Jacobs retrouve son Hamme
Mettons fin immédiatement au débat stérile qui accompagne chaque sortie d'un nouveau tome : aucun ne sera meilleur qu'un original de Jacobs.
D'abord parce que personne ne peut recréer le climat nostalgique et l'innocence qui s'attachent aux albums originaux et magnifient les souvenirs. On lit les aventures de Blake & Mortimer pour redevenir enfant ou plus jeune. C'est de la BD à vocation régressive.
Ensuite parce que le cahier des charges est lourd. Il faut rappeler Jacobs et sa précision de traits, son découpage serré, ses récitatifs nombreux, l'absence de gags (mais là, on verra que...), évoquer les thèmes de combat du bien contre le mal, des savants fous, ressusciter Olrik en permanence…
De plus, parce que vouloir perpétuer ces personnages dans leur jus, est une impasse.
Jacobs plaçait ses histoires à l'époque où il les dessinait (entre 1946 et 1971) et donc où elles étaient lues. (Pour sortir de ce piège (diabolique ?), pourquoi ne pas conserver les personnages, leurs principales caractéristiques et moderniser le tout, par exemple en s'inspirant de ce qu'a réussi la série Sherlock ?)
Enfin, n'oublions pas que Jacobs est l'homme des opéras de papier. Donc, d'un univers codifié où il faut accepter ce que la raison trouverait invraisemblable
Une fois ceci posé, que penser de ce dernier Espadon ?
Pour une fois, beaucoup de bien. Après (et avant les futures) approximations d'
Yves Sente, ça fait plaisir de retrouver un scénariste d'envergure. Associé aux déjà très bons dessinateurs que sont
Teun Berserik et
Peter van Dongen repêchés de l'indigne « Vallée des Immortels », cela donne un des, si ce n'est le meilleur, volume de la série.
Le scénario est malin, modernisé et osé (les séquences d'humour autour du Centaur Club, le « sacrifice » de Marge), la violence est même montrée, avec du sang qui coule (p 4, 16, 23, 32 -avec une balle dans la tête ! et 38) et pour un peu, on aurait droit à une scène de sexe ! (p 49).
Van Hamme et ses dessinateurs re-créent quasiment le chainon manquant. Leur dernier espadon est d'une cohérence totale en termes de chronologie, de narration et de scénographie. Il suffit de recenser les multiples références subtiles au "Secret de l'Espadon" avec des vignettes reprenant les originales en les décalant légèrement (les falaises de Makran, le fameux tondo qui signait la fin de Basam Damdu bras en croix -à comparer avec le même procédé utilisé et raté par Sente sur le premier volume de la Vallée des Immortels... )
Merci Jean van Hamme, merci les dessinateurs. On reprend espoir.