Ainsi gèlent les bulles de savon

Pourquoi personne ne s est inquiété de la douleur du cathéter planté dans ma chair, des points de suture dans mon intimité déchirée, et de tout ce sang qui coule à flots entre mes jambes et déborde de la couche géante dont on m affublée comme une vieille femme incontinente?

La gynécologue tourne un bouton sur sa machine et je l entends avant de le voir. Le battement régulier et universel d un tam-tam ancestral, une minuscule lumière, comme un petite fleur blanche, qui clignote dans une obscurité de nuit des temps: ton coeur qui bat.

Peut-être que le décalage entre Océane et le reste du monde n'était qu'une question de vocabulaire inapproprié.

C’était la dernière fois qu’il me brisait le cœur. J’ai fait comme tout le monde, j’ai attendu que le temps en recolle les débris épars. Cependant, depuis, il en manque un petit morceau que je n’ai jamais retrouvé.

Se sacrifier totalement pour ses enfants, c’est un poids très lourd à leur faire porter, tu sais.

Pourquoi la beauté cohabite-t-elle si souvent avec la souffrance ?

Peut-être que le décalage entre Océane et le reste du monde n’était qu’une question de vocabulaire inapproprié.

Voilà d’où vient ce qu’ils appelaient ma mélancolie : je vivais dans l’attente que le monde s’effondre et il s’effondrait tous les soirs, quand mon père rentrait du travail.

Mais ta sensibilité est ta richesse, ne fais pas les mêmes erreurs que moi : ne la laisse pas t’effrayer, n’en aie jamais honte. Laisse-la s’exprimer, dans les moments de désespoir comme dans les instants d’euphorie et elle deviendra ton talent. En avançant doucement, un petit pas à la fois, comme me l’avait expliqué cet homme en Indonésie, on peut se relever de presque tout. Je n’ai pas la prétention de t’apprendre quoi que ce soit. Mes enfants m’ont finalement beaucoup plus appris que l’inverse. Une chose, toutefois, me semble essentielle, et si tu ne devais retenir qu’une phrase de ce livre, je voudrais que ce soit celle-ci : si un jour tu doutes, si tu as peur, que l’avenir te paraît sombre et que tu ne sais plus vers qui te tourner, fais comme les bulles de savon, dirige-toi toujours vers la lumière.

Mais je ne veux pas penser à toi. Alors, je ferme les yeux, j’inspire un grand coup et c’est là que je le sens, derrière l’odeur des pots d’échappement des minibus et des fruits mûrs sur les étals de fortune, comme une bourrasque d’air frais après des mois passés au fond d’une cave : le parfum ensoleillé de la liberté.