Me permettez-vous de vous parler de l'histoire d'une femme ? Elle m'a tour à tour envoûté, agacé, puis de nouveau envoûté, puis... Mais au final elle m'a touché... Ne me demandez pas comment elle s'appelle. Elle a changé tant de fois d'identités et même de nationalités... Ce n'est pas étonnant que l'auteur parle alors de tours et détours. Est-ce que cela en fait pour autant une vilaine fille ? D'ailleurs, c'est le narrateur qui la surnomme ainsi.
Je l'ai connu comme le narrateur, dans un quartier huppé de Lima, où adolescente elle fascinait un entourage d'autres adolescents péruviens dont le narrateur Ricardo en dansant de sa belle et frêle silhouette déhanchée sur les rythmes d'un mambo. À cette époque, elle était Lily jeune chilienne qui suscitait la fascination jusqu'à ce que la supercherie soit dévoilée.
Tours et détours de la vilaine fille m'a permis de découvrir son auteur,
Mario Vargas Llosa, écrivain péruvien et par ailleurs prix Nobel littérature 2010, excusez du peu. Il est même entré tout récemment à
L Académie Française, mais oui j'ai bien dit à
L Académie Française. D'ailleurs il est fort possible que ce récit possède une part d'autobiographie, je n'en serai pas étonné. Une large partie du récit se déroule à Paris, dans un Paris existentialiste, où le narrateur occupe un modeste emploi de traducteur pour une institution.
Je vous invite donc à venir vous promener dans les tours et détours de cette vilaine fille dont l'histoire est étroitement liée à celle du narrateur, celui que la vilaine fille appelle avec tendresse et moquerie « mon bon garçon ».
C'est un itinéraire semé d'hésitations. Comme l'hésitation est belle lorsqu'elle se mêle à l'art.
Le lecteur que nous sommes voit gros comme une maison comment cette vilaine fille joue avec le coeur du narrateur comme un chat joue avec une souris. Elle s'en va le jetant comme une vieille chaussette, comme un enfant se lasse d'un jouet, puis revient plus tard alors que le coeur du narrateur est à peine consolé, réparé, remis en marche...
Elle fut tour à tour « la petite chilienne » dansant le mambo, puis une farouche guérillera dans la Cuba de Castro, puis plus tard l'épouse d'un diplomate à Paris, ou encore une richissime aristocrate de Londres. Bon, j'arrête là, je sens que je vous donne déjà le tournis.
Ricardo l'aime, l'aime plus que tout, la perd quand il s'y attend le moins, la pleure, lui pardonne tout, la perd pour mieux la pleurer, la perd pour mieux la retrouver, la perd peut-être pour mieux la regretter afin de toujours l'aimer.
Malheureusement, il a un gros défaut aux yeux de cette vilaine fille : il est pauvre comme Job.
Elle est insaisissable, inconstante, s'ennuie à mourir à la seule idée du bonheur. Lima, Cuba, Paris, Londres, Madrid, Tokyo... C'est sûr qu'avec une fille pareille, le lecteur voyage... Mais elle voyage toujours sans Ricardo, car lorsqu'elle voyage c'est parce qu'elle a quitté Ricardo pour s'en éloigner au plus loin.
Tours et détours de la vilaine fille est la géographie d'un amour fou.
Mais pourquoi cette vilaine fille a-t-elle autant la bougeotte ? Son addiction, c'est le mensonge, c'est l'argent, c'est le sexe... C'est sans doute tout cela à la fois, elle ment comme elle respire, changeant d'identité comme elle change de robe, fuyant au plus vite comme à chaque fois lorsque la supercherie est dévoilée...
Elle revient toujours à son port d'attache qui est le coeur de Ricardo ou plutôt son corps. Mais alors, l'aime-t-elle ? Disons qu'il y a du « Je t'aime moi non plus » dans cette histoire.
J'ai adoré ce roman aux mille et une facettes, qui est l'histoire d'une obsession amoureuse, d'une abnégation, tantôt tribulations comiques, tantôt récit tragique, tantôt conte érotique,
Mario Vargas Llosa en merveilleux conteur sait jouer avec nos émotions et nous montrer tous les versants d'un amour passionné qui ne renonce jamais...
♬ Je t'aime, je t'aime
Oh oui, je t'aime
Moi non plus ♬
Oh, mon amour
♬ Comme la vague irrésolue
Je vais, je vais et je viens
Entre tes reins ♬
Je vais et je viens
♬ Entre tes reins
Et je me retiens ♬