'étonnement d'un enfant sur le comportement des adultes.
C'est une très belle découverte et une véritable chance d'avoir une traductrice du tibétain et les éditions Intervalles pour publier ces textes.