Chantre du libre-échange, berceau de l'économie monétariste, voilà les États-Unis bientôt dirigés par un président prônant un isolationnisme d'un autre temps !
Le “Brexit” de l'été dernier n'était pas un accident de l'Histoire, cette nouvelle volte-face anglo-saxonne accrédite plutôt l'idée d'un changement de paradigme. Là où le bât blesse est que celui-ci trouve sa source dans un populisme à la bonhomie trompeuse.
À l'aune de ces bouleversements politiques d'une incroyable soudaineté, l'Union européenne semble en cette fin 2016 plus que jamais à la croisée des chemins.
Frans Timmermans est l'un de ses dirigeants et son essai “Fraternité - Retisser nos liens” tombe fort à propos. Ancien ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas et aujourd'hui vice-président de la Commission européenne, il semble avoir pris la mesure du fossé grandissant entre les élites à la tête de l'Institution et le peuple en attente de réponses concrètes face aux peurs qui l'assaillent.
Consacrée aux réfugiés, la première partie de ce petit livre met en avant les facteurs positifs inhérents à la diversité tout en soulignant que les problèmes migratoires doivent être abordés collectivement. Elle met notamment l'accent sur la solidarité qui devrait plus s'organiser à partir de la classe moyenne quelque peu blasée aujourd'hui de voir ses aspirations légitimes insuffisamment prises en compte dans les sphères du pouvoir ; la politique du donnant-donnant doit être encouragée.
L'auteur n'oublie pas de souligner le rôle primordial de l'école où les enfants devraient dès le plus jeune âge capter le souffle du mieux vivre ensemble.
Le manque de pédagogie des différentes instances européennes est criant. L'efficience de Europe ne peut être perçue à sa juste valeur sans une communication adéquate.
Frans Timmermans fait siens les écrits d'Albert Camus, de Theodor Adorno, de Joseph Roth, ces écrivains visionnaires dont l'humanisme le touche profondément. La plus belle phrase de “Fraternité - Retisser nos liens” se trouve, à mon sens, en son milieu : “L'homme ne devient lui-même que s'il est disposé à voir le monde par les yeux d'un autre”.
Si l'actualité en provenance d'outre-Atlantique vous plonge dans des abîmes de perplexité, si le postfascisme (*) à l'affût du moindre faux pas de nos dirigeants nationaux et européens vous effraie, alors ce petit plaidoyer pour une Europe allant de l'avant pourrait vous rasséréner.
Les démocrates mesureront à la lecture de “Fraternité - Retisser nos liens” combien le résultat de l'élection présidentielle française sera déterminant l'an prochain pour l'avenir de l'Europe. Face au “chacun pour soi” qui peu à peu s'installe au niveau de la planète, l'Union européenne, forte des idées de tolérance qu'elle véhicule, pourrait enfin apparaître pleinement comme le havre de paix qu'imaginaient ses illustres fondateurs.
Le discernement du peuple français sera-t-il dans six mois à la hauteur de ce noble dessein ?
(*) Ce vocable “postfascisme” renvoie à l'excellent dossier intitulé “Spectres du fascisme” d'Enzo Traverso, paru dans la Revue du Crieur de juin 2015.
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