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Un jardin de sable est un livre épisodique, et certains épisodes sont plus désopilants ou atterrants que d'autres.
Mais dans chaque épisode, un fil rouge, Jack.

Né au Kansas, plat pays où les océans de blés s'étendent à l'infini, le petit Jack est élevé par ses grands-parents, les MacDeramid, Wilma, sa maman, étant partie voir si l'herbe était plus verte ailleurs après le décès de son mari, un Suédois, Odd Andersen.

Un an après la venue au monde du bébé, le 29 octobre 1929, c'est le début de la Grande Dépression et tous ceux qui frôlaient le seuil de pauvreté se retrouvent dans le caniveau.

Le grand-père, John, qui tentait de faire vivre sa famille bon an, mal an, d'investissements en placements foireux et de ferme abandonnée en ferme abandonnée, tient Roosevelt pour responsable de sa déchéance, et il ne perd pas une occasion de le faire savoir à qui veut bien l'entendre.
Il est d'ailleurs persuadé que Roosevelt lui en veut personnellement.

La grand-mère travaille où elle le peut, durement, sans se plaindre, au fil de leurs déménagements.
Autour de la famille, de nombreux personnages bien croqués, mais le plus souvent uniquement de passage. Ça tombait bien, je ne m'y serais jamais retrouvée.

Le gamin grandit, très proche de son grand-père, et de nombreux chapitres sont désopilants.

J'ai reproché à la première partie d'être assez froide, bien que le livre soit une biographie, mais ceci explique peut-être cela.
Les baffes et les coups volent bas et très fréquemment sur Jack, le pauvre gosse n'ayant qu'un semblant d'extérieur pour jouer, et encore pas toujours... sans jouets, sans copains.

Pour la nourriture, la grand-mère s'en charge, et on pourrait dire qu'à l'époque il mangeait son pain blanc, le livre étant constitué de deux parties.
Mais je n'en dirai pas plus.

Un livre poignant que je voulais lire depuis longtemps, et je remercie donc mes amis Yaya, Sandrinette, Patounet, Berni-Chou, Anne-so et Catherine de s'être joints à moi pour cette LC.

On plonge dans la fange, la pauvreté, la misère, le désespoir.
Et bien entendu, dans ce genre de "milieu", on baigne dans l'alcool, le sexe et la violence.
L'auteur ne s'encombre pas de circonvolutions et les mots sont très souvent crus.

Néanmoins, le style est impeccable et aide à tourner les pages au cours des passages les plus difficiles. Son sens du détail est appréciable pour qui aime les longues descriptions.
De ce fait, on visualise très bien chaque environnement et élément du décor.

Je ne sais pas si je lirai la suite, Tatoo, mais je n'ai pas regretté d'avoir lu celui-ci.
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Une seconde, je reprends mon souffle… Voilà. J'en avais besoin après 830 pages prises en pleine face, sans un seul temps mort, sans un seul moment de lassitude, sans un seul début de commencement de volonté de sauter une simple ligne. Car Un jardin de sable est un monument de littérature, de ceux qui vous marquent un lecteur et qui honorent à jamais sa bibliothèque.

Un préalable : âmes prudes, s'abstenir. Earl Thompson nous entraîne dans un monde de misère, de violence, de sexe, de stupre, de transgressions en tout genre. Et d'amour aussi…

On suit ainsi Jacky, gamin du Kansas dont la mère Wilma n'a rien trouvé de mieux pour père qu'un suédois rapidement décédé, la laissant seule alors que la crise de 29 puis la grande dépression frappe sans pitié les américains les plus pauvres. Des pauvres gens frôlant peu à peu la frontière qui les sépare des paumés, exaspérés par les discours de Roosevelt les appelant au sursaut. Tu sursautes sur quoi toi, quand tu n'as plus rien ?

Période 1 : la jeunesse de Jacky démarre dans une cellule familiale où les grands-parents Mac Deramid tentent de tenir le cap, la tête et l'honneur hors de l'eau. Tant mieux, car Wilma est loin d'être une mère parfaite, suivant le premier fêtard disposant de quelques dollars pour oublier l'espace de quelques temps sa vie misérable. Jusqu'à partir pour suivre Bill, alcoolo méprisable, laissant Jacky seul avec ses grands-parents. C'est le temps de l'apprentissage de la débrouille, ponctué d'incessants déménagements sonnant comme autant de dégringolades sociales vers les frontières de la misère. Et pourtant, malgré une certaine forme d'indifférence de la grand mère Mac Deramid, malgré la rudesse du langage du grand-père Mac Deramid, ces grands-parents seront salvateurs pour Jacky !

Période 2 : Wilma refait surface et entraîne Jacky dans un nouveau semblant de cocon familial avec Bill. Mais du Kansas au Mississippi puis au Texas, difficile d'échapper à l'inévitable descente aux enfers. Bill boit toujours plus, ne travaille toujours pas, est de plus en plus violent, de moins en moins lucide. Alors, de piaule en piaule, de bouge en bouge, vient l'heure de la débrouille : entre deux baffes, le corps de Wilma vaut bien quelques dollars ; le repas du soir vaut bien quelques larcins ; la rue, les voisins, les bars, les rencontres improbables servent d'éducation à Jacky, chantier naturel abandonné par sa mère immature.

Et puis il y a l'amour, le beau, le sublime ! Celui incroyablement généreux des grands-parents pour Jacky ; celui de Jacky pour sa mère ; celui de Wilma pour ce fils qu'elle voudrait aimer. Mais quand on ne sait pas…

Et puis il y a l'amour, le charnel ! Celui que découvre Jacky quand sa sexualité s'éveille, seul, dans la rue, dans un bar, auprès d'une voisine, d'une vision, d'un fantasme.

Et puis il y a l'amour, le sordide. Celui de la violence, du viol, de l'inceste. Celui des repères qui disparaissent quand seul l'instinct de survie commande. Celui qui seul, une fois assouvi, peut conduire au sursaut voire à la rédemption.

Earl Thompson fait le pari d'aller au bout de l'infâme, au plus profond du côté sombre de l'âme humaine, pour mieux démontrer que, même à ce niveau, on peut encore lutter, survivre, rester debout, conserver ce minimum de dignité pour rebondir et se construire un avenir.

Son écriture est simple, belle et fluide, se permettant de faire 5 pleines pages sur un simple détail qui aurait fait deux lignes chez tant d'autres. Sans jamais en faire trop. Même si chez Thompson, une bite est une bite, une chatte est une chatte et le reste est à l'avenant. C'est aussi ce qui fait la force du livre. C'est aussi ce qui choqua tant de lecteurs aux États-Unis au siècle dernier et qui en choquera d'autres en France ces prochains mois.

Mais je le répète, Un jardin de sable est une grande oeuvre, qui plus est magnifiquement éditée par Monsieur Toussaint Louverture. Bravo et merci !
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Une lecture que j'étais contente d'avoir terminée, non parce que le livre est mauvais, non parce qu'il ne m'intéressait pas, mais parce qu'il m'a mis profondément mal à l'aise, par la violence et le sexe qui y tiennent une place majeure et répétitive. Violence insoutenable quand elle s'exerce à l'égard d'un enfant, surtout, sexe qui devient très glauque dans la deuxième partie et c'est à ce moment que le livre m'a rendue un peu nauséeuse par l'accumulation des scènes qui se répètent encore et encore.

Ne vous fiez pas à ma note, j'ai opté pour la neutralité, la plupart sont bien meilleures et la qualité de l'écriture le justifie, mais j'ai retiré très peu de plaisir de cette lecture et mes notations reflètent la plupart du temps ce plaisir de lecture. Dans ce cas, l'écriture très maitrisée et descriptive n'aura pas suffi.

Jack est né dans l'Amérique de la dépression des années 30, d'une mère immature (et le mot est faible en ce qui la concerne) et d'un père qui partira très vite avant de décéder. Il est élevé dans un premier temps par ses grands-parents, et puis rejoindra sa mère et le petit ami de celle-ci pour une vie qui rendra la première partie du livre quasiment l'équivalent du bonheur.

L'Amérique qui nous est décrite est celle de la misère, de la pauvreté, des expédients pour essayer de survivre et garder un toit, avoir de quoi assurer le prochain repas. La vie de ces pauvres gens n'est qu'une suite de boulots hasardeux, dépend de l'assistance qui leur procure juste de quoi ne pas crever de faim, et s'habiller. Jack n'aura que peu l'occasion d'être un enfant, et l'on a tendance à oublier qu'il est aussi jeune, tellement la vie est dure avec lui, tellement les adultes qui l'entourent surtout quand il vit avec sa mère semble plus immatures que lui, l'enfant.

Je retiendrai de ce livre l'image du grand-père, qui m'aura fait rire et qui saura exprimer maladroitement son amour pour son petit-fils, même si dans son cas la maxime « Qui aime bien châtie bien » est amplement mise en pratique. Il reste mon personnage préféré de ceux qui entourent Jack, même s'il est certain que la grand-mère aime aussi son petit-fils et tente de le protéger. Cette période où il vit avec eux, celle de sa petite enfance, parsemée de violence, restera quand même la moins difficile de la vie de Jack. Il aura même pendant quelques mois l'occasion d'aller à l'école. Ses conditions de vie vont largement empirer à partir du moment où il rejoint sa mère, je n'en dirai pas plus.

Un livre dur, dérangeant. Et en plus c'est une autobiographie. J'ai eu le coeur serré en lisant tout ce que ce gamin avait vécu, même si l'émotion a mis du temps à se manifester. Et je ne lirai sans doute pas la suite de son histoire.
Je remercie mes compagnons de cette lecture commune, sans qui j'aurais sans doute abandonné ce livre, Yaena, HundredDreams, Patlancien, gromit33, berni_29 et surtout Nicolak notre éclaireuse, en avance dans la lecture et qui m'a motivée pour continuer.
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Il est toujours plus difficile de donner un avis pour une lecture à qui l'on a décerné seulement trois Etoiles et c'est le cas pour « un jardin de sable » d'Earl Thompson.

Ce livre est un vrai coup de poing qui vous met KO debout dès ses premières pages.

Il ne peut vous laisser indiffèrent par son humour noir et son ton souvent ordurier.

Il choquera les âmes sensibles et fera fuir les moralistes de tous poils.

Ici on parle de violence, de sexe, de misère humaine. L'auteur qui ne veut pas s'embarrasser de fioriture, nous pousse hors des limites de notre humanité. Avec des mots crus, il nous raconte l'enfance chaotique du petit Jack dans l'Amérique des années 1930, celle de la Grande Dépression. Avec un érotisme souvent dévoyé et quelquefois pervers, Earl Thompson nous décrit les premiers émois sexuels d'un gamin orphelin de père et qui sera confié par sa mère à des grand parents ruinés après la vente de leur ferme. Ce roman transpire la sueur du désespoir à chaque page, il pue l'alcool et on n'y rencontre que des prostituées et des camés. Dans cette Amérique de Roosevelt, on vit au jour le jour avec aucun avenir se profilant à l'horizon et où l'on cherche le moindre moyen de se faire de l'argent quels qu'en soient les moyens utilisés.

Heureusement que le style d'Earl Thompson est là pour nous aider à avaler les 800 pages de ce pavé littéraire. La plume de l'auteur américain nous permet de supporter les vicissitudes du jeune Jack et d'accepter le langage fleuri des personnages qui l'entourent. C'est la qualité de l'écriture qui nous retient de jeter ce roman aux ordures même si le scandale qu'y est présent à chaque page, nous inviterait à le faire. La description précise des personnages et le détail méticuleux des scènes et des lieux affichés donnent une réalité à cette histoire brutale et morbide. Cette marque de fabrique de l'auteur tend à devenir fortement addictive au fur et à mesure que progresse la lecture…

Entre pornographie et érotisme, le fil est tenu. Ce que la pornographie montre de manière très crue, l'érotisme va plutôt le suggérer ou le sous-entendre. Dans un jardin de sable, ce doute n'est jamais permis car il laisse peu de place à l'interprétation. C'est cette réalité malsaine qui nous gêne tout au long du récit même si sa place reste utile pour accentuer la dramaturgie de l'oeuvre. Pourtant les Dickens, Zola et autre Steinbeck ont réussi leur roman social et réaliste sans tomber dans cet excès brutal et dérangeant. Autre temps, autres moeurs, Charles Bukowski n'aurait pas renié cet auteur.

Je tiens à remercier Yaena, HundredDreams, AnneSo, Berni_29, Gromit33 et principalement notre Nicolak, cette devancière hors pair qui a su nous motiver jusqu'au dernier mot, celui de Fin.

« On ne devrait lire que des livres qui nous piquent et nous mordent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire? L'esprit n'est pas libre tant qu'il n'a pas lâché prise. le regard ne s'empare pas des images, ce sont elles qui s'emparent du regard. »
Franz Kafka (1833 – 1924)
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Une immersion des plus violentes qui soient au coeur de la misère lors de la Grande Dépression au Kansas et dans le Mississippi .
Une descente aux enfers ? c'est peu dire ...

Quels que soient les termes choisis pour tenter de définir ce roman social autobiographique , aucun ne semble vraiment approprié pour en qualifier l'ensemble .

On va suivre pas à pas le jeune Jacky et vivre les étapes de sa survie près de ses grands-parents pauvres ou de sa mère paumée .
Et, peu à peu, on s'enfonce lentement au coeur du sordide .
Dans un monde où on survit par le vol, la prostitution, les
trafics, les combines sans scrupules , l'enfant n'a aucun repère : il est souvent noyé dans un océan de violence .
Il est entouré d'adultes immatures ou désabusés et très vite la promiscuité devient malsaine : inceste et amour filial se confondent .
Et là, on a droit à des scènes très crues , parfois insoutenables et bien détaillées !

Après la lecture, j'ai hésité à en parler : ne me venaient que des impressions personnelles négatives dans un premier temps : ce fut, je crois , un électrochoc et dire qu'il est dérangeant est une évidence .

Mais, c'est bien écrit et à présent la force du propos domine malgré la lecture éprouvante .
Le roman est long, long comme un jour sans pain !
Un pavé fellinien de 820 pages mais qui, je crois , peut s'imprimer à vie dans la mémoire .

Une oeuvre salutaire pour l'auteur à l'époque , je suppose , une petite révolution en littérature dans une période ( 1970 ) où se revendiquaient la liberté d'expression et l'abolition des tabous ! Alors, à fond la provoc !
Du bien salace pour choquer les masses !
Réussi .

Bien qu'ayant pris connaissance du thème avant , je suis quand même tombée de ma chaise !
Pourtant , en filigrane , il y a beaucoup de sensibilité, de l'amour mal fait mais de l'amour quand même .
Une fleur sur un tas de fumier .






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Rencontrer un nouvel auteur avec les camarades de Babelio ? Bien sûr, avec plaisir, c'est agréable de ne pas lire seul dans son coin, de pouvoir partager ses impressions, ses émotions, ses interrogations.
Pourtant, en parcourant la page du livre sur le site, deux choses m'ont chiffonnée : le nombre considérable de pages et le résumé qui annonçait un texte puissant mais sombre, dur, parcouru de violences et de transgressions.
J'hésite peu devant l'enthousiasme de mes ami.es.
De plus, le titre est beau, la couverture magnifique, il est très bien noté et les éditions Monsieur Toussaint Louverture ne m'ont jamais déçue.

Après treize jours de traversée chaotique loin de ma zone de confort, je ressors indécise et embarrassée. Ai-je aimé ? détesté ? A vrai dire, dans ce flux continu entre beauté et laideur, attirance et répulsion, empathie et aversion, humour et malséance, beauté et tragédie, mon ressenti est plutôt un mélange immiscible entre plusieurs sentiments contradictoires auquel s'est ajouté de l'agacement devant tant d'insistance autour du sexe.

*
L'auteur nous transporte dans l'Amérique de la grande Dépression. Portrait d'une enfance, celle de l'auteur lui-même, « Un jardin de sable » est un livre étonnant, très bien écrit, mais terriblement glauque, malsain.
Dans ce premier tome d'une trilogie, l'auteur nous entraîne dans l'enfance de Jacky. Abandonné par sa mère, il est élevé dans ses premières années par des grands-parents. Puis sa mère, remariée à un mari violent et alcoolique, le reprend et l'entraîne dans des années de galère, où il est négligé, méprisé, maltraité.

*
Les personnages de Earl Thompson sont abîmés, écorchés ou brisés, tendres ou ignobles, beaux ou laids, sympathiques ou exécrables, mais profondément humains. le lecteur côtoie des escrocs et des salauds, des maquereaux et des marginaux ; des malchanceux, des vicieux et des malheureux ; des travailleurs, des arnaqueurs, des magouilleurs, des voleurs et des violeurs ; des brutes et des putes.
Dans cette atmosphère crasseuse et insalubre, les personnages aiment, rêvent, souffrent, luttent, se rebellent, picolent, frappent.

Les seuls personnages sympathiques sont sans aucun doute les grands-parents. Ils font ce qu'ils peuvent, comme ils peuvent pour garder la tête hors de l'eau. Ce sont des gens bien, honnêtes, travailleurs, à qui on prend tout, les laissant dans la misère et la dépendance. Je les ai trouvés touchants.

Jacky, le héros de ce récit, est un petit garçon non scolarisé, sans éducation et sans camarade de jeux, qui se construit seul. Intelligent, courageux, optimiste, déterminé et fier, il est à l'image de ce rêve américain, refusant de dépendre de l'assistance publique, ne ménageant pas ses efforts pour avancer, s'élever au-dessus de sa condition et partir à la recherche du bonheur.
Peut-être est-il un maverick, ce « petit cheval sauvage qui court tout seul sur les plaines, vit dans les canyons, et est très heureux ainsi. Mais peut-être que non, en réalité. Parce qu'il n'apprend jamais rien, à part à courir et à ruer. Il n'a jamais de nom, ni jamais d'endroit pour dormir au chaud en hiver. »
Mais c'est aussi un enfant perturbé, instable, fragile, marqué par l'abandon de sa mère, la pauvreté et souffrant de profondes carences affectives.

Sa mère veut prendre soin de lui, elle tente de réparer ses erreurs, de l'aimer comme une mère, mais son incapacité à l'élever, le protéger, lui assurer une vie décente est criante. C'est une mère défaillante et toxique mais c'est aussi une mère en souffrance, complètement démunie, seule, usée, immature, battue par un mari possessif, alcoolique et beau parleur, obligée à des choix extrêmes pour survivre.

*
Si l'humour est présent dans la première moitié du récit, il s'efface complètement dans la deuxième partie, laissant une place importante à la violence et au sexe .

« … la nuit allait toujours prendre pour lui la forme d'une femme, parfois allongée paresseusement, lascivement sur le paysage, parfois tordant les arbres ou lacérant les océans obscurs dans sa fureur. »

Par contre, j'ai aimé découvrir l'histoire américaine pendant la dépression, saisir le quotidien des américains à cette époque, une vie de misère où le rêve américain apparaît davantage comme un mythe, voire un cauchemar éveillé qu'une réalité.
Le contexte historique aurait peut-être mérité d'être davantage mis en valeur.

*
L'écriture de l'auteur est intense, très visuelle et ne laisse pas indifférent : tour à tour âpre, dure, immorale, poétique, violente, poignante, douloureuse, gênante, c'est un carrousel d'émotions qui m'a emportée, un manège de passion, de douleur, de crasse et d'horreur qui m'a emportée et malmenée.

« le lit du petit était une paillasse juchée sur le dessus de la commode et de la glacière, telle la couchette du haut dans un navire. C'était douillet et créatif. Il aimait cet endroit. C'était son coin à lui. C'était un coin super quand il y avait de l'orage la nuit. Là, jamais la foudre ne pourrait le trouver. C'était un navire, un chariot couvert, un train, une cabane dans les arbres, une source inépuisable d'imagination. »

J'ai appris que le récit était en partie autobiographique. Cela se ressent dans le style de l'auteur. On perçoit une sincérité, une mise à nu, une authenticité dans ces instants de vie d'une noirceur indéfinissable que restitue Jacky, dans tous ces personnages aux traits marqués par le malheur, la misère sociale, la colère, l'agressivité, l'abjection.
J'ai trouvé le texte inconfortable, malaisant par la répétition de scènes érotiques, par la persistance de l'enfant à avoir des rapports intimes avec sa mère.

*
Si je suis allée au bout de ce récit marqué par la violence, le désespoir, les déceptions, les désillusions et le sexe, je le dois à mes compagnons de lecture, Nicola (@NicolaK), Doriane (@Yaena), Anne-Sophie (@dannso), Catherine (@gromit33), Bernard (@berni_29) et Patrick (@Patlancien) : le contexte social et économique était très intéressant, le style de l'auteur m'a beaucoup plu pour son côté rugueux, brutal, tourmenté, douloureux. C'est aussi un texte tourmenté que j'ai aimé pour son courage, sa franchise.

« Je n'avais jamais rien lu de tel. D'accord, c'était rempli de sexe, de salauds, de crasse, d'alcool et d'une profonde pauvreté, mais, à sa façon triste et sordide, c'était également beau.:»
Donald Ray Pollock

Cette enfance glauque et malheureuse m'a déstabilisée, je me suis sentie oppressée par sa violence, gênée par son obsession pour le sexe. Je n'ai également jamais rien lu de tel et en ce sens c'est un texte remarquable. Malgré cela, je reste partagée entre la beauté, l'honnêteté de l'écriture et la rudesse, la redondance du récit.
Si je suis sur la réserve, de nombreux billets sont particulièrement élogieux, alors faites-vous votre propre opinion si le coeur vous en dit.
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Quand j'ai commencé Un jardin de sable je me suis rapidement trouvée un peu perdue. Les morceaux de vie s'enchaînés les uns après les autres sans que je vois où l'auteur voulait en venir. Mais l'écriture était tellement belle que pour autant je n'avais aucune envie de lâcher ce livre. Puis petit à petit j'ai compris qu'il y avait des personnages centraux : Jacky, Pépé, Mémé et Wilma, les autres resteraient des personnages secondaires, inutile de retenir tout ce qui les concernait.

Tout tourne autour de Jacky, un petit garçon né au mauvais moment. En plein dans la grande dépression, la récession et la prohibition. Que des mots en « ion » qui sonnent comme une sentence pour les gens modestes pour la qui la vie devient de plus en plus dure. La famille glisse petit à petit vers la misère, ineluctablement, comme on dévale une pente en essayant de freiner sa chute en vain. Au contraire elle s'accélère et les blessures s'accumulent. Malgré tout cette période fut celle du bonheur pour Jacky. Pépé et mémé s'occupent de lui, enfin un peu. On sent l'amour maladroit que ces deux là lui portent. Il mange, il va à l'école, il fait des bêtises de gosses et se prend des torgnolles. Mais malgré l'humour qui traverse cette première partie et qui m'a parfois fait rire aux éclats, on sent la tristesse de ce môme, cette errance émotionnelle, cet amour avide qui ne trouve aucun receptacle. Cette faim d'être aimé en retour qui ne retour qui jamais n'est comblée.

Puis vient la seconde partie et là je n'ai plus du tout rit, pas même sourit. Je me suis sentie mal, très mal. C'est une lente plongée vers l'inconcevable qui se profile. Je voyais les choses arriver, je savais, mais je niais de toutes mes forces me disant que non, c'était autobiographie, que non, ce n'était pas possible. Et pourtant la plongée vers l'horreur ne s'est pas arrêtée. L'écriture si elle se fait plus sombre, âpre, sèche, elle reste aussi belle et poignante. Une vérité crue jusque dans la plume qui m'a mise mal à l'aise m'amenant presque à la nausée dans les dernières pages. Mais puisque que lui l'avait vécu, puisqu'il le courage de le raconter, je devais le lire jusqu'au bout. Je l'ai fait, mais la nuit qui a suivi j'ai mal dormi. Force et densité d'un récit qui m'a poursuivi jusque dans mes songes.

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort parait-il. Faux selon moi. Ca renforce juste la carapace que l'on se créé, ce bouclier entre soi et le reste du monde destiné à protéger toutes les fêlures, et les failles laissées par ce qui ne nous a pas tué. Juste laissé ébréché à vie. Inadapté au monde, à ses bonheurs, à ses sourires parce qu'en arrière plan les blessures sont profondes et les plaies à vif. J'ai ressenti cet être brisé derrière les mots offerts par Earl THOMSON, j'ai ressenti son âme écorchée vive. J'ai été saisie par l'absence de haine malgré tout. Cela en dit long sur le bonhomme. Cette lecture fut violente mais je ne la regrette pas. Je regrette juste que le monde puisse être ainsi. Pour être honnête si j'avais su à quoi m'attendre je n'aurais certainement pas lu ce livre.

Heureusement que mes copains étaient là pour m'accompagner sur cette lecture où nos échanges furent passionnants. Merci Nico, Patounet, berni, Sandrinette, la chouette So et gromitt ! Sans vous pour me motiver je n'aurais pas atteint le mot fin !
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Earl Thompson est mort en 1978, à l'âge de 47 ans d'une rupture d'anévrisme. Son roman « Un jardin de sable » est le premier tome d'une trilogie. Il parait en 1970 et l'auteur s'est largement inspiré de sa propre vie. Il raconte la jeunesse de Jacky jusqu'à son enrôlement dans la marine américaine à l'age de 14 ans.
Ses grands-parents, John MacDeramid et « Madame Mac » sont des fermiers qui peinent à boucler les fins de mois. En 1931, naît leur premier petit fils, Jacky. Sa mère, Wilma, accouche sur la table de la cuisine. Son père, Odd, est en prison à ce moment-là. Il ne sortira que pour partir chercher du travail loin de sa famille et mourir dans un accident de voiture en compagnie de Miss Wichita 1933.
Dans cette Amérique pauvre, la vie paysanne est dure et la ferme des grands-parents est rapidement vendue, jetant sur la route toute la petite famille.
« Un jardin dans le sable » est l'histoire d'une tragédie, pleine de rebondissements et racontée avec un humour corrosif et sans filtre. La cocasserie des situations n'a d'égal que le malheur des circonstances. C'est une éternelle course après le dollar qui assure la pitance quotidienne, dans laquelle vont être plongés Wilma et Jacky. le lecteur n'aura de cesse de sortir son mouchoir, bien plus pour essuyer des larmes de joie et de rire que pour sécher un torrent de pleurs. Avec la complicité de Bill, le beau-père de Jacky, ce dernier va rapidement apprendre tous les travers que nécessite la vie à la cloche de bois pour s'en sortir : mensonge, vol, escroquerie, prostitution, sexualité débridée et bien d'autres choses répréhensibles encore, mais qui donnent tout le piquant à cette épopée. L'alcool est le remède à bien des maux.
Le roman d'Earl Thompson est un fabuleux mélange de « la conjuration des imbéciles » de John Kennedy Toole (écrit en 1961 et publié en 1980) et du « Petit arpent du bon Dieu » d'Erskine Caldwell (paru en 1933). On y retrouve les mêmes ingrédients qui font de cette histoire loufoque un monument de la littérature américaine, une incontournable oeuvre et un moment de lecture particulièrement savoureux. On se demande même comment, dans une Amérique puritaine, où la pudibonderie est une seconde nature, une telle histoire a pu être éditée.
Préface de Donald Ray Pollock.
Traduction de Jean-Charles Khalifa.
Editions « les grands animaux » Monsieur Toussaint Louverture, 752 pages.
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Quand un livre se paye le luxe de débuter par une préface signée Donald Ray Pollock himself, 'savez ce gars débarqué d'on ne sait où et qui en à peine trois bouquins s'est hissé au niveau des plus grands auteurs de romans noirs (mais alors bien, bien noirs), on sait qu'on est devant une oeuvre qui, en bien ou en mal, va nous faire l'effet d'une bonne baffe dans la cafetière. Si en plus ladite oeuvre est publiée chez Monsieur Toussaint Louverture, sûrement la plus géniale des maisons d'édition actuelles (ici une pensée émue pour 13e Note Éditions qui, il y a peu encore, pouvait se targuer de faire concurrence), on prend son bouquin, sa cafetière et on s'agenouille devant un quelconque dieu d'osier avant d'ouvrir d'une main tremblante ce qui risque fort d'être LE livre de l'année.
Et ça traîne pas, en un rien de temps, nous voilà embarqué dans ce Jardin de Sable qu'est le Kansas des années 30. La Grande Dépression est passée par là et pour l'instant, rien n'a repoussé. C'est dans cette époque dantesque que naît Jack, fils de Wilma MacDermid et d'un suédois dont on n'aura pas le temps d'en savoir trop, poussé rapidement qu'il sera vers la sortie à l'occasion d'un accident de voiture plus comique que tragique. Jack se retrouve donc confié vite fait mal fait à ses grands parents maternels, Wilma désertant le foyer et son rôle de mère en vue d'approfondir les bases d'un métier pour lequel elle passera rapidos à un temps plein, métier connu comme étant le plus vieux du monde mais aussi et sûrement le plus dur. Pendant ce temps le petit Jacky poussera comme il peut (c'est à dire de traviole) entre appartements minables et caves puantes, et passera tant bien que mal ses minables premières années qui ne seront pourtant pas si dramatiques en comparaison de ce qui l'attend quand Wilma, doté d'un tout nouveau mari alcoolique et violent, viendra le chercher pour former ce qu'elle imagine être une vraie famille aimante. C'est dans cet environnement plus que perverti que Jack essaiera de se construire, s'accrochant à une seule idée-bouée : transformer son amour filial pour Wilma en amour physique.

Comment ne pas être dérangé par cette représentation nauséeuse d'un gamin portant le désespoir et la misère sur son dos rachitique, qui donnerait tout pour coucher avec sa mère, allant jusqu'à penser que sa vie en dépend ? On comprend vite ce qui a tant frappé Donald Ray Pollock dans la découverte de ce récit de l'Amérique des laissés pour compte – dont les limites de plus en plus floues finissent par disparaître dans le stupre, l'alcool et la violence – et le combat qu'il a mené pour qu'il soit de nouveau édité (parce que franchement, qui connaissait déjà Earl Thompson ?)

Brisant le tabou le plus dégueulasse qui soit, Thompson nous livre un moment de littérature pan-dans-la-gueule qui marque, qui fascine autant qu'il révulse et qui ne passe pas loin de se poser en référence du genre. A déconseiller aux âmes pudibondes, à celles refusant même d'imaginer que l'amour entre un fils et sa mère puisse se concevoir autrement que d'une seule et unique manière et à celles qui répugnent à suivre quelque chemin que ce soit s'il n'est pas balisé et fanalisé (quoi ?) au préalable...
A conseiller à absolument toutes les autres.
N'hésitez pas, cette fois on a eu de la chance mais il n'y aura peut-être plus jamais de réédition.
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Un jardin de sable, c'est une traversée de plus de huit cents pages à tombeau ouvert.
Donald Ray Pollock m'avait pourtant prévenu dans sa préface, mais je ne m'attendais pas à un tel coup de poing.
Je découvre cet auteur américain, Earl Thompson, qui m'a saisi dès les premières pages par le col pour ne plus jamais le lâcher jusqu'à la dernière page.
Je referme le livre, je ferme les yeux, je cherche de la lumière et je me demande ce qui restera de cette lecture dans quelques jours, dans quelques mois, peut-être dans quelques années...
Le souvenir tumultueux d'être descendu en enfer va-t-il perdurer, celui d'avoir touché du doigt le sordide, l'impur, la crasse poisseuse, l'alcool, la violence, la pauvreté, tout un monde de laissés-pour-compte où grandir pour un enfant relèverait presque de l'anomalie et pourtant derrière ce monde triste, glauque, douloureux et désespéré, j'ai entrevu quelque chose de salutaire, de beau pour la littérature romanesque, c'est peut-être cela qui reviendra comme l'écho d'un caillou jeté avec rage dans une mare profonde et continuant de dessiner des cercles à la surface d'une eau saumâtre.
Nous sommes dans le Kansas, à l'aube de la grande dépression.
C'est le récit chaotique à hauteur d'un enfant qui va grandir dans ce Midwest des années 1930, c'est une histoire sans retour possible, dans un monde peuplé d'ivrognes, de voyous, de truands, de prostituées, d'âmes médiocres et brutales à la dérive où tous les coups sont permis.
Nous faisons la connaissance avec le jeune Jacky Andersen, sorte de faux orphelin abandonné par sa mère, qui grandit, élevé par les MacDeramid ses grands-parents, certes un peu rustiques, rudes à la tâche, mais emplis d'amour à leur manière. Il y a des tranches de vies truculentes qui s'assemblent au fil de ces premiers chapitres comme des morceaux de puzzle.
Elle n'aurait jamais dû revenir, cette Wilma qui brusquement se souvient qu'elle avait un gamin, une « erreur » de la vie, mais voilà Wilma est fraîchement remariée, revient chercher son fils pour lui offrir à nouveau une vraie vie de famille aux côtés de Bill, ce beau-père que le petit Jacky va apprendre à connaître... Alors c'est le départ vers une nouvelle vie au Mississippi.
On se dit que ce nouveau cocon familial va nous dessiner de joyeux moments de retrouvailles avec cette mère qui tombe du ciel et voudrait aimer ce fils dont elle redécouvre brusquement l'existence et qu'elle n'a pas vu grandir, mais ici on est loin de la Petite maison dans la prairie.
Du Kansas au Mississippi, c'est un peu dans ce récit comme sauter à pieds joints brutalement d'un jardin de sable aux sables mouvants...
La réalité en effet sera tout autre... du jour au lendemain, entre une mère nymphomane et immature et un beau-père alcoolique et méprisable, Jacky Andersen va perdre son âme d'enfant...
C'est une plongée en apnée dans la fange, dans la misère à l'état pure, dans le désespoir âpre, celui qui ne concède rien à l'enfance ni à l'amour. L'écriture d'Earl Thompson ressemble aux bas-fonds de son récit : crue, violente, dérangeante, obsessionnelle, sidérante.
Comment grandir en étant encore enfant dans ce monde chaotique, sans amour, sans repère, livré à soi-même, où la frontière entre le bien et le mal n'existe plus ? Comment grandir avec une soif d'aimer, en n'ayant plus le droit d'être un enfant ? Je pense alors à ce gamin, celui qui aurait continué de grandir avec d'autres gamins de son âge s'il était resté au Kansas, qui aurait continué d'aller à l'école, d'apprendre, de jouer avec des jeux de son âge et non s'habiller de gestes insensés qui vont le rendre désormais demandeur de l'innommable.
L'ombre du récit autobiographique plane au-dessus de ce texte vertigineux d'un enfant sans distance avec la réalité, c'est un récit qui m'a aggripé sans relâche et sans possible respiration jusqu'aux ultimes pages du roman.
Il faut dépasser la fausse impudeur de ce texte pour tenter de comprendre les brûlures obsessionnelles de l'auteur dans sa chair la plus intime, dans sa colère, dans sa rage, dans son désespoir. Comprendre que cela a existé et que le récit que nous assène Earl Thompson le rend légitime à nous dire cela à sa manière, avec ses mots, avec ses tripes. Je crois bien qu'il n'en est jamais revenu.
Pour toutes ces raisons, cette lecture a été un choc qui, me semble-t-il, restera inoubliable, comme si le caillou jeté dans cette eau saumâtre allait continuer de griffer dans le ventre des cercles à l'infini...
Je remercie mes fidèles compagnons de route, Anne-So (@dannso), Catherine (@gromit33), Doriane, (@Yaena), Patrick (@Patlancien), Sandrine (@HundredDreams), sans oublier notre fidèle éclaireuse partie avec sa lampe frontale dans les tréfonds de ce livre pour nous tracer un chemin : j'ai nommé Nicola (@Nicolak) notre éclaireuse...
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