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Le livre de David van Reybrouck fera date. Déjà couronné par le prix AKO (le Goncourt néerlandais) et le prix Médicis de l'essai, cette histoire monumentale du Congo de la préhistoire à nos jours dépoussière l'encyclopédisme. À la différence de ces cathédrales empesées qui croulent sous leur propre poids et que personne ne lit, telles L'Histoire générale de l'Afrique éditée par l'UNESCO ou The Cambridge History of Africa, il réussit à brosser l'histoire d'un pays-continent en mobilisant tous les champs de la connaissance (politique, économique, ethnologique, artistique, etc.) sans jamais ennuyer.
La gageure a été relevée par un homme-caméléon : philosophe de formation, titulaire d'une thèse en archéologie, journaliste, dramaturge, David van Reybrouck écrit un livre qui lui ressemble. Pendant près de sept ans, il a lu tout ce qui a été écrit sur l'ancienne colonie belge, comme en témoigne son imposante bibliographie – éclairée par une « justification des sources » qui permet de la hiérarchiser. Surtout, il a sillonné sans relâche ce vaste pays, à la recherche des témoins de son histoire. Car la caractéristique du livre est la place donnée au témoignage des gens ordinaires, des petites gens, dont le point de vue s'exprime rarement dans l'histoire officielle. C'est ce qui en fait l'originalité, c'est ce qui en fait aussi le sel, tant D. van Reybrouck a eu la chance de croiser des personnalités qui, chacune à leur façon, livrent un témoignage éclairant sur les étapes de l'histoire congolaise : la colonisation belge, les affres de l'indépendance, la dictature mobutiste, l'avènement de la troisième république…
Cette fresque ne se réduit pas pour autant à un simple exercice de history from below. Il ne s'agit pas seulement de raconter l'histoire du Congo par en bas ou par le petit bout de la lorgnette, mais de faire résonner la petite histoire avec la grande, comme Alain Corbin le fait pour la France du xixe siècle. le résultat est une étonnante réussite, qui ne verse ni dans la repentance postcoloniale, ni dans l'afro-pessimisme. le Congo tel qu'il transpire de ce voyage est, comme la splendide couverture qui l'introduit, un pays digne et sombre : les errements de la colonisation belge ont leur part de responsabilité dans son retard, mais les Congolais ont aussi la leur.
L'histoire du Congo de D. van Reybrouck est une histoire subjective et se revendique comme telle. Contrairement à la règle qui considère le « je » haïssable et oblige l'auteur à s'omettre de son oeuvre, D. van Reybrouck évoque au fil des pages le processus de son écriture. Une telle démarche était déjà celle de Daniel Mendelssohn dans Les Disparus (Paris, Flammarion, 2007) ou Laurent Binet dans HHhH (Paris, Grasset, 2010), sans parler des romans « non fictionnels » de Jean Rolin ou d'Emmanuel Carrère. À la frontière de la littérature, du reportage et des sciences humaines, ces oeuvres définissent une nouvelle relation à l'écriture. Plus personnelle, plus modeste, plus moderne. En un mot plus captivante.
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Il fallait oser, oser de la part d'un écrivain, raconter toute l'histoire du Congo, cet immense territoire composé de peuples différents, de langues différentes. Ce récit de près de 700 pages nous détaille tout, nous relate l'odyssée de Stanley le long du fleuve Congo, les ambitions du roi Léopold II, la création de l' Etat indépendant du Congo dont il devient le souverain, la cession de ce royaume personnel à la Belgique, la colonisation, les réalisations économiques mais l'absence de considération pour la population dont on ne pourra s'occuper que progressivement, sans brûler les étapes, la proclamation de l'indépendance et son échec immédiat car non préparé, le hold-up économique fait par la Belgique, les troubles, les luttes d'influence, tout y passe et nous fait comprendre le Congo actuel à travers son histoire.
Ce territoire regorge de richesses attise l'intérêt de ses voisins, Rwanda et Ouganda après l'avoir été des Belges, Anglais et Français et avant celui des Chinois.
David van Reybrouck pour réaliser ce projet, à recherché et interrogé quantité de témoins parfois humbles mais qui donnent de la vie au récit.
Je m'y retrouve mieux pour comprendre la situation politique actuelle de ce pays car tous les intervenants d'aujourd'hui y trouvent place, alors que le livre date d'il y a quelques années.
La lecture me fut facile, le livre est entrecoupé de nombreuses anecdotes et réflexions de l'auteur.
Je l'ai aimé quoique étant parfois réticent devant certains points de vue de l'auteur. Je ne suis pas de ceux qui jugent méprisa le le rôle de Léopold II, je crois qu'il est encore trop tôt pour en juger sereinement, certaines critiques sur les colons m'ont parfois paru manquer de nuance. Des historiens se penchent encore sur ces questions.

Tout ceci m'a fait longuement hésiter avant de lui attribuer les étoiles données.
Ma première option lui en donnait trois, à cause de ce qui précède. Ceci avant de devoir reconnaître que c'eût été injuste, que le livre mérite d'être connu et lu, et ce d'autant plus que mon plaisir de lecture fut constant.
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David van Reybrouck rassemble en 857 pages l'histoire d'un pays, depuis la préhistoire jusqu'aux années 2008, date de parution de cette somme.
Ce n'est pas un roman, pourtant il fait parler, au cours de ses voyages au Congo de petites gens, ou de journalistes, ou de vieux, très vieux Congolais dont l'un se souvient encore de l'arrivée de Stanley ! le résultat est que ce livre important se lit comme un roman.
C'est extrêmement bien documenté bien que n'étant pas à proprement parler un livre d'histoire (presque 160 pages entre les remerciements, la justification des sources, la bibliographie impressionnante et les notes) par les livres, donc, des pages et des pages de noms d'auteurs consultés, ainsi que par ses fréquentes visites dans les différentes parties du pays, pas seulement la capitale, et, dans la capitale, les « bas-quartiers ».
« Congo, une histoire » fait résonner les petits et les grands, et comme l'auteur a étudié la philosophie, il analyse chaque événement avec un oeil original et mesuré.
C'est le point de vue d'un journaliste/ écrivain/ philosophe/historien.
C'est toute une somme, un travail colossal, et une vision proche de la réalité.

Après une lecture fractionnée, et que j'ai repris, relu chaque fois avec autant de plaisir, en le refermant j'ai soupiré et désiré que de tels livres soient écrits sur d'autres pays d'Afrique par exemple, dont l'histoire est si peu connue et se résume pour l'Occident aux deux mots ; esclavage et colonialisme, soit le passé dont la rengaine répétitive constitue un affront de plus porté à un ensemble complexe.
En le refermant, je regrette de ne plus voir sur ma table la couverture de cet homme si sérieux, pensif et inquiet.

Revenons tout de même avec David van Reybrouck sur le passé : d'après lui c'est l'appropriation personnelle du Roi Léopold II qui a causé le plus de tort, « une immonde saloperie ». Son ambition a pourtant trouvé dans les faits une résonance : L'ivoire ( pianos, dominos, boules de billard) ne rapporte plus , mais chance : il y a du caoutchouc, et l'exploitation des hommes se fait sauvage. Puis il y aura de l'or, diamant, tungstène, cobalt, le miracle bien connu. Chance après chance. Et aucun Congolais n'en profite ou presque, seul le Roi. ( qui a aboli l'esclavage)
Après la mort du Roi en 1908, la colonie réellement dite de l'Etat belge commence, jusqu'en 1960, provoquée plus par le nationalisme que par l'appât du gain.

Détaillant l'exploitation et le travail forcé non rémunéré que l'on connaît, l'auteur pose parallèlement le bilan positif de cette période :
14 000 kilomètres de voies ferrées, 140 000 kilomètres de routes, 40 aéroports ou aérodromes, des centrales hydro- électriques= une industrie moderne, ainsi que 300 hôpitaux pour les autochtones, et un taux d'alphabétisation très élevé : Toutes ces réalisations dépassent par leur ampleur les autres colonies africaines.
Juillet 1960 l'Indépendance est enfin proclamée.
Il était prévisible que ce changement inévitable allait causer des remous, mais personne ne pouvait prévoir la grave mutinerie dans l'armée, la fuite massive des Belges restés sur place, une invasion de l'armée belge, puis de l'ONU, le soutien politique soviétique, et les sécessions dont celle du Katanga( diamants), crise constitutionnelle majeure.
Jusqu'au 17 janvier 1961, où Lumumba, premier ministre de Kasavubu, est torturé, après avoir été dérouté vers le Katanga de Moise Tshombe et assassiné.
.Mobutu, (dont la femme Marie Antoinette a refusé d'africaniser son prénom)l'homme à la toque en léopard, après son coup d'Etat en 1965, instaure la loi d'airain du parti unique : pendaison publique des opposants, baptême de son pays Zaire, droit de cuisage ( les droits de l'homme en Europe remontent à 1990, et encore remarque Reybrouck) organisation du match de foot du siècle Mohamed Ali/ Foreman, rapprochement avec la Chine, invitation à Kinshasa des astronautes retour de la Lune, barrage sur le fleuve, dépenses faramineuses qui endetteront le pays pour longtemps.
Jean Désiré Kabila, puis son fils Joseph, les élections, le coup d'Etat de 1997, la guerre ouverte puis larvée qui l'a suivie durant des années, l'ingérence du Rwanda et de l'Ouganda pour piller les matières premières, la présence et l'aide de la Chine.

David van Reybrouck termine son livre brillant par « la bière et la prière », la vie comme elle va, ambiancée par les rivalités de producteurs de bière, celle des chanteurs Mpiana et Werrasson, les danses et la « récréation », la volonté absolue des Congolais de profiter de ce qui se présente.

Que mes amis belges, qui en savent bien plus que moi, pauvre française, me pardonnent si ce que j'ai compris du livre de Reybrouck est faussé, et, si ce qu'il dit est contraire à l'histoire, là, je me tais-.
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A travers ce livre fleuve de 600 pages très denses, David van Reybrouck évoque l'histoire du Congo de la préhistoire à nos jours. Ce récit se base sur une documentation assez exhaustive. L'auteur a lu tout ce qu'on avait écrit sur le sujet et fonde ses analyses sur un important corpus scientifique. Il y ajoute, et c'est une des originalités du livre, de nombreux témoignages, anciens et oubliés ou recueillis au cours de ses nombreux voyages sur place. Cette volonté de faire parler des voix africaines donne une épaisseur humaine à l'ouvrage. C'est d'ailleurs ce qui frappe d'emblée à la lecture de ce Congo; van Reybrouck propose une approche humaniste de l'histoire de ce pays continent, à mille lieues des textes froids que nous donnent trop souvent à lire les historiens.

On est frappé au fil des pages par la malédiction qui semble poursuivre un Congo dont l'histoire se confond avec celle d'entreprises successives d'accaparement des richesses. Un peu comme si, de génération en génération, les maîtres du pays s'étaient transmis un droit de pillage; marchands d'esclaves, barons du caoutchouc rouge sous Léopold II, entreprises coloniales, Mobutistes, militaires Rwandais, Kabilistes, et Chinois, vendeurs de bière et religieux illuminés, tous sont passés au guichet et finalement, l'Eldorado a profité à chacun d'entre eux au détriment du peuple congolais.

En prenant le parti d'exploiter tous les témoignages disponibles, van Reybrouck met aussi en lumière la petite histoire, celle d'anonymes comme Jamais Kolonga, le premier noir à avoir invité une femme blanche à danser, qui devint présentateur de la radio télévision nationale du Congo ou celle de ce boy qui avait accompagné son patron en Europe et en était revenu avec la première bicyclette du Congo, ou encore plus tôt, celle de ce jeune garçon confronté à l'étrange tribu des Batambatamba, mot formé d'une onomatopée rappelant le bruit des coups de feu tirés par les esclavagistes. Presque chaque chapitre commence par un de ces destins individuels qui certes en valent bien d'autres mais qui ont le mérite de donner une image saisissante de la vie.

Les critiques de l'ouvrage se sont d'ailleurs focalisées sur les inexactitudes prétendues ou réelles qui naissent de la prise en compte de ces voix du passé, sources par définition fragiles et sujettes à caution. Je ne m'attarderai pas sur les remarques idéologiquement marquées, l'extrême gauche regrettant l'une ou l'autre critique de Lumumba, ou l'un ou l'autre fait à mettre au crédit de Mobutu, les anciens coloniaux niant les errements du système colonial etc. C'était attendu et tout discours mesuré concernant ces sujets conduit presque naturellement à des polémiques dans lesquelles l'esprit critique abdique. En revanche, en tant qu'historien, j'ai été ébranlé par certains reproches scientifiques ou prétendus tels. En entendant des historiens sérieux et reconnus critiquer la validité d'un témoignage ou mettre en doute l'authenticité de tel détail relaté par un des informateurs de van Reybrouck, j'ai repensé à mes bons maîtres. Obnubilés par la vérification des sources, plus sensibles à la mise au jour d'une erreur infime qu'à la construction d'une analyse percutante, ils avaient la fâcheuse habitude de ne voir que des arbres lorsqu'on leur présentait des forêts époustouflantes. Je pense sincèrement que la méthode de van Reybrouck a permis de faire émerger la dimension humaine du récit historique. Et au fond, que le type qui dit avoir volé le sabre du Roi Baudouin l'ait réellement fait ou pas, on s'en fiche comme de colin tampon, cela ne change rien aux grandes mouvements de l'histoire. Ce dialogue constant entre anecdotes révélatrices de la vie quotidienne et événements majeurs a le mérite de donner au lecteur une peinture multidimensionnelle des phénomènes à l'oeuvre et partant il permet de comprendre ce qu'un simple relevé chronologique des faits et de leur causes ne parviendra jamais à mettre tout à fait en lumière; le mouvement de la vie.
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Le livre de David van Reybrouck, archéologue, journaliste écrivain et homme de théâtre, couvre une période très large, allant de la Préhistoire aux premiers chasseurs d'esclaves. On suit avec beaucoup d'intérêt les péripéties du voyage de Stanley missionné par le roi plus qu'ambitieux Léopold II puis la décolonisation, l'arrivée de Mobutu et de Kabila.
Quatre-vingt-dix mille ans d'Histoire, c'est le défi que tient ce livre.
L'histoire d'un immense territoire africain , traversé par un fleuve du même nom, le deuxième plus long d'Afrique.
Un pays où l'espérance de vie est encore très faible, à cause toujours de la mortalité infantile.
Neuf pays voisins, chacun de ces pays ayant dix à quatorze voisins, voilà le puzzle africain qui apparaît dans toute sa complexité.
Des personnages hauts en couleurs, dont le pittoresque marchand d'esclaves Tippo Tip, peu connu en Europe, descendant d'une famille afro-arabe de Zanzibar, et qui va devenir au XIX ème siècle l'homme le plus puissant de l'est du Congo.
Un récit captivant, un concentré d'Histoire qui se lit comme un roman d'aventures..
Et surtout, comme le dit l'auteur, se souvenir que : « le Congo n'a pas à attendre Stanley pour entrer dans l'Histoire. »….
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Congo, une histoire.
Une fiction, un conte, ou la véritable histoire avec un grand H ?
L'histoire du Congo, immense pays d'Afrique noire, raconté par un blanc ?
Raconté par un blanc, de surcroit belge ?
La Belgique le pays colonisateur qui était au moins 20 fois plus petit ?
Le Congo, pays dont le sous-sol regorge de matière première qui influence l'économie mondiale ?
C'est bien de tout cela dont il s'agit ici. Un tour de force réalisé par mon compatriote David van Reybrouck.
Même en tant que citoyen belge, je réalisais en fait que je connaissais peu de chose du Congo.
Ce livre permet vraiment de voyager au fil du temps à travers l'immensité du Congo.
Avec brio, l'auteur nous plonge dans l'histoire du pays, depuis la préhistoire jusque dans les années 2000.
Et pourtant le travail est compliqué. L'histoire du Congo, comme beaucoup de pays d'Afrique est compliquée à saisir tellement il y a d'éléments à prendre en compte.
J'ai vraiment apprécié la franchise de l'auteur. Lors d'un de ces nombreux voyages au Congo, il a réussi à entrer en contact avec un chef de la rebellion. Il rencontre l'homme dans un village. Il est protégé par des gardes du corps, des soldats-enfants d'à peine 14 ans armé de fusils mitrailleurs. C'est la guerre civile. le chef est sans pitié, il est responsable de nombreux massacres. L'auteur le sait. Mais, après avoir parlé avec le chef, il doute. Il ne sait plus bien qui a tort de qui a raison tant le conflit est confu. Il le reconnait, il est trop dans l'histoire présente, réelle, qu'il ne sait que penser. Je trouve cela très courageux de pouvoir se dire à un moment donné : je ne sais quoi pensé tellement les événements me paraissent confus. C'est bien plus noble que d'avoir des jugements à l'emporte-pièce.
Ce livre permet d'avoir un point de vue global sur l'histoire du Congo. Cela peut paraitre banal et simple mais c'est tout le contraire et c'est écrit avec beaucoup de talent.

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Un livre passionnant reprenant l'histoire du Congo depuis le début.
Ou comment, on passe de sociétés traditionnelles vivant de chasse et de cueillette ayant une mythologie et une vision holistique du monde à un super-état ingouvernable où le niveau de vie est un des plus faible du monde.
L'auteur nous explique avec brio les différentes étapes du processus historique de l'exploitation coloniale militaro-religieuse, avec destruction des valeurs, acculturation, exploitation économique, tortures... jusqu'a l'indépendance avec Patrice Lumumba, la Cia, la dictature de Mobutu...
A lire pour comprendre le processus colonial et la difficulté de le dépasser.
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Je ne vais pas être long car l'histoire du Congo est complexe; elle présente énormément de facettes et toutes sont traitées avec passion et de manière passionnante par David van Reybrouck. Je l'ai acheté un peu par hasard et je l'ai commencé dans le magasin même en me disant qu'au pire, je le lirai en plusieurs fois. Je ne l'ai finalement pas lâché. On apprend énormément de choses et jamais l'auteur ne joue la carte du manichéisme ce qui, à mes yeux, est extrêmement important dans ce genre d'exercice. L'histoire du Congo est une histoire très dure qui s'apparente souvent à un viol mais David van Reybrouck évite l'écueil de la pitié et de l'apitoiement. "Congo" donne un éclairage fascinant sur l'importance du pays et on comprend mieux les tenants et les aboutissants de la convoitise dont il a toujours fait l'objet. Cerise sur le gâteau, ça se lit tout seul; bref, je comprends que ce livre soit bardé de prix. Ce livre serait presque indispensable, je le recommande vivement.
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Un matériau captivant, un traitement qui hésite entre raté et détestable.

Publié en 2010 aux Pays-Bas et en 2012 en France dans une traduction d'Isabelle Rosselin, le gros livre (600 pages de texte et 60 pages de notes et de bibliographie) de David van Reybrouck m'a beaucoup déçu, et un peu fâché par moments.

Le sujet n'est évidemment pas en cause : l'histoire du Congo (« Kinshasa»), plus vaste Etat, de loin, de l'Afrique subsaharienne, est résolument passionnante, et la place pour un ouvrage de vulgarisation historique de cette ampleur était pleinement justifiée, même si l'auteur feint d'emblée d'ignorer que certains auteurs ont aussi récemment mis en scène des pans significatifs de cet arrière-plan pour le grand public (Jo Nesbö, par exemple, dans son « Léopard » de 2009, traite abondamment, sans nuire au fil de son enquête policière, des horreurs du Congo de 1900, propriété privée du roi des Belges Léopold II, et plus directement, Patrick Deville dans son « Equatoria » de 2009 également, musarde avec poésie et finesse autour du pays, traitant aussi bien de la course entre Stanley et Brazza que de l'imbroglio des Grands Lacs, et des appétits rwandais et ougandais).

Le matériau assemblé et présenté est ainsi d'une très grande richesse, et les sources consultées, détaillées dans la bibliographie, approchent sans doute l'exhaustivité. Même le passionné d'histoire africaine y trouvera donc certainement des éléments nouveaux et intéressants (citons au passage, par exemple, le rôle de l'anthropologie coloniale dans le renforcement et l'exacerbation du fait tribal, qui devient dominant uniquement avec les brutales classifications entreprises entre 1890 et 1920).

En revanche, le mode d'approche retenu, la position de narration et certains partis pris de nature presque « idéologique » m'ont posé de réels problèmes, et créé in fine cette grosse déception de lecture.

Le mode d'approche retenu (ou plutôt, mis en avant, car l'utilisation des sources « classiques », historiques ou journalistiques, reste largement prédominant) consistait à privilégier, autant que possible, faisant en effet ainsi oeuvre relativement originale, les témoignages directs de participants aux événements, même aux plus anciens, en cherchant donc des « seconds couteaux » ou d'humbles inconnus ayant vécu les situations décrites. Cela conduit bien à quelques très belles pages, mais hélas, cela conduit surtout à de terribles accumulations de répétitions. Raconter, c'est aussi choisir, et David van Reybrouck s'y refuse trop souvent, n'hésitant donc pas à assener deux, trois ou quatre témoignages quasi identiques sur un même élément. La visée n'étant pas une étude scientifique (pour laquelle un ou quatre témoignages ne changent rien et resteraient de toute façon un nombre insuffisant), la qualité du récit historique y perd singulièrement.

La position de narration est curieuse (les extraits des diverses sources, en dehors des témoignages oraux recueillis, sont enchaînés les uns aux autres, les paraphrases éventuelles (difficilement évitables dans un travail de cette nature) se font donc naturellement sans guillemets, mais les attributions sont renvoyées (quand elles le sont bien) aux notes en fin d'ouvrage. de ce fait, en de très nombreuses occasions, l'auteur semble exposer et prendre à son compte, sans nous faire part d'un doute et sans nous donner d'éléments de discernement, parfois à vingt ou trente lignes d'écart, des positions parfaitement incompatibles. Les parties consacrées à la sécession du Katanga ou au génocide rwandais et à ses suites, tout particulièrement, accumulent ce type d'effets a priori involontaires, rendant la compréhension de plus en plus délicate, et donnant in fine l'impression d'une accumulation disparate de matériau documentaire mal maîtrisé, sans mise en perspective ou possibilité critique.

Certains partis pris, enfin, jamais assumés comme tels, laissent pour le moins songeur… Je n'en citerai que trois. le premier, manifeste, est la sympathie affichée pour la sécession katangaise, qui ne serait donc, après tout, si l'on suit le sous-texte de l'auteur, que la tentative bien raisonnable de Moïse Tschombé (et des multinationales minières qui le soutenaient) de maintenir un petit état oligarchique blanc au lieu de donner comme prévu aux Noirs congolais les richesses du sous-sol qui leur appartenaient. le second est relativement insidieux, mais apparaît à la longue : sur une centaine d'années d'histoire, pas un leader, politique, religieux, militaire ou économique noir congolais ne mérite au fond d'autre considération que, dans le meilleur des cas, une condescendante sympathie amusée, et, dans le pire des cas, une légitime horreur face à un fou sanguinaire, en passant par le cas médian, celui d'un idiot assez aisément corruptible. le troisième, peut-être le plus fort au fond, laisse une impression particulièrement désagréable, lorsque l'auteur suggère à longueur de chapitre, mais sans le dire clairement, que le Congo était chaotique et sanglant avant la colonisation, injuste, abusif, mais bien difficile à gouverner pendant la colonisation, et à nouveau chaotique et sanglant après la colonisation… laissant ainsi au lecteur le soin de tirer une conclusion « naturelle », superficielle malgré les 600 pages de soutien apparent, et totalement erronée.

La déception finalement ressentie est donc à la hauteur de l'ambition initiale : un propos dense, mais qui s'écroule sous le poids de ses sources, ne parvenant pas à en extraire une ligne narrative historique, ni bien entendu les éléments de poésie méditative, historique et géopolitique, qui rendent précieux les écrits des meilleurs écrivains voyageurs. Et un arrière-goût idéologique fort désagréable, même s'il est relativement dissimulé.
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Son passé colonial, la Belgique en parle bien peu. Il faut dire que l'indépendance s'est passée avec une belle cérémonie bien propre de passation de pouvoir : on a fait les choses dans les règles. Certes, tout n'a pas été parfait, il y a eu des méfaits et du racisme, mais sûrement pas pire qu'ailleurs, et d'autres pays ont depuis utilisé leur influence pour se partager les richesses du Congo, donc comme on s'est séparé bons amis, pourquoi remuer le passé ? La question semble si bien réglée que la proposition de l'O.N.U. du début de cette année, qui demande à la Belgique de présenter ses excuses officielles pour son passé colonial, a été reçue dans l'indifférence générale.

Il resterait pourtant de nombreuses questions à clarifier : le comportement des colons sur place, que ce soit sous Léopold II ou sous le gouvernement belge, le pillage des ressources naturelles, l'ingérence étrangère qui n'en finit plus, …

Totalement novice dans ce sujet, le livre de van Reybrouck me paraissait une bonne entrée en matière : une bonne brique de 700 pages qui retrace l'histoire du Congo du début de la colonisation à nos jours. J'ai découvert l'auteur lors du dernier salon du livre de Bruxelles, et son point de vue semblait assez équilibré et nuancé, ce qui était plutôt une bonne nouvelle, tant les sujets sensibles sont nombreux.

J'ai pris ce livre plus comme un reportage que comme un livre d'histoire au sens strict. Les événements politiques sont en effet complétés par des témoignages des « gens d'en bas » : témoignages de congolais, journaux intimes de colons, enquêtes sur le terrain, … Cette méthode implique forcément une certaine dose de parti pris (les témoignages engagent le lecteur à accepter une certain vision de la situation), mais d'un autre côté, c'est sans doute la seule qui nous permet d'avaler autant d'informations sans jamais avoir la sensation d'être noyé de dates ou de faits historiques.

Évidemment, de nombreux sujets méritent des livres dédiées à eux seuls : l'assassinat de Lumumba, le génocide des Tutsis, … Mais la mission est remplie pour ce livre, qui m'a appris énormément de choses sans jamais m'ennuyer.
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