Voilà bien des années que je me dis qu'il faut absolument que je lise quelque chose de
Vargas Llosa.
Or, étant moi-même de langue espagnole, j'ai laissé trainer la chose, de contretemps en en oubli, chaque fois que je me rendais en Espagne.
C'est en parcourant des critiques de certains de ses ouvrages sur babelio que l'envie irrépressible m'a poussé à mettre un terme à ce que l'on appelle en Espagne una Asignatura pendiente, en achetant sur internet l'oeuvre dont il est question ici.
Pas de doutes, c'est un auteur hispanique.
L'on s'en rend compte très vite à la joie et a la musicalité des ses mots. À une certaine brutalité austère également. L'hidalgo n'est jamais très loin.
Il m'a fallu une dizaine de pages pour trouver mon rythme de croisière car l'auteur utilise beaucoup de mots et d'expressions typiques d'Amérique latine, voir exclusivement péruviennes.
Mais une fois dans l'action, ce sont des baffes que vous vous prenez à chaque coin de phrase.
Il y a longtemps que je ne me prenais pas une telle enclume sur ma piètre citrouille.
J'ai ressenti les mêmes sensations que l'ors de ma première lecture de À l'Est d'Eden de Steinbeck ou Thérèse Desquyroux de Mauriac.
Peut-être parce que, entre autres, il est également fait cas dans ces deux livres d'un monstre au féminin. Et peut-être aussi du fait que les trois possèdent la même incommensurable capacité à nous décrire des personnages sans jamais nous parler de leur état d'âme.
Tous trois étant des lauréats du prix Nobel, je me dis que les juges de ce concours ne sont peut-être pas si mauvais.
Ce roman nous parle de l'amour et des dangers pour l'âme humaine qu'il peut représenter.
Original ! Me direz-vous.
L'amour presque féminin d'un homme pour une femme, décrit de façon presque froide et très masculine. Avec beaucoup d'humour, de pudeur et sans la moindre sentimentalité, ce qui donne évidement à l'oeuvre une indéfinissable élégance.
Là est le défi que l'incomparable talent de l'écrivain réussit à relever haut la main comme qui tuerait une fourmi.
Un doute persiste toutefois, pour maitriser moyennement les deux langues, je me dis que de maintenir toute la musicalité du texte (de l'espagnol au français) doit tenir d'une véritable prouesse.
À part de l'amour qu'il a éprouvé pour une femme sa vie durant, l'auteur nous parle également de celui qu'il voue à la ville de Paris. Et là encore, sans superlatifs et avec beaucoup de désenchantement.
Un dernier mot encore sur ce monstre au féminin.
Comment aimer un être aussi froid, intéressé et égoïste, tout en un ?
L'auteur nous l'enseigne avec beaucoup de réalisme.
Ne dit-on pas, qui aime bien châtie bien ?
Pour maintenir la flamme, cette femme est prête à tout. D'abord à se détruire elle-même puis à carboniser celui vers qui elle l'adresse.
J'aimerai en dire plus à ce sujet, mais ce serait vous gâcher le plaisir d'aller au bout de ce chef d'oeuvre.
Je finirai donc et disant que l'amour, le vrai, est fragile. La moindre petite lâcheté peut le blesser à mort. Après, ce ne sera plus que du réchauffé. Il faut du courage donc, un courage dont
Vargas Llosa nous dit qu'il fait, en général, cruellement défaut à l'âme masculine.
Autant pour nous !