Tout d'abord, je remercie Babelio et les éditions des
Presses de la Cité pour la découverte de cet auteur et de ce titre, dont la parution est prévue pour le 03 Septembre 2015.
Angus et Sarah Moorcroft mènent une vie paradisiaque: un couple londonien amoureux, un bon travail pour chacun d'eux, une belle maison, deux superbes jumelles, Kirsty et Lydia, et un chien magnifique, Beany.
Jusqu'à l'accident mortel qui les prive d'une de leurs filles: Lydia, la douce, silencieuse et calme Lydia.
Tout s'effondre: Sarah s'enfonce dans la dépression, Angus boit tant et tant qu'il en perd son travail, le couple se délite, les dettes s'accumulent.
Il ne reste plus qu'une solution: Quitter Londres, résider dans le cottage familial écossais, isolé sur une île abritant un phare. Repartir de zéro, reconstruire ce qui peut l'être encore, et à commencer par cette maison quasi en ruines.
Mais tout s'envenime lorsque Kirsty affirme être en réalité Lydia.
le doute et les certitudes flirtent avec la haine qui s'installent entre ses parents meurtris.
Où se situe donc la vérité? La réalité?
Ne vous fiez pas à la note finale de 3 sur 5 qui, je l'avoue d'emblée, est sévère.
Ce roman d'un auteur mystère, puisque qu'il est dit en 4ème de couv' qu'il semblerait que
S. K. Tremayne soit un pseudo pour un écrivain déjà connu, est une excellente lecture flippante, tragique et perturbante émotionnellement.
Alors pourquoi seulement un 3?
Je m'en explique de suite pour ne pas terminer mon ressenti par une note négative qui vous empêcherait éventuellement de vous pencher sur un très très bon roman.
Parce que l'angoisse, les questions, les fameux doutes donnant le titre à cette histoire vous prennent à la gorge dès le départ. Parce que ces émotions ne font que grandir et vous étranglent de plus en plus au fil des pages.
Et au moment où vous pensez être submergés par ses sentiments et au bord de l'asphyxie, la chute, le final, les révélations… ben… cela m'a fait l'effet d'un soufflet sorti trop tôt du four! Alors oui, une issue plus spectaculaire eût été trop mélo-dramatique… peut-être… mais mon avis très personnel est qu'elle n'est pas à la hauteur de la qualité de ce qui la précède. D'où cette note un peu rude!
Maintenant, toutefois, je peux dire que je me suis régalée dès les premières pages!
Nous parlons de la perte d'un enfant au sein d'une famille dépeinte comme parfaite. Un cataclysme propre à ébranler les plus solides fondations: la perte d'un enfant est évidement un événement effroyable.
En cela, le roman annonce la couleur et tient ses promesses.
Il y a la douleur d'un père et d'une mère, tout aussi profonde l'une que l'autre mais qui se traduit totalement différemment. L'auteur a réussi avec brio à marquer ces différences: si le fond est le même, la forme ne l'est pas.
Il y a le poids de la culpabilité intrinsèque aux accidents qui pèse sur les épaules des survivants: cette certitude que l'existence aurait pu facilement ne pas déboucher sur cette fin fatale et tellement injuste.
Le lecteur le ressent également fortement, tout comme l'atrocité de la perte d'un jeune enfant, a fortiori si nous sommes parents.
Il y a cette distante, ces silences et ces rancoeurs qui s'installent au creux du couple: l'amour implose en une kyrielle de colère, de haine et de violence. Chacun s'enferme dans sa propre détresse et devient sourd et aveugle à l'autre. Chacun cherche stérilement un coupable, tous les deux se déchirent.
Là aussi, contrat rempli: le lecteur voit un bonheur se déliter peu à peu sous ses yeux alors qu'il meurt d'envie de hurler « Mais serrez-vous les coudes, bon sang! ».
Et il y a le thème de la gémellité, magnifiquement abordé du point de vue des parents et de l'enfant survivant, ce monde captivant et mystérieux. Une petite fille a perdu son double, son reflet dans le miroir. Comment ne pas en être perturbée quand nous, adultes, enfant à chaque fois unique, nous touchons seulement du doigt l'étendue infinie des liens qui existent entre deux jumeaux dont les vies sont étroitement imbriquées.
Le lecteur succombe devant la fragilité de cette petite fille perdue: est-elle Kirsty se prenant pour Lydia pour capter l'affection de sa mère en deuil de sa préférée? Est-elle Lydia, auquel cas l'identité de la petite défunte est le fruit d'une terrible méprise? Kirsty et Lydia sont-elles toutes deux vivantes dans un seul et même corps? Ou est-ce « seulement » un petit être fragile balloté dans le chaos familial, ayant perdu tous ses repères, dépassé par le chagrin?
Cette histoire est flippante, angoissante, terrifiante lorsqu'on essaye de se mettre à la place de Kirsty/Lydia, cela confine à la folie.
L'écriture de l'auteur est diabolique et terriblement efficace. D'autant plus que ces êtres attachants et cassés évoluent dans un décor qui est un personnage à part entière! Ils s'inscrivent et se fondent dans une nature autant magnifique qu'hostile, une île d'Ecosse, en plein hiver, battue par les vents, le brouillard et les tempêtes! Des paysages tumultueux mâtinés de fantômes et d'âmes errantes qui contribuent à l'atmosphère oppressante du roman, quand terre, mer et ciel se déchirent et expriment leur courroux à leur tour, tel un écho à la tempête des coeurs de cette famille meurtrie.
Le doute est un excellent récit et si, perso, la fin m'a laissée frustrée, je vous en recommande vivement la lecture.
Et quelle que soit l'identité réelle de l'auteur, mon stylo est prêt à noter les titres suivants… ou les précédents sous sa véritable identité, n'est pas Sean T.?
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