Le 19 septembre 1914, malheureusement, un « obus traverse l’échafaudage de treize étages qui ceinturait la tour nord et explose à mi-hauteur. L’échafaudage s’embrase. Sous l’effet de la chaleur, la moitié de la Grande Rose éclate et des flammèches communiquent alors l’incendie aux lits de paille, répandus à l’intérieur de l’édifice, afin d’y accueillir les blessés.» Lorsque la toiture en chêne prend feu il n’est plus possible de maîtriser l’incendie et les plaques de la toiture se mettent à fondre. Ce ne fut pas de l’eau qui sortit des gargouilles ce jour là mais du plomb, comme en témoignent celles qui sont placées dans l’entrée du Palais du Tau.
Quatre-vingts ans auparavant Victor Hugo avait eu cette vision de fin du monde dans Notre Dame de Paris :
« Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée.
Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. À mesure qu'ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours […] semblaient plus grandes encore de toute l‘immensité de l’ombre qu'elles projetaient jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu'on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des tarasques qui éternuaient dans la fumée. »
On récupéra une partie de ce plomb pour refaire la couverture actuelle.
L'ensemble des gargouilles colossales qui ceinturent du nord au sud les parties basses de la cathédrale de Reims sont (....) en harmonie totale avec l'édifice par la force sereine qu'elles dégagent. Celles de la façade ouest par contre établissent une vraie rupture : elles sont absolument exceptionnelles. Elles révèlent, entre autres, que le public exige toujours plus de violence pour avoir peur et que cette peur est "pour rire" dans un état d'esprit sans doute proche de celui qui nous fait aimer actuellement les films d'épouvante.