Nous connaissons la série littéraire de
Laure Adler : Les femmes qui lisent, … qui écrivent, … qui aiment, sont dangereuses.
Elle pourrait très bien ajouter un 4ème opus : Les femmes éprises de liberté sont dangereuses, et souvent malheureuses.
En achevant la biographie de
Claire Tomalin sur la vie secrète, (plus tout à fait secrète, aujourd'hui), de
Katherine Mansfield, c'est l'impression que j'en ai.
Issue d'une famille aisée de Nouvelle-Zélande, alors qu'elle a tout pour être heureuse (ses soeurs en apporteront la démonstration), sa soif de liberté, d'échapper aux conventions familiales et sociales, de devenir une artiste (musicienne, puis écrivaine, ) la conduira à une suite d'aventures malheureuses sentimentales et scandaleuses (pour l'époque), mais aussi littéraires entre son pays natal et Londres, et d'autres contrées européennes, notamment la France où elle est enterrée.
Sa vie de bohême et tumultueuse trouvera un peu d'équilibre avec son second mari,
J M Murry, mais entre temps, elle l'aura éloignée de sa famille.
Se jetant avec passion dans l'écriture, ses nouvelles sont reconnues, son style apprécié. Malgré ses rencontres avec des écrivains de premier plan ou maudits (Woolf, Lawrence, Joyce et bien d'autres encore plus ou moins oubliés) elle a connu une vie chaotique de galère, de souffrances, de maladie, comme si le Destin lui rappelait que tout choix de vie comporte des conséquences et que celles de la Déraison peuvent être terribles.
Elle a en effet payé le prix fort de ses choix en contractant la syphilis très jeune, puis la tuberculose, toutes deux cheminant discrètement mais inexorablement, en elle, tout au long d'une vie pauvre, voire de misère, d'une existence chaotique, instable (déménageant sans cesse), et, il faut l'admettre, avec un soutien timoré et distant de son falot de mari Murry dont on a dit qu'il « fit bouillir les os de sa femme pour en faire de la soupe ».
Mais dans cet océan de malheur, elle eut une amie qui l'aima d'un amour indéfectible, maternelle, malgré le caractère insupportable de Katherine, ses méchancetés, ses jalousies, ses caprices ; c'est Ida Constance Baker qui lui a survécu 55 ans !(1978) et qui déclarait que si Katherine brillait en écrivant, elle l'admirait en la servant (ou quelque chose d'approchant).
K M est morte, le 9 janvier 1923, à 34 ans à Avon en Seine-et-Marne, dans le prieuré du mystique et charlatan gourou
Gurdjieff pour lequel
Louis Pauwels montra tant de complaisance.
Cependant, il semble, d'après
Claire Tomalin, que la condition de Katherine dans l'entourage de
Gurdjieff n'a pas été pire que celle qu'elle a pu connaître ailleurs durant sa quête d'une guérison qui n'est jamais venue au cours de ses incessantes pérégrinations.
En définitive, je retire de cette belle biographie un sentiment d'inachevé, de gâchis. La comparaison avec sa contemporaine (plus jeune à l'époque)
Anaïs Nin s'imposerait presque. Mais celle-ci a tenu jusqu'à 73 ans. Malgré tout, d'une façon générale, le Destin ne se montre guère équitable envers les femmes en quête de liberté.
Pat