De Watteau à Fragonard. Les fêtes galantes

Le Musée Jacquemard-André accompagne les prémices du printemps, qui échauffent un peu Paris de quelques rais de soleil, par une exposition de circonstance, entièrement consacrée aux fêtes galantes, dont le style pictural fut créé par Watteau vers 1710, et dont Boucher et Fragonard parachevèrent le genre à la fin du XVIIIe siècle.

Si l'inspiration du maître vient des scènes pastorales vénitiennes et flamandes, le ton des toiles est plus badin, et accompagne bien l'insouciance du règne de Louis XV et de la Cour. Les fêtes galantes sont l'occasion de langueurs amoureuses, où coquins et coquines s'adonnent à la séduction, que l'on voit, dans La Proposition embarrassante (Watteau, vers 1715 – 1720), où l'on remarquera l'avancée du genou du gentilhomme sur la droite, ou la promiscuité de dames et de messieurs dans Les Plaisirs du bain (Lancret, avant 1725).

On s'adonne aux jeux de l'amour, ce qui n'est pas sans risque d'être démasqué, avec le Rendez-vous à la fontaine ou L'Alarme (de Troy, vers 1727), ou de la rivalité entre belles à la gorge presque offerte dans le Repas au retour de la chasse (Lancret, avant 1725), mais le plus important demeure la fête, avec cette sublime Fête galante avec la Camargo dansant avec un partenaire (Lancret, vers 1727 – 1728), ou, plus tard, avec un nouveau jeu propice aux attouchements, avec le Jeu du colin-maillard (Hallé, années 1770).

Il ne faut pas si tromper, le nouveau genre initié par Watteau est difficilement classable et ses contemporains en font un peintre d'histoire, parce qu'il évoque des fêtes à Cythère, ou parce qu'on y voit des réminiscences de l'amour courtois ; mais justement, si c'est à ce code amoureux qu'on se réfère, ne faisons jamais l'erreur de penser qu'il fut jamais prude (Les Amants, Joël Schmidt, Albin Michel, cf rubrique Livres).

L'exposition du Musée Jacquemard-André est donc une réussite, car dans son espace aux murs pastels, donnant aux toiles et dessins l'éclat qui leur sied, se trouvent réunis des chefs-d'oeuvre dont La Fête à Saint-Cloud (Fragonard, vers 1775 – 1780), prêtée par la Banque de France, qui donne, dans l'élan des grandes eaux dessinées par le Nôtre, le jaillissement final de ce parcours galant.

Paru dans Blake n°63