De temps en temps, un petit récit pour m'évader, "presque pour de vrai", j'aime. Surtout en restant bien au chaud et douillettement installée alors que les averses se succèdent de l'autre côté de la baie vitrée. Là, nous sommes en novembre, c'est normal qu'il pleuve et que les températures baissent. Mais dans mon livre, c'est le joli mois de mai, il devrait faire beau non ? Eh bien pas du tout ! C'est dans le Montana et le thermomètre joue au yoyo, en restant toutefois très souvent tout en bas. Les bourrasques se déchaînent et pluies fines se partagent la journée avec pluies battantes.
Alors qui se risquerait dehors ? À part un surveillant d'oeufs d'ombres ou un grizzly dévorant un malheureux wapiti, je ne vois pas !
Donc,
Pete Fromm, doit faire sa ronde pour surveiller les couveuses remplies de ces précieux oeufs pour repeupler la rivière de magnifiques ombres. Endimanché dans de seyants vêtements de pluie et armé d'un revolver et d'un spray anti-ours, le trajet qu'il doit effectuer quotidiennement pendant un mois n'a rien d'une promenade champêtre. Les ours, plutôt nombreux dans ce coin retiré, sont sûrement bien affamés après leur hibernation.
Ici, lors de mes randonnées, armée de mon bâton et de ma bombe à poivre, je n'en mène pas large lorsqu'un vilain toutou m'attaque…
Dans un couloir qui se faufile au sein d'une forêt bien dense, il utilise comme répulsif son répertoire de chansons braillées à tue-tête car la menace de se retrouver nez à nez avec un grizzly est tout à fait flippante. Je le conçois tout à fait !
Et dire que ses deux petits garçons trépignaient à l'idée de venir goûter à la vie sauvage avec lui. Les conditions ne s'y prêtaient guère !
Sinon, il crapahute et dégringole à chaque fois une belle pente bien boueuse pour accéder à la rivière, surveille l'évolution des oeufs roses, pêche quelques truites, et prend bien soin de ne pas trop déranger les animaux du coin, wapitis, cerfs de Virginie, coyotes, castors dont il nous livre un bien bel aperçu.
L'odeur persistante des pins l'accompagne, tout en gardant un oeil sur les empreintes de gros, de moyens ou de petits ours pour évaluer s'ils le précèdent de peu.
Au-delà de ses faits et gestes au milieu de cet espace sauvage, l'auteur revient partiellement sur son passé, sur des moments qui l'ont conduit ici, sur son amour de la montagne, son ancienne soif d'ailleurs, de solitude, d'explorations diverses et extrêmes, sa nature profonde. Il s'interroge sur sa présence ici et surtout sur son absence auprès de ses deux garçons vers lesquels vont toutes ses pensées.
Les traits d'humour qui parsèment la narration, les petites frayeurs réciproques avec un petit rouge-gorge, le hamac de son père, le recul sur les années passées et surtout son état de père avec tout son amour désormais tourné vers ses deux enfants en font un récit d'une aventure solitaire profondément humaine, aux multiples questionnements.
Une belle évasion au coeur du Montana où finalement, je n'aimerais pas trop randonner ! J'ai bien assez peur des chiens hargneux rencontrés en France mais je me dis que peut-être les bombes anti-ours sont plus efficaces que celles au poivre…