C'est en lisant "
No et moi" que j'ai découvert et apprécié l'écriture de Delphine de Vigan. Puis je suis restée des années sans lire cette écrivaine, sans raison... jusqu'à ce que le titre et la couverture de ce roman m'attirent.
Dans "
Les Gratitudes", l'auteure aborde les thèmes de la vieillesse, de l'autonomie qui se réduit progressivement et de la dépendance qui en découle. Elle y évoque en effet le temps qui passe et balaie tout sur son passage, emportant des parties de nous, notre liberté... Elle y dépose la profondeur de la perte : perte des mots, perte d'amour, perte de contact (notamment charnel),...
Mais c'est aussi un livre sur la puissance des regrets et des non-dits, sur l'impérieuse nécessité de dire "merci" avant qu'il ne soit trop tard, dans lequel
Delphine de Vigan nous interroge : "A-t-on su dire à quelqu'un qui nous est cher à quel point on l'aime et combien on le remercie?"
Le titre et le résumé de l'éditeur sont d'ailleurs explicites :
« Vous êtes-vous déjà demandé combien de fois dans votre vie vous aviez réellement dit merci ? Un vrai merci. L'expression de votre gratitude, de votre reconnaissance, de votre dette. À qui ? On croit toujours qu'on a le temps de dire les choses, et puis soudain c'est trop tard. »
Michèle, dite Michka, est en train de perdre peu à peu l'usage de la parole. Autour d'elle, deux personnes se retrouvent : Marie, une jeune femme dont elle est très proche, et Jérôme, l'orthophoniste chargé de la suivre.
Ce roman bouleversant, d'une sensibilité à fleur de mots, est essentiellement construit autour des dialogues entre Michka et ses deux visiteurs, entrecoupés par les rêves ou cauchemars de Michka.
Je me suis terriblement attachée à ces trois personnages, même si je trouve qu'il manque un peu de relief au personnage de Marie.
Et j'ai été particulièrement touchée par l'humanité qui se dégage de Jérôme, et de la relation particulière qui va naître entre lui et Michka, teintée de partage, de respect, de tendresse et de gratitude
J'ai adoré ce livre court (lu en une journée), qui est magnifique de bienveillance et de délicatesse, avec des pointes pétillantes d'humour.
J'ai juste un tout petit bémol à exprimer pour la fin.
L'écriture de Delphine de Vigan, toute en retenue, sans fioritures, transcende ces thèmes et nous emporte d'un bout à l'autre de l'histoire sans que l'on s'en rende compte. Je soulignerais l'extrême justesse de ce récit qui, je pense, ne laissera personne indifférent, et l'infinie empathie qui s'en dégage...