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3,7

sur 123 notes

Critiques filtrées sur 2 étoiles  
"Wanted, wanted : Dolores Haze.
Hair : brown. Lips : scarlet.
Age : five thousand three hundred days.
Profession : none, or "starlet."
(V. Nabokov, "Lolita")

Règle n.1 pour apprécier "Journal de L." : quoi qu'il arrive, n'essayez pas de le comparer avec le roman de Nabokov !
Durant ma lecture, je n'ai pas pu m'en empêcher, j'ai perdu à ce jeu de doubles, je me suis perdue, et je suis désolée. Désolée parce que n'ai pas pu l'apprécier comme j'aurais voulu, désolée pour ce livre assez bien écrit qui se lit d'une traite et qui va sans doute enchanter plus d'un lecteur, désolée pour tous ces enfants abusés qui parcourent le monde sans pouvoir se livrer comme cette Dolores, qui est le cri du coeur de l'auteur. Son journal est une confession glaçante et crue, mais malheureusement, ce "jeu de miroirs" est aussi un jeu de dupes, et j'ai désespérément perdu l'image de la Lolita originelle qu'elle était censée être. C'est quelque chose que je ne peux pas pardonner.

J'ai lu quelque part qu'un lecteur idéal de Nabokov ne pourrait être qu'un autre Nabokov, ce qui explique les réactions virulentes à la sortie de "Lolita". Ah, ce thème sulfureux de la pédophilie ! Les lecteurs en quête de détails croustillants vont se jeter dessus (pour en ressortir déçus), les ménagères américaines vont s'évanouir dans leur apple pie à la moindre évocation de Humbert Humbert, mais certains y verront, fort heureusement, autre chose.
"J'ai l'impression de succomber trop facilement au charme des jeux", dit Humbert en regardant Lo jouer au tennis. Et l'auteur, Nabokov, a succombé de la même façon au charme du jeu avec une langue qui n'était pas la sienne. L'éducation et le cynisme de la vieille Europe incarnés par Humbert qui s'emparent de l'innocente (vraiment ?) Amérique de la pop-culture incarnée par Lolita dans un ballet verbal composé par un virtuose des mots, plein de pirouettes amusantes et cabrioles métaphoriques.
Cette dimension supplémentaire manque forcément dans "Journal de L.", ce qui fait que le livre de C. Tison devrait plaire à tout lecteur en quête d'une histoire remplie d'émotions, mais cela s'arrête là.

"Lolita" est une histoire d'obsession, de passion fatale, qui, sans être mesurée par les mètres de la moralité, se dirige vers l'accomplissement du Destin, comme une tragédie antique. McFatum à l'oeuvre, dirait Humbert...
A côté, la confession de Dolores de Tison paraît tristement conventionnelle, sachant que le lecteur attentionné de Nabokov a du mal à passer sur le fait que dans le roman original c'est Lolita qui séduit Humbert. Certes, ce n'est que par jeu, mais quand elle réalise que H. désire bien plus que le boutonneux Charlie de la Colo Q, il est déjà trop tard pour tous les deux...
Voilà ce qui m'a gênée aussi dans "Journal de L.". Ce manque d'ambiguïté. Un ravisseur et sa victime, simplicité même ! Qui est le chasseur, et qui est la proie, chez Nabokov ? Nous avons deux "chasseurs enchantés", et on ne peut qu'aimer et détester les deux à la fois. On a de la peine pour cette Lo effrontée et vache qui pleure la nuit, et pour ce Humbert obsédé et jaloux qui pardonne tout, et qui vit dans la terreur que toutes les nymphettes grandiront un jour. Cercle vicieux, ballet mortel, pour ces deux marginaux de la société bien pensante. Toujours sur la route, car ils n'ont "absolument nulle part où aller", l'un comme l'autre. Ici, c'est bien plus simple : la seule à plaindre, c'est Dolores.
Parfois je retrouvais vaguement cette "vraie" Lolita et la lecture s'est mise à couler de source, mais je la perdais aussitôt : ces métaphores poétiques un peu enfantines ? Lo détestait le romantisme dégoulinant ! Ces discours délibérément provocants ? Elle n'en avait pas besoin ! Cet amour pour les "classiques" ? Tous les livres de "Ball Zak" offerts par Humbert qu'elle n'a jamais ouverts, en rêvant au dessus de ses comics et ses illustrés... quel gâchis ! Mais voilà que je me "humbertise"...
J'étais curieuse de passages que l'on ne trouve pas chez Nabokov, mais ils ne rajoutent pas grand-chose de plus que d'autres malheurs, et cette démystification ne fait que dénaturer encore plus la Lolita d'origine.

Et la fin ? C'est presque un happy-end. Dolores a enfin trouvé sa place, et nous sommes soulagés. Ce n'est pas exactement ce à quoi elle a rêvé, mais elle a réussi à se reconstruire, comme on dit. On se fiche éperdument de ce qui va arriver au méchant Humbert, qui est mis dans le même sac que le méchant Clare Quilty.
Ah, diabolique Nabokov, qu'aurais-tu pensé de ça ? Cette séparation tiède n'a absolument rien à voir avec le moment insoutenable dans la courette sale des Schiller, où Hum et la véritable Lo se font leurs derniers adieux, tous les deux condamnés par le Destin. Lo, sans qu'elle le sache, et Humbert délibérément, parce qu'il n'a plus rien à perdre, seulement une vengeance à accomplir... "and the rest is rust and stardust".

Donc, si vous cherchez un livre sympa pour la rentrée, n'hésitez pas ! Mais si vous êtes des inconditionnels de Nabokov, passez votre chemin, ou lisez "Journal de L." comme une petite curiosité; fiction contre fiction. Ne faites pas la même erreur que moi, car la règle n.2 pour apprécier le journal de Dolores est la même que la règle n. 1.

Un grand merci à la masse critique, et aux éditions Goutte d'Or.
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Quelle folie s'empare de l'esprit, probablement sain, d'un écrivain lorsqu'il décide de filer, à toute allure, sur les sillons onduleux d'un auteur de légende, si épris de style et méprisant les flagorneurs, disciples, les épigones de carnaval ! Les mémoires de Lolita, tout le monde en a rêvé ; et ce rêve sentait l'automne, il ressemblait probablement à une ville américaine moyenne où s'entremêlent les ménagères et les papillons, les anthologies de poésie européenne, les pelouses où s'affolent les nymphettes provocatrices ; ce rêve était tâché de l'encre de Nabokov – un beau rêve, chaque soir recommencé, toujours différent ; un fantasme littéraire pour l'éternité. Christophe Tison a décidé d'imprimer le sien, et par malchance, il l'a écrit ; pire, je l'ai lu.

Le prologue permet à l'auteur de s'affranchir de toutes les critiques liées au style : c'est une jeune fille de 12 ans qui écrit, on ne sera donc pas regardant – pratique (et logique, il faut l'avouer). Dès lors commence la litanie insupportable des tourments physiques, psychiques, de la petite Dolorès, tour à tour esclave sexuelle de son beau-père, fugueuse désenchantée, manipulatrice odieuse, amoureuse incomprise … on pourrait trouver tout cela charmant, presque naïf, si l'auteur ne sombrait trop souvent dans la vulgarité la plus méprisable (« Je suis un trou sans fond » ; « son sexe pend continûment entre ses cuisses, énorme et vulgaire, le mien est rouge sang et ma bouche sent le sperme » ; « ses gros doigts pleins de savon glissent maintenant entre mes fesses et s'introduisent là où c'est sale … et il me vide comme un poisson » …). Que peut-on attendre d'une telle prose ? Si le livre ne m'avait été gracieusement offert par Babelio, je l'aurais probablement jeté dans la poubelle jaune d'un voisin de mon quartier.

Chez Nabokov, Lolita est plutôt un personnage sympathique. Dans « le Journal de L. », Lolita est une figure détestable – son enfance volée, brisée, n'y change rien. Qui voudrait aimer cette écorchée de papier ! La faute à Christophe Tison et sa morne imagination ? Pour partie, seulement. le véritable sentiment de dégoût (ou de mépris, tout dépend des soirs) que l'on éprouve à la lecture de cet opus a des origines plus profondes : Dolorès (et sa mère) sont des caractères béotiens sans intérêt ; des gravures de magazines féminins des années 1950 – personne n'a envie de pénétrer leur intimité cérébrale, à moins d'aimer le néant et l'insignifiance. le seul intérêt littéraire de cette aventure scandaleuse ? Humbert Humbert, le chasseur de nymphettes ! Chanceux que nous sommes ! le livre existe déjà, il est mondialement célèbre, et il a pour titre : « Lolita », tout simplement. Il est signé d'un des plus grands écrivains du XXe siècle.

Alors, que faire de ce journal vide, obscène, chaudement recommandé dans toutes les librairies de France, où poussent comme la mauvaise herbe de petites fiches manuscrites, arborées de coeurs rosis et d'avis standardisés, toujours intitulés « le coup de coeur de votre libraire » ? Les options sont multiples : le laisser faner au bord d'une fenêtre jusqu'au dépôt de bilan, l'offrir à un ami à qui l'on veut du mal, l'introduire par effraction dans les rangées bien ordonnées des « grands classiques » au sein d'une bibliothèque municipale et observer les réactions consternées des habitués, etc. A la réflexion, on pourrait continuer ce petit jeu pendant des heures ; des heures de délires magnifiques, un luxe d'inventivité et de poésie. En réalité, tout ce qui manque à ce livre ! Ajoutez à cela les entretiens autobiographiques sur l'enfance volée de Christophe Tison (un argument commercial comme un autre - nous sommes en 2019) et vomissez pour de bon cette soupe rance, pleine de grumeaux amers.
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Tout d'abord, je tiens à remercier Babelio et les éditions Goutte d'Or pour cet envoi. Grande admiratrice de Nabokov, j'étais très curieuse de découvrir ce roman. L'éditeur le présente ainsi : "Ce roman est le journal intime d'un personnage de fiction. Plus d'un demi-siècle après la publication des carnets de son ravisseur par Vladimir Nabokov, Lolita se livre enfin. L'adolescente la plus célèbre de la littérature raconte son road trip dans l'Amérique des années 50, ses ruses pour échapper à son beau-père, ses envies de vengeance, ses amours cachées, ses rêves de jeune fille."
Voilà un projet littéraire très ambitieux et je salue le courage de l'auteur. Malheureusement, je n'ai pas réussi du tout à accrocher à ce roman et sans doute à cause du parti pris initial ... Certes, la plume est loin d'être maladroite et c'est plutôt bien écrit, mais quelle infamie d'avoir ressuscité Lolita ! L'indignation a pris le pas sur la curiosité ... Toutefois, ce texte m'a permis de revisiter par effet de miroir toute la subtilité de l'oeuvre de Nabokov,  les pensées de Lolita restent dans l'ombre, laissant au personnage son aura de mystère ... J'ai trouvé la Lolita de Christophe Tison un peu caricaturale en tant que victime face à un Humbert, ravisseur et pervers. Je n'y ai pas retrouvé toute la finesse de l'oeuvre  de Nabokov. Pour moi, c'est une autre Lolita que nous dépeint l'auteur. Bref, dommage mais c'est un rendez-vous manqué pour moi.
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Lorsque Babelio m'a proposé ce roman où la parole est enfin donnée à Lolita, j'ai eu envie de découvrir son contenu.



De par son aspect extérieur, Journal de L. est extrêmement beau et travaillé avec ses couleurs et la première phrase imprimée en relief en opposition avec son contenu malsain et pervers.

Avant d'entamer la lecture des « journaux » de Lolita, l'auteur nous explique comment il les a retrouvés et comment ils sont rédigés, après cette introduction nous voilà plongés dans le quotidien de Lolita pendant 5 longues années.

Cette lecture ne peut laisser insensible au sort de Lolita mais malgré toute l'horreur dévoilée de manière très descriptive avec des mots crus, sans aucun filtre je n'ai pas réussi à accrocher à cette lecture, au sort de Lolita et j'ai eu beaucoup de mal à avancer et à la terminer.

A travers ses journaux intimes, Lolita qui a 12ans au début des faits jusqu'à ces 17ans nous raconte sa vie, ses expériences, ses doutes, ses envies, ses espoirs mais aussi ses cauchemars et là ça ne colle pas. Malheureusement, je trouve que l'écriture des cahiers ne correspond pas à une fille de son âge même avec une maturité avancée et je pense que c'est en partie ce qui m'a fait lâcher. D'ailleurs, en lisant la quatrième de couverture on découvre que l'auteur aurait vécu la même enfance que Lolita ce qui expliquerait bien des choses me donnant l'impression que l'auteur nous racontait sa propre vie à travers celle de Lolita.

Enfin, concernant la fin, je la trouve assez banale voire décevante et ne colle que difficilement avec tout le reste de l'histoire.

un roman de la rentrée littéraire 2019 que je n'ai pas spécialement apprécié non pas à cause de son sujet mais de la manière dont il est abordé avec le regard d'un adulte et non celui d'une enfant.

Je remercie Babelio et les éditions goutte d'Or de m'avoir permis de découvrir ce roman hors norme.
Lien : https://autempsdeslivres.wor..
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