Un livre - plus exactement, une longue nouvelle - aussi réjouissant que désespérant. En guère plus de 100 pages,
Tchekhov aborde des sujets aussi différents que la décadence de la vieillesse, l'impossibilité de l'amour, la difficulté de transmettre, et la bêtise orgueilleuse de ceux qui jouissent d'une position présumée enviable dans la société.
Le narrateur fait partie de cette bourgeoisie respectée, mais désargentée. Au crépuscule de sa vie, il se rend compte de la vanité de toutes choses. Il se dépeint lui-même sans aménité: laid, terne, faible, incapable de prendre la moindre décision. Il devrait arrêter d'enseigner, il n'y arrive pas. Il devrait aller se renseigner sur le prétendant de sa fille, mais il remet sans arrêt cette démarche au lendemain... et quand il s'y décide enfin, il est trop tard. Envers Katia, la seule personne qu'il aimerait aider, il ne sait comment se comporter.
Parmi les pages réjouissantes, une vraie-fausse critique de la science, un plaidoyer ironique pour le
théâtre, ce "divertissement qui coûte trop cher et prive l'Etat de bons médecins et de bons officiers", et une diatribe envers les écrivains russes, dont aucun, selon le narrateur, n'est remarquable. Soit on leur trouve de la générosité et de l'intelligence, mais pas de talent; ou bien du talent et de la noblesse, mais pas d'intelligence; ou, dernier cas possible, de l'intelligence et du talent, mais pas de noblesse. Analyse aussi implacable que perspicace, et qui vaudrait pour nombre d'auteurs français contemporains!
Le tout dans le style simple, concis, et empreint de dérision dont
Tchekhov reste un modèle. Oeuvre nihiliste, ou invitation à se révolter, ou tout au moins, à changer? Chacun appréciera...