Elle parle avec un fort accent, mais, quelquefois, elle le perd complètement pendant une phrase ou deux. Son vocabulaire est émaillé d’expressions populaires mais cela ne l’empêche pas d’utiliser des tournures recherchées. Tantôt on l’imagine en train de vendre du poisson dans un marché de Marseille, tantôt on la voit très bien suivre d’un regard blasé les courses dans les tribunes d’Auteuil. Je la dévisage longuement pour tenter de deviner qui elle est en réalité et je finis par être persuadée qu’il s’agit d’une comédienne jouant mal un rôle de fille vulgaire.
Dès que je suis allongée, j’ai l’impression que des ombres s’assemblent autour de mon lit : il y a celles du présent qui veulent me forcer à expliquer ma vie alors que j’en suis incapable, et celles du passé que je ne reconnais pas mais qui m’attirent irrésistiblement.
Je ne veux pas accepter, en effet, une version des faits qui bouleverse ma manière de penser. Je préfère encore faire face à une obscurité de la vie quotidienne qu’à un mystère touchant à l’essence même de l’existence.
On ne peut pas se rappeler tous les gens que l’on a rencontrés.
Je ne crois pas au dédoublement de la personnalité ; le cas du docteur Jekyll et Mr. Hide ne peut pas se produire, ce n’est qu’un sujet de roman.