"Les papillons de l'Ombre jaune" sont, à mon estime, un de meilleurs épisodes de la saga de l'Ombre jaune (oserais-je dire le meilleur avec "Le Poison de l'Ombre jaune" ?) !!! A la mystique de la vieille Afrique (c'est le seul épisode de la saga qui se passe en Afrique) à laquelle est sensible Bob Morane (voir le dialogue avec Allan Wood au chapitre I) s'impose pour un temps (celui du roman) cette poétique de la peur, de l'angoisse, de l'effroi, de l'horreur attachée à ces papillons de la mort créés par le génie maléfique de Monsieur Ming, répandant l'Amok, la "folie de tuer" par morsure et dont l'existence se heurte à l'incrédulité si compréhensiblement humaine de Bill Ballantine ("mordu par un papillon ? et pourquoi pas par une pantoufle" !)... comme elle le serait de l'immense majorité de "l'opinion" si d'aventure pareille mutation génétique résultait d'un programme de domination mondiale d'une puissance innommable ...
A partir de l'inquiétant prologue, elle culmine en trois épisodes, sommets de l'oeuvre :
1° chapitres V et VI : d'une part, le premier assaut des papillons sur Bob Morane et Bill Ballantine (auxquels s'est jointe Lynn
Aldiss, jeune chasseuse de photos dont le safari a été décimé par les mortels insectes), d'autre part, la vision offerte aux trois protagonistes des animaux de la brousse frappés de folie furieuse (tant même, que les herbivores ne craignent pas de s'attaquer aux carnivores) ;
2° chapitre X : après l'exposé par Monsieur Ming, au chapitre IX, de ses intentions (et la justification du combat qui l'oppose à Bob Morane élargi métaphysiquement au principe du "Bien" et du "Mal" entre "Ormuzd" et "Ahriman" (*) ... incomparablement plus convaincante que ce "sel", ce "piment" qui, pour Monsieur Ming, tels des "drogues", en seraient l'excitant), la course HALLUCINEE, pour la SURVIE, de Bob Morane et de Lynn
Aldiss, poursuivis par l'essaim en furie des mortels insectes (si magnifiquement reproduite par le dessinateur Paul Joubert - ah, ce rouge sang du ciel soulignant le mauve-violet, "couleur de sang séché", des papillons - sur la page de couverture de l'édition originale de 1968) qu'a été si inexplicablement incapable de reproduire
William Vance en la couverture absolument antinomique de la réédition de 1973 !!!)
(*) "Toujours, nous sommes repartis dos à dos comme dans une sorte de reconstitution à l'échelle humaine du combat que, depuis que
L Univers est Univers, se livrent les deux grands principes du Bien et du Mal personnifiés par Orzmud et Ahriman..." ("Les papillons de l'Ombre jaune" - p. 104)
3° chapitre XII : la lutte, également pour la vie, entre Bob Morane et Bill Ballantine, ce dernier, frappé d'Amok ...
Une fois de plus, comme MALHEUREUSEMENT si souvent dans les romans de la saga, on regrette l'échec d'un plan aussi génialement démoniaque (en ce monde, c'est, hélas, bien plus souvent le Mal qui triomphe, le Bien n'étant promis qu'au-delà de la Mort) !!! Échec si total que ces papillons mortels ne reparaîtront plus par la suite ... à la différence des "invincibles" dacoïts (dont les cadavres ne se comptent plus), des robots et autres armes de haute technologie ...
Un REGRET : "Les papillons de l'Ombre jaune" n'ont, jusqu'à présent, toujours pas été adapté en bandes dessinées ... par un dessinateur capable d'une poétique des couleurs qui se hausserait au niveau de la qualité de Paul Joubert !!!