Pour la petite histoire, pour commencer, sur la route d'Orléans, de grands panneaux évoquant Nohant et
George Sand attirent l'oeil de la vacancière que je suis quand je passe par là.
Le but de mon voyage étant fixé, je n'ai pas dérogé à ma route cette année là.
Mais, l'année d'après, sûre de rien au départ, mon caractère primesautier a pris le dessus dès que j'ai vu ce fameux panneau tentateur et j'ai décidé de façon impulsive de faire le détour.
Sillonnant les routes du Berry, traversant des bois à la lisière desquels j'ai aperçu un cerf ou un chevreuil (bon, je l'ai vu au dernier moment hein, et je ne me souviens plus s'il avait une parure boisé ou pas), j'étais déjà sous le charme de la région !
Arrivée à Nohant, je tombais amoureuse de ce petit village aux couleurs ocres qui abrite le château de
George Sand.
Intégrée dans la visite du domaine de la romancière, je suivis une guide passionnée et passionnante, comme c'est toujours le cas chez les guides je pense, qui nous fit le portrait très intéressant d'une femme libre... je vous vois venir, vous allez penser que c'est là que je vais glisser "primesautière" * et bien non, je le garde pour plus tard...
Car, il y a un après.
Voyant que cette escapade en terre berrichonne m'avait bien plu, le Père Noël, qui, comme chacun sait, sait tout, m'apporta sous le sapin, cette année là le passionnant roman graphique de
Séverine Vidal illustré par
Kim Consigny. Roman dont je vais vous parler car on n'est pas là pour raconter ses vacances non plus ;)
Le roman commence par l'arrivée en calèche à Nohant d'Aurore avec ses parents Sophie et Maurice et son petit frère, très malade.
La vie commence durement pour la petite Aurore Dupin, baronne Dudevant, qui prendra le nom de plume de
George Sand. Elle perd son frère encore bébé et son père brutalement peu après. Elevée à Nohant par une grand-mère aimante mais sévère "Je trouvais ma grand-mère plus sévère et plus effrayante dans sa douceur que ma mère dans ses emportements."
Issue de l'aristocratie par son père et fille du peuple du côté de sa mère, fille d'un oiseleur, l'enfance d'Aurore est rendue difficile par sa grand-mère très possessive et qui voit en elle le fils qu'elle a perdu. La grand-mère pense que sa belle-fille Sophie est incapable d'élever sa fille et l'éloigne d'elle Elle propose une éducation "convenable" que sa mère n'est pas en capacité de lui offrir. Sophie repart à Paris, Aurore prendra cela comme un abandon.
Dans cette BD très dense, 334 pages la composent, illustrée de petites vignettes, avec beaucoup de texte, c'est toute la biographie de
George Sand qui nous est présentée.
Certes, c'est foisonnant, peut-être un peu trop parfois, mais la vie de
George Sand est si riche et si remplie qu'il aurait été dommage de la résumer.
Séverine Vidal a dû faire un gros travail de recherches pour nous donner autant de détails de l'enfance d'Aurore jusqu'à sa mort.
Quant aux illustrations, j'ai tout à fait reconnu tout ce que j 'avais vu lors de ma visite, tout est retranscrit par le dessin. Chaque pièce, chaque coin du jardin sont représentés.
Kim Consigny a fait un fidèle portrait du château, je suis admirative !
Petite fille résiliente, Aurore s'est forgée une personnalité hors du commun. Très jeune, elle écrit, des lettres surtout à sa mère et elle dessine. Elle observe la nature, sa passion pour les plantes et son jardin l'influencera toute sa vie. Elle se consacre aussi à tout ce qui est artistique, peinture, musique... Et surtout, elle est dotée d'une imagination qui va la sauver des drames de son enfance et de l'éloignement de sa mère.
Plus tard, mariée à Casimir Dudevant, elle deviendra baronne. Casimir est un goujat et à l'époque où les femmes étaient la propriété de leur mari, elle se sépare de lui. Cette séparation marque le début de son émancipation et de son épanouissement. Elle obtient la garde de ses enfants, Maurice et Solange, elle gère Nohant , elle écrit beaucoup et elle vit de sa plume. Elle s'assume totalement, cette indépendance lui vaut beaucoup d'amis mais aussi pas mal de critiques.
Le roman graphique est jalonné d'extraits de ses écrits et de ses lettres dont s'est inspirée
Séverine Vidal.
George Sand est connue pour sa vie amoureuse, ses passions. Ses amis et ses amants ont influencé son écriture autant que sa vie.
A Nohant ou à Palaiseau, elle reçoit Liszt,Chopin,
Marie d'Agout,
Balzac,
Flaubert, Delacroix,Chapu. Elle a beaucoup correspondu avec
Victor Hugo.
Ce que l'on sait moins, c'est sa passion pour les sciences naturelles. Elle s'entoure de grands scientifiques, médecins, botanistes, géologistes...
Amoureuse de la nature, elle défend la forêt de Fontainebleau, elle écrit "Tout le monde a le droit à la beauté et à la poésie de nos forêts, de celle-là particulièrement, qui est une des plus belles chose au monde." Mais cette forêt est menacée de destruction pour la remplacer par des pins plus rentables. Dans un manifeste écologique elle écrit "Si on n'y prend garde, l'arbre disparaîtra et la fin de la planète viendra par dessèchement, sans cataclysme nécessaire, par la faute de l'homme."
Pour la romancière, "les arbres, beaux et majestueux jusque dans leur décrépitude, appartiennent à nos descendants comme ils ont appartenu à nos ancêtres."
A 72 ans, en 1876,
George Sand s'éteint en prononçant "Verdure...laissez verdure..." demandant ainsi qu'on laisse la nature reprendre ses droits sur sa tombe.
Je crois que c'est ce qui m'a le plus émue dans l'histoire de cette femme incroyable, cet amour de la nature, déjà elle se préoccupait d'écologie.
C'est avec passion aussi qu'elle a lutté pour ses droits et pour les droits des femmes alors que l'époque ne leur reconnaissait aucun droit civique.
Elle s'est battue pour le peuple. Elle se réjouit de la chute du roi Louis Philippe et de la fin de la monarchie de juillet en 1948 et affiche son engagement politique socialiste. Elle participe aux nouveaux journaux républicains.
Engagée politiquement et socialement,
George Sand est une femme à la fois touchante et libre, primesautière, battante, se moquant du qu'en-dira-t-on, en total décalage avec le 19ème siècle, cela en fait une femme étonnante qui casse les codes de l'époque.
Elle nous laisse de nombreux romans, des critiques littéraires, des textes politiques, des nouvelles, des contes, des pièces de théâtre, des correspondances avec ses amis dont une avec
Flaubert à qui je laisse le dernier mot. Phrase en réponse à une remarque de
George Sand :
" Je ne suis pas du tout surpris que vous ne compreniez rien à mes angoisses littéraires ! Je n'y comprends rien moi-même. Mais elles existent pourtant et violentes. Je ne sais plus comment il faut s'y prendre pour écrire, et j'arrive à exprimer la centième partie de mes idées, après des tâtonnements infinis. Pas primesautier, votre ami, non ! pas du tout !"
* Pour les non prévenus, voir le compte d'Anna alias Annacan dans la rubrique Anonyme ;)