Michel Strogoff avait émerveillé mon enfance à travers la série télévisée, diffusée lorsque j'avais 6 ans. Et à vrai dire, c'est à peu près l'âge qu'il faut avoir (ou l'esprit qu'il faut avoir conservé) pour apprécier cette lecture. Je l'ai stoppé au 2/3 du roman, au chapitre 5 de la deuxième partie : le moment où
Michel Strogoff se fait torturer. Plutôt que de livrer uniquement mon avis subjectif, je vais principalement et objectivement démontrer les principaux points faibles de ce roman. Certains ont déjà parlé des nombreuses descriptions, mais la plupart n'ont pas expliqué en quoi ces descriptions sont pénibles. Ces descriptions, qui, la plupart du temps, ne sont que des énumérations de lieux, de peuplades, d'objets, constituent la moitié du roman. Elles sont faites dans un vocabulaire restreint et répétitif. Elles sont remplies d'inexactitudes et pour n'en relever ne serait-ce qu'une, je mentionnerais que, contrairement aux moustiques et aux taons, les cousins ne piquent pas. Les descriptifs de
Jules Verne n'ont rien en commun avec ceux d'honoré
De Balzac ou de
Victor Hugo dont les paragraphes, parfois rébarbatifs, ont un aspect mélodieux, poétiques ou bucoliques, tandis que les siens s'apparentent à des extraits de documentaires. Pour couronner le tout, les trois quarts n'apportent strictement rien à l'histoire du roman.
La forme de ce roman pourrait être de peu d'importance si le fond n'était pas parsemé de nombreux écueils. Certains ont déjà parlé de l'invincibilité de
Michel Strogoff, mais n'ont pas expliqué l'invraisemblance des situations ni la naïveté du récit. L'invraisemblance est telle qu'elle en est comique. Ainsi, le père de
Michel Strogoff, chasseur expérimenté, avait tué, non pas avec une arme à feu, mais avec une fourche et un couteau, 39 ours sans subir la moindre égratignure. Michel, quant à lui, avait tué son premier ours dès l'âge de 14 ans. Plus tard, lors de son épopée à travers la Sibérie, une avalanche déclenchée par la violence d'un orage charrie de lourdes roches. L'une d'elles menaçant d'écraser la calèche dans laquelle se trouve Nadia, Michel détourne sa trajectoire « d'un coup de son puissant poitrail ». La roche lui a coupé le souffle mais c'est tout : aucune blessure, aucune plaie, aucune fracture des côtes. Juste le souffle coupé pendant quelques instants. (Morte de rire). D'ailleurs, quelques heures plus tard, Michel éventre un ours d'un seul coup de couteau ! Nadia avait bien tiré deux balles sur l'animal qui l'attaquait, mais bien sûr, en le touchant à peine. Heureusement que Michel était là. (Plus fort que Zorro et Rahan réunis).
Petit aperçu de l'énormité des situations avec l'extrait suivant :
« Michel Strogoff n'était pas, n'avait jamais été aveugle. Un phénomène purement humain, à la fois moral et physique, avait neutralisé l'action de la lame incandescente que l'exécuteur de Féolar avait fait passer devant ses yeux. On se rappelle qu'au moment du supplice, Marta Strogoff était là, tendant les mains vers son fils. Michel Strogoff la regardait comme un fils peut regarder sa mère, quand c'est pour la dernière fois. Remontant à flots de son coeur à ses yeux, des larmes, que sa fierté essayait en vain de retenir, s'étaient amassées sous ses paupières et, en se volatilisant sur la cornée, lui avaient sauvé la vue. La couche de vapeur formée par ses larmes, s'interposant entre le sabre ardent et ses prunelles, avait suffi à annihiler l'action de la chaleur. »
Le troisième point négatif de ce roman, mais pas le moindre, c'est la stupidité des dialogues :
Ainsi tu passeras quand même ?
Je passerai, ou l'on me tuera.
J'ai besoin que tu vives !
Je vivrais et je passerai, répondit
Michel Strogoff.
Pour conclure, si vous avez gardé la fraicheur et la naïveté de vos 8 ans, ce roman, aux nombreux personnages manichéens et stéréotypés pourra vous plaire, sinon tournez vous plutôt vers les romans d'
Hector Malot tel que Sans famille, qui malgré son côté « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » et sa fin heureuse, fait preuve de bien plus de vraisemblance.