J'avais lu «
Une vie » rédigé par
Simone Veil elle même et j'avais peur, en achetant ce livre, de retrouver sensiblement le même récit mais il est différent. Cette fois, c'est
David Teboul qui recueille le témoignage de cette grande dame que j'admire énormément, un témoignage glaçant, effroyable, innommable et bouleversant.
J'ai beau avoir lu beaucoup de livres sur la shoah, je suis toujours autant chamboulée et horrifiée par ce que je lis et découvre au fil des pages, mais c'est un passage obligatoire, nous devons savoir pour transmettre et pour ne jamais oublier.
Même si le thème ne s'y prête pas, le livre est beau, il est agrémenté de photographies de
Simone Veil enfant avec sa famille, puis adolescente, une magnifique jeune fille avec deux longues tresses et des yeux extraordinaires. On la retrouve aussi, lors d'un voyage de commémoration à Auschwitz, accompagnée de l'auteur du livre,
David Teboul, un moment très douloureux pour elle. Elle livrera ces quelques mots « Rien ne ressemble au camp, je vois un immense parc, Birkenau c'était la boue, un ciel noir et des odeurs'. le camp lui semble minuscule, dans son souvenir de déportée, tout était plus grand.
Quand on lit ce livre, c'est la voix de
Simone Veil que l'on entend. Elle nous parle de son enfance, de ses parents, de ses soeurs et son frère, leur vie à Nice. La montée du nazisme, les mesures anti-juives, la peur qui s'installe. Puis c'est l'arrestation par la Gestapo et le départ pour Drancy qui ne sera qu'une étape avant la déportation pour Auschwitz-Birkenau.
Simone Veil sera déportée avec sa mère et sa soeur ainée Milou.
Après plusieurs jours d'un voyage horrible, le convoi arrivait durant la nuit.
"LES WAGONS S'OUVRAIENT AVEC FRACAS, LES SS HURLAIENT RAUS, RAUS !! ON NE VOYAIT QUE DES HOMMES, PAS UNE SEULE FEMME. CES HOMMES SE PRÉCIPITAIENT SUR LES WAGONS POUR EN EXTRAIRE LES PASSAGERS. NOUS EN SORTIONS SANS NOS BAGAGES, À PEINE SI CERTAINES GARDAIENT LEUR SAC À MAIN. TOUT LE MONDE SE RETROUVAIT SUR LE QUAI, QUELQUES FAMILLES, QUELQUES AMIS PARVENAIENT À RESTER ENSEMBLE. MAIS SOUS LA PRESSION DES SS TOUT ALLAIT TRÈS VITE. NOUS ÉTIONS AHURIS, ABATTUS, COURBATURÉS SURTOUT. LES CHIENS NOUS MORDAIENT"
Le récit est glaçant. Ce n'est plus de la vie mais de la survie. Se battre pour rester un être humain alors que l'ennemi vous réduit à l'état d'animal. Il y a le froid, la faim, la soif, la promiscuité, les odeurs, les insultes, les coups, le travail physique, les appels dans le froid la nuit qui durent une éternité et le manque de sommeil. « le sentiment qui domine est celui d'un corps et d'un esprit humiliés »
C'est au camp que
Simone Veil fait la connaissance de
Marceline Loridan-Ivens, des liens indéfectibles qui perdureront même après la fin de la guerre et le retour en France. Elle rencontrera aussi Paul Schaffer au petit camp de Bobrek, l'annexe du camp d'Auschwitz. A la fin du livre
David Teboul retranscrit des échanges entre
Simone Veil et
Marceline Loridan ainsi qu'avec Paul Schaffer. C'est un dialogue très intéressant et enrichissant, tellement prenant qu'on a l'impression d'être avec eux, dans la même pièce.
Puis vient la libération, le retour à Paris,
Simone Veil et sa soeur Milou, très gravement malade, sont hébergées chez leur oncle et tante, des médecins qui n'ont plus rien, un appartement pratiquement vide parce qu'il a été pillé. de cette période Simone dit « Il y avait comme un trou dans nos vies, je ne l'ai jamais comblé. le plus difficile fut sans doute le regard que les autres portaient sur nous » « Après guerre j'ai été profondément humiliée par la curiosité dont je faisais l'objet et par ce doute que je lisais dans les regards, ces regards ont empoisonné mon retour »
C'est une étrange période, les déportés sont comme des étrangers, rien ne filtre des camps, personne ne raconte l'horreur vécue, qui pourrait y croire ?
Simone Veil va reprendre de brillantes études, se marier. Il y a son engagement citoyen, d'abord avec les politiciens où on ne lui fait pas de cadeaux, c'est une femme et dans les années 70 c'est presque avant-gardiste, elle est aussi de religion juive, même si elle est laïque, les vieux démons de l'antisémitisme ne sont jamais bien loin. Elle s'engage en tant que rescapée des camps, elle transmet. Elle n'aime pas que l'on parle de devoir de mémoire, « chacun réagit selon ses sentiments ou son émotion. La mémoire est là, elle s'impose d'elle-même ou pas. Autre chose est le devoir d'enseigner, de transmettre, là oui il y a un devoir ».
Très bel ouvrage que ce livre de
David Teboul qui est cinéaste, photographe, vidéaste et ami de
Simone Veil. C'est une lecture enrichissante et instructive. C'est un bel hommage pour cette grande dame qu'est et restera
Simone Veil. Elle n'aura pas pu lire ce livre, c'est dommage.
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