Le mardi 31 mai, seize agents de la Brigade étaient installés dès neuf heures en salle de réunion, fin prêts, avec ordinateurs, dossiers et cafés, pour présenter au commissaire le déroulé des événements qu’ils avaient eu à gérer en son absence, dirigés par les commandants Mordent et Danglard. L’équipe exprimait par sa décontraction et son soudain bavardage le contentement de le revoir, de retrouver son visage et ses allures, sans se demander si son séjour au nord de l’Islande, dans la petite île des brouillards et des flots mouvants, avait ou non altéré sa trajectoire. Et si oui, qu’importe, se disait le lieutenant Veyrenc qui, comme le commissaire, avait poussé parmi les pierres des Pyrénées et le comprenait aisément. Il savait qu’avec le commissaire à sa tête, la Brigade tenait plus d’un large navire à voiles, parfois cinglant vent arrière ou bien rôdant sur place, voilure affalée, que d’un puissant hors-bord dégageant des torrents d’écume.
À l’inverse, le commandant Danglard redoutait toujours quelque chose. Il scrutait l’horizon à l’affût des menaces de tous ordres, écorchant sa vie sur les aspérités de ses craintes. Au départ d’Adamsberg pour l’Islande, après une harassante enquête, l’appréhension l’avait déjà gagné. Qu’un esprit ordinaire et simplement éreinté parte se délasser en un pays brumeux lui paraissait un choix judicieux. Plus opportun que de courir vers le soleil du Sud où la lumière cruelle avivait les moindres reliefs, le moindre angle d’un gravillon, ce qui n’était en rien délassant. Mais qu’un esprit brumeux s’en aille en un pays brumeux lui semblait en revanche périlleux et gros de conséquences. Danglard craignait des retombées difficiles, peut-être irréversibles. Il avait sérieusement envisagé que, par effet de fusion chimique entre les brumes d’un être et celles d’un pays, Adamsberg ne s’engloutisse en Islande et n’en revienne jamais. L’annonce du retour du commissaire à Paris l’avait un peu apaisé.
- J'aime bien le trèfle.
- Comme tu veux, dit Veyrenc qui usait souvent de cette réplique avec Adamsberg, non qu'il acceptât toutes ses propositions mais parce qu'il savait quand il était vain de parlementer. (p.390-391)
Qui affronte une murène ne fuit pas une recluse. (p.154)
Adamsberg n'eut pas besoin de regarder les membres de son équipe pour percevoir la nature de ce silence. Il était fait de perplexité, de lassitude et de fatalisme. (p.126)
Tous deux enfants du Béarn, Adamsberg et Veyrenc avaient hérité de leur montagne quelque matière incassable, souplesse pour l'un, stabilité pour l'autre.
Les doubles des clefs de voiture fait partie des objets qui nous crétinisent. Au point que leur perte nous affecte, comme un pilier de sécurité qui s'effondre
Pour tuer vos trois hommes, il aurait fallu disposer de quelque deux cents recluses. Ou de quelque soixante à soixante-dix araignées pour un homme.
Raconte-moi cette femme qui t'a offert une araignée morte.
- Les hommes offrent bien des manteaux de fourrure. Quelle idée. Imagine-toi serrer dans tes bras une femme qui porte soixante écureuils morts sur le dos.
- Tu vas porter ton araignée sur le dos ?
- Je l'ai déjà sur les épaules. Louis.
_Je ne sais pas.Ce sont ces bulles gazeuses qui dansent dans ma tête.Elles se racontaient cela,des choses,entre elles,en chuchotant.Sans m'apporter la moindre réponse.
_Par noir,j'entends profondément noir.Comme l'intérieur de la terre,comme l'intérieur d'un trou.Là où se cachent les recluses.