Les éditions Alma ont proposé pour la rentrée littéraire 2017 un roman d'un auteur qui a déjà écrit plusieurs fois pour eux :
Thomas Vinau, avec
le Camp des autres.
Le Camp des autres narre les errements de Gaspard, enfant fuyard à travers la forêt. Il rencontre bon gré mal gré différents protagonistes qui l'embringuent toujours plus loin. La peur, la solitude et la survie sont les trois orientations majeures qui guident ses faits et gestes. Ce sont ces rencontres qui forgent sa situation et, clairement, il n'a pas la meilleure vie qui soit, ce petit. À commencer par le duo cocasse qu'il forme avec Jean-le-blanc, que le récit tente de rendre mystérieux par ses activités, mais qui semble être tout simplement un braconnier solitaire cherchant à vivre en marge. Chaque rencontre en amène une autre, plus angoissante que la précédente, en tout cas pour le petit Gaspard.
Pour tout dire, ce n'est pas tellement le sujet qui peut faire tomber ce roman des mains du lecteur, mais le style utilisé lourd, redondant, assez pompeux, sans ponctuation de dialogue, finalement pataud. C'est agaçant déjà cette liste d'adjectifs qui ne se complètent qu'avec peine, hein ? Eh bien, imaginons environ quatre-vingts chapitres d'une page où se juxtaposeraient (dans la plupart d'entre eux) des listes d'expressions de cette nature et où l'intérêt de chaque chapitre est, semble-t-il, de jouer avec force de l'anaphore multirécidiviste. Il est compliqué d'apprécier ce type de style si on ne rentre pas tout de suite dans l'idée que se fait l'auteur de son récit. de toute façon, le lecteur doit déjà se méfier quand la quatrième de couverture promet un roman « puissant, urgent, minéral ». Minéral ? Il y a de quoi se questionner sur l'aspect minéral de ce texte. Est-ce un récit froid, rigide, immobile ? Tout au contraire, il y a de quoi le trouver très organique ce texte, mais malheureusement pas forcément dans le bon sens du terme. Il tente de s'appuyer sur quantité de détails animaliers et végétaux qui composent le décor de la fuite en avant du petit héros ; bien sûr, cela se fonde le plus souvent sur une liste d'animaux de la forêt ou bien une suite de plantes forestières. Par contre, le vocabulaire est choisi et touffu (sans jeu de mots), mais qu'il soit juxtaposé ainsi est sidérant. Il suffit de prendre un chapitre en exemple pour comprendre ce qui peut être particulièrement gênant à la lecture.
Pour autant, le fonds historique vanté par le synopsis est méconnu et intéressant.
le Camp des autres tente de construire un récit autour de l'histoire de la Caravane à Pépère, cette bande organisée qui organisa vols et braquages pendant les années 1906 et 1907 à travers la France. Elle ne se fait arrêter qu'en Charente-Maritime (La Tremblade, pour ceux qui connaissent) par les brigades mobiles, prémisses des fameuses Brigades du Tigre de
Georges Clémenceau. Certes, celui-ci comme d'autres personnages (Capello notamment) sont bien présents et identifiables, même si c'est surtout dans la deuxième partie de ce court roman, mais de là à y voir un récit « urgent », qui utiliserait efficacement cet épisode historique pour questionner notre monde actuel, il y a de quoi fortement douter, car la lecture en est bien floue.
Bref, autant ne pas épiloguer trop longtemps,
le Camp des autres m'a davantage exaspéré que passionné, alors même que l'épisode historique choisi pose des questions intéressantes. L'excès de minéraux est dangereux pour la santé.