Citations sur Article 353 du code pénal (291)
Pourtant nous étions rodés, nous, les habitants, habitués à voir débarquer de temps à autre un hurluberlu qui nous prenait de haut, expliquant qu’on ne savait pas s’y prendre avec notre paysage, nos kilomètres de côtes sans un hôtel-restaurant ni un parking digne de ce nom, sans une résidence un peu luxueuse pour profiter de la vue, avec cette lumière si belle qui traverses la roche en fin d’après-midi, le calme des fougères qui ont l’air d’absorber toute la douleur du vent - bien-sûr, moi aussi je peux vous vanter les lieux, moi qui les aime plus que tous les margoulins de la terre.
A lui, vous n'auriez pas enlevé les menottes. Il vous aurait déjà sauté au cou trois fois pour vous étrangler - comme quoi on n'est pas toujours les mêmes, les pères et les fils, et si j'ai bien compris quelque chose dans cette histoire, c'est bien qu'il y a un moment vos enfants, ils ne sont pas le prolongement de vous. Mais combien d'années il faut pour se rendre compte de ça, oh pas tant pour nous, mais eux, combien d'années il leur faut pour un jour comprendre qu'ils ne sont pas le bras armé de nos rêves et de tout ce que nous n'avons pas fait dans la vie, oui, qu'ils ne sont pas là pour rattraper nos conneries?
Erwan a demandé :
Et qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
Qu'est-ce que tu veux que je fasse, j'ai dit. Ce genre de type, c'est comme la pluie, y a rien d'autre à faire que d'attendre que ça cesse.
Mais, vous croyez quoi, j'ai dit au juge, qu'un gosse de dix-sept ans, peut supporter ça sans broncher ?
Et maintenant je dis : si on pouvait seulement entrevoir le démon dans le coeur des gens, si on pouvait voir ça au lieu d'une peau bien lisse et souriante, cela se saurait, c'est-ce pas ?
Et quel cerveau, j’ai demandé au juge, quel cerveau il nous faut, à nous autres les gens normaux, pour admettre qu’il existe sur terre une catégorie de personnes comme ça, dépourvues de cette chose que vous et moi, j’ai dit au juge, je suis sûr qu’on partage, quelque chose qui normalement nous empêche ou nous menace, quelque chose – une conscience peut-être, et qui naît assez vite pourvu qu’on ait dans la tête ce miroir mal fixé qui fait que même Adam s’est couvert d’une feuille de vigne, quelque chose qui nous entrave, oui, mais peut-être aussi, nous honore.
Est-ce que le silence c’est comme l’obscurité? Un trop bon climat pour les champignons et les mauvaises pensées? Maintenant c’est sûr, je dirai volontiers ça, que les vraies plantes et les fleurs, elles s’épanouissent en plein jour, et qu’il faut parler, oui, il faut parler et faire de la lumière partout, oui, dans toutes les enfances, il ne faut pas laisser la nuit ni l’inquiétude gagner (p.92).
C'est une drôle d'affaire la pensée n'est-ce pas ? ce n'est pas qu'il y ait long en distance du cerveau vers les lèvres mais quelquefois quand même ça peut vous paraître des kilomètres, que le trajet pour une phrase, ce serait comme traverser un territoire en guerre avec un sac de caillou sur l'épaule, au point qu'à un moment la pensée pourtant ferme et solide et ruminée cent fois, elle préfère se retrancher comme derrière des sacs de sable.
Alors vous comprendrez qu'on ne peut pas toujours attendre des siècles je ne sais quelle justice naturelle qui ne tombera peut-être jamais.
Voilà. C'est peut-être ça, la principale chose que j'ai appris ces 10 dernières années: on finit toujours par aimer qui nous aime.
Maintenant je demande : est-ce que le silence, c'est comme l'obscurité ? Un trop bon climat pour les champignons et les mauvaises pensées ?