Aérien, relevé, ce périple salvateur d'un professeur de l'art est une prouesse. Salvateur, c'est un récit des plus nourriciers tant sa teneur est une chaire universitaire. Le lecteur n'est plus. Il est le désert. Transmutation, éblouissement, passage de l'ombre à la lumière. John C. van Dyke a écrit ce plaidoyer en 1901. Lu dans cette aube du XXIème siècle, son chant est le même, néanmoins en plus profond. Comme si ce récit était un signal, une urgence de lecture. Se rappeler pour l'infini de l'aura du désert. de sa source et de son vivifiant, de ses prises de position contre ou pour l'homme. Nous sommes en plongée dans la nature, dans sa matrice la plus explicite. Dans le point du centre même de la vie. Dans ce microcosme qui étend sa majesté jusqu'au macrocosme, jusqu'à cette cime lactée qui indique la voie au voyageur égaré. John C. van Dyke est un voyageur, un passeur, qui regarde, note et retient tous les mouvements qui s'entrelacent pour mieux répandre ses savoirs au monde. Mais d'une façon simple, humble, comme si ses observations coulaient de source pour tous. Non, il est un savant. Il s'imprègne du rebelle, du surprenant, du furtif, des batailles pour survivre dans le désert. Tout est lié au destin, chaque chose, chaque brin d'herbe, le minéral et les sables multiples. Rien n'est inné. Le désert est avant tout la cartographie de toutes vies. Dans cette Amérique, de la Californie, à l'Arizona, jusqu'au Mexique, le désert tremble sous les pieds de celui qui ne veut pas se laisser apprivoiser. Mais le voyage de l'auteur est une vertu sociologique, géographique. Il marche pour se ressourcer et pour donner aux autres ce que l'originel lui démontre. Chaque partie de ce récit est une conférence à ciel ouvert. « De la configuration du désert » « La première fois qu'on se rend dans le désert, on est toujours rempli d'étonnement . Il y a des « mers » des lacs ou des mares de sable dans chaque désert. » L'essence est vive, les pourtours font signe, le désert devient réel, palpite, mouvements qui ensorcellent. Regards qui se penchent dans cette orée pédagogique de haute voltige. « Les animaux du désert » font corps avec le désert. Leurs habitus est l'allié et l'adversité est absente. L'auteur observe ces derniers, scientifique à l'extrême, rien ne lui échappe. le mimétisme excelle. La nature se transforme sous les couverts d'un monde hostile ou pas. Ce récit naturaliste est d'une valeur sûre. le monde pénètre dans le désert. On ressent toute la vie même dans cet espace. La trame est une empreinte qui scelle les dires. On est dans cette vérité qui signe les existences, approuve les savoirs. Le summum est l'édition. Une postface et notes de Michel Granger, un interlude perfectionniste et apprenant. Une traduction de Nicole Maller où l'on ressent, un travail érudit au plus juste. C'est cela aussi la qualité première de « le désert » ; mettre au monde un récit de 1901 et lui donner cette contemporanéité éclairante. Publié Par les majeures Editions le Mot et Reste, « le désert » est une valeur sûre, un outil pour comprendre l'idiosyncrasie de cette terre et s'éprendre de la culture de l'auteur.
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Autour de nous s’étend le grand désert enrobé de sable dont personne ne connaît le mystère, que pas même le Sphinx ne saurait révéler. Pourtant, au-delà, au-dessus de lui, plus haut, toujours plus haut, on cherche les mystères d’Orion et des Pléiades.
Qu’est-ce donc qui nous attire vers l’infini et l’insondable ? Pourquoi faut-il que les jolies choses de la terre, les arbres, les lacs, les petites collines, nous paraissent banales et insignifiantes quand nous nous retrouvons face à face avec la mer ou le désert ou l’immensité du ciel à minuit ? Est-ce parce que les premières nous racontent une histoire connue tandis que les autres ne font que suggérer, insinuer l’inconnu ? (…)
Et aussi impressionnants que les mystères sont les silences. Existe-t-il une paix comparable à celle qui plane sur le désert la nuit ? Y a-t-il jamais eu un calme aussi profond que celui qui parcourt furtivement le firmament d’étoile en étoile ? Vous pensez peut-être rompre le charme en haussant la voix ; mais vous ne pousserez pas un autre cri. Le son ne porte pas très loin et puis il semble vous revenir dans l’oreille en insinuant que vous perdez l’esprit.
Un cri dans la nuit ! Au-dessus de nos têtes les planètes suivent leur cours sans faire de bruit, la terre est silencieuse, les animaux eux-mêmes sont muets. Pourquoi donc le cri de l’homme ? Comme il ébranle les harmonies ! Comme il est discordant au sein des unités de la terre, de l’air et du ciel ! Depuis des siècles et des siècles, ce cri s’élève, assiégeant les hauteurs célestes. Et toujours ce sentiment de démence véhiculé par ce cri et par celui qui le pousse ! C’est folie que de protester là ou personne ne peut entendre ! La loi de la nature est sans appel. Elle a été faite pour les bêtes, les oiseaux, les créatures qui rampent. L’être humain ne va donc jamais apprendre qu’aux yeux de la loi il n’est pas différent des créatures qui rampent ?
(Chapitre VI – Ciel et Nuages du Désert, pp. 80-81).
Une certaine simplicité esr liée à l'immensité -simplicité de l'envergure, de l'espace de la distance -qui attire et élève. Il y a quelque chose de très reposant dans l'horizontalité. Les choses qui se présentent sur une surface plane sont en paix et elles apaisent l'esprit. De plus, les vastes étendues de terre, les déserts arides, les pistes abandonnées des hommes et livrées à la solitude ont une singulière force d'attraction. L'isolement mystérieux, le grand silence, la nature désolée et lugubre sont justement les choses dont tout voyageur du désert devient un jour amoureux.
Rien de ce que font les hommes n'est de longue durée. Les hommes et leurs actions s'effacent. La race elle-même s'altère; mais la Nature poursuit calmement ses projets.