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4

sur 276 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'ai commencé cette lecture avec un a priori négatif. Il faut dire qu'on me l'avait vendue comme une utopie féministe qui tire pas mal vers l'essentialisme. On m'avait aussi dit que c'est long et lent et qu'il ne se passe pas grand-chose – sachant que le livre est un pavé de 600 pages, je m'attendais au pire.

Alors c'est effectivement long et lent, et le rythme est alourdi par certains choix narratifs que j'ai trouvés discutables : certaines scènes cruciales se déroulent en ellipse tandis qu'on s'étend longuement sur d'autres plus anecdotiques. Ces choix apparaissent comme voulus et délibérés de la part de l'autrice, bien que j'aie parfois du mal à comprendre ce qui les motive. Aussi, l'on est beaucoup plus dans l'introspection que dans l'action, ce que j'aime bien personnellement, mais qui pourrait totalement rebuter d'autres lecteur·ices.

Par contre, le worldbuilding est riche et vraiment plus nuancé que ce à quoi je m'attendais. Contexte : une catastrophe mondiale a rendu l'humanité presque infertile et a fortement déséquilibré le ratio filles/garçons des naissances. Plusieurs régimes politiques se sont succédé jusqu'à arriver à celui du roman, le Pays des Mères. Ce système, à bien des égards plus équilibré et apaisé que ceux qui l'ont précédé (y compris le nôtre), est toutefois rigide sur bien des aspects, à commencer par celui de la reproduction; mais a contrario, les personnes infertiles ou ménopausées peuvent mener une vie plutôt libre. Plusieurs tendances politiques animent le Pays des Mères, certaines très conservatrices, d'autres plus libérales : il en résulte un grand dynamisme politique, très intéressant à suivre.

À mon sens, classer ce roman dans les utopies ou dans les dystopies n'a pas vraiment de sens. On présente ici une société au fonctionnement radicalement différent du nôtre, attrayante par certains côtés et dysfonctionnelle sur d'autres (ça tombe bien, c'est exactement ce que j'aime en science-fiction).

L'histoire se concentre sur le personnage de Lisbeï, que l'on destine tout d'abord à devenir la Mère de sa communauté, jusqu'au jour où l'on constate son infertilité. Libérée de son devoir, elle entame des études dans une ville étrangère et fait une découverte archéologique qui pourrait remettre en cause certains dogmes du Pays des Mères. Il est très rare que je m'attache au personnage principal d'un roman, en particulier dans un contexte de coming of age, mais ici, j'ai beaucoup aimé son évolution tout en nuances.

La narration a la particularité d'utiliser le féminin générique : la forme féminine prédomine dans les accords grammaticaux, et de nombreux termes se sont féminisés avec le temps. Trente ans après la première parution du roman au Québec, le débat est beaucoup plus présent sur la scène publique, mais la lecture n'en reste pas moins déstabilisante (bien plus que je ne l'aurais cru, alors que j'ai pourtant étudié longtemps le sujet). Les nuances linguistiques diffèrent d'ailleurs d'une région à l'autre, comme le constate Lisbeï, ce qui donne lieu à un débat sur les incongruités de certaines évolutions de la langue. Bref, c'est un choix très judicieux qui ajoute encore de la richesse à un worldbuilding déjà solide.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce roman extrêmement riche thématiquement. C'est incontestablement un classique de la science-fiction québécoise et je n'exclue pas de le relire un jour malgré ses défauts et longueurs. D'ici là, j'ai bien l'intention d'aller lire d'autres romans d'Élisabeth Vonarburg.
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En Résumé : J'ai passé un très bon moment de lecture avec ce livre qui nous fait découvrir le destin Lisbeï dans un monde futuriste Post-Apocalyptique. On plonge dans un récit plutôt lent, humain, initiatique qui nous fait suivre la vie et l'évolution de l'héroïne. La construction est rapidement captivante que ce soit dans son travail complexe, mais aussi à travers une plume sensible, soignée, riche et envoutante. Je me suis rapidement retrouvé captivé par la vie de Lisbeï et les changements qu'elle va connaitre. L'univers ne manque pas non plus de se révéler travaillé et fascinant à découvrir que ce soit dans sa vision politique, sociale, mais aussi humaine, offrant quelque-chose qui ne laisse pas indifférent. Je regretterai par contre un côté religion un peu convenu. le gros point fort du récit vient clairement des réflexions qu'il propose. Ainsi que ce soit sur la position de la femme, les relations humaines, la construction politique, l'Histoire, la notion de vérité et bien d'autres encore, on brasse de nombreuses thématiques de façon intelligente et terriblement efficace. C'est le genre de roman qui, je trouve, ne laisse pas indifférent et fait réfléchir le tout porté par des protagonistes soignées, complexes, attachantes et humaines. Je regretterai tout de même une ou deux grosses facilités ainsi qu'un aspect naïf de certains qui m'a paru un peu simpliste. J'ai aussi senti quelques longueurs dans le dernier tiers du livre. Enfin j'ai trouvé que l'élément final de surprises était un peu trop facilement devinable, même si là, vu que ce n'est nullement le point central du récit, ce n'est pas trop gênant. Au final j'ai passé un très bon moment avec ce livre et je lirai sans soucis d'autres écrit d'Elisabeth Vonarburg .


Retrouvez la chronique complète sur le blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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On suit la vie de Lisbeï à travers un double mécanisme : sa correspondance écrite avec Tula, et le récit à la troisième personne dans laquelle elle s'intercale. Cela fonctionne comme des zoom sur des moments de sa vie, parfois relatés au présent comme pour accentuer l'aspect « journalistique » de la chronique.
La plume s'adapte à l'âge de Lisbeï. Très simple, pleine de questions enfantines au début, elle se complexifie ensuite, fusionnant correspondance et récit pour illustrer la pensée adulte de Lisbeï.


Ce roman est surtout un texte de réflexion. Peu voire pas d'action, émotions limitées, regard analytique, interrogateur.
Le roman interroge le passé, le rôle et l'importance de l'Histoire, de la mémoire, et la manière avec laquelle on peut manipuler celles-ci pour construire le présent.


Le roman opère de plus un renversement avec une société matriarcale; le langage, outil et reflet de l'organisation d'une société, se féminise aussi.
Ce renversement sociétal n'est ni misandre ni féministe. Il pose surtout les jalons d'une réflexion sur les relations entre les genres, étudie la manière dont elles se construisent. Dont elles sont le reflet d'une Histoire et d'une mémoire; une construction. Elisabeth Vonarburg nous amène à nous pencher, par le biais de ce reflet négatif de notre monde, sur nos propres constructions. Et c'est brillamment fait.


Je vais poursuivre cette année avec le silence de la cité, qui se déroule avant ce roman, juste après le Déclin. Vraiment hâte de voir comment les deux textes fonctionnent ensemble.
Lien : https://zoeprendlaplume.fr/e..
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Avant de me lancer dans Chroniques du pays des mères, ce titre avait pour moi l'aura d'un classique, et pourtant, j'ai eu la surprise de découvrir qu'il ne datait que du début des années 90. Ce ne fut pas pour moi une lecture simple, l'autrice ayant des tics narratifs des dits titres "classiques", mais cette lecture exigeante fut vraiment gratifiante aussi et m'a fait forte impression.

Elizabeth Vonarburg est l'une des figures les plus marquantes de la science-fiction, avec une reconnaissance aussi bien en France que dans les pays anglo-saxon. En France, nous la connaissons notamment pour sa saga Tyranaël qui est ressortie cette année en deux briques chez Les moutons électriques (Fiche), mais elle a également reçu de nombreux prix comme le prix spécial Philip K. Dick, le Grand Prix québécois de la SF, le Prix Aurora et ou le Prix Boréal pour le titre dont que je vais vous parler.

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Chroniques du pays des mères est un roman singulier de près de 500 pages en grand format mais qui semble bien plus long à la lecture. le tempo et la narration fort lents freinent la lecture dans un premier temps, et même par la suite, il faut déblayer au milieu des nombreuses infos pour faire ressortir les traits saillants de l'oeuvre mais quand on y parvient, c'est vraiment jouissif. En effet, récit d'anticipation post-apocalyptique, nous suivons une société future mélangeant religion et science sur une Terre où les mauvais choix de l'humanité a ravagé celle-ci, conduisant à des changements politiques violents avec un système patriarcal oppressif : les Harems, remplacés ensuite par une dictature matriarcale appelé les Ruches, pour arriver de nos jours au Pays des Mères, un système politique désormais apaisé mais complexe. Dans cette nouvelle société, nous sommes confrontés à une société de femmes où peu d'hommes naissent encore, mais où chacun hommes et femmes sont réduits à leur fonction ou absence de fonction reproductrice.

C'est dans ce monde qu'est née la jeune et curieuse Lisbeïs qui vit dans une sorte de gynécée où elle apprend ce qu'elle doit apprendre pour devenir la Chef de son secteur du monde connu, à la suite de sa propre mère. Dans ce monde où tout est féminisé, jusqu'à la langue et les fonctions, nous nous interrogerons au fil de la vie de Lisbeïs sur de nombreux thèmes et topos régissant cette société : évolution du féminisme, construction/instrumentalisation d'une religion, archéologie/oeuvre d'historienne, féminisation de la langue (instrumentalisation ?), amours au pluriel, genre, sexualité, maternité, etc. L'univers se dévoile au fur et à mesure, prenant de plus en plus d'ampleur au fur et à mesure que l'héroïne grandit et s'ouvre au monde, et lorsque tout s'arrête j'ai ressenti une petite frustration de ne pas continuer dans cet univers pour en apprendre plus car nous n'en avons découvert qu'un pan, celui des Mères, et il reste encore toutes Mauterres à explorer.

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Le roman est construit en cinq parties inégales correspondant à cinq moments clés de la vie de Lisbeïs sur lesquels il serait intéressant de revenir.

La première partie qui est la première approche de l'univers fut assez étrange. On pénètre l'univers par un tout petit but de la lorgnette. Mystère assuré, ce qui m'a rappelé les débuts du manga A journey beyond heaven et sa partie "Jardin" où comme ici nous suivons des héros dans un univers en huis clos. Ici nous pénétrons dans l'univers d'une sorte de gynécée, même s'il y a aussi quelques rares garçons à l'intérieur, endroit où grandissent les enfants en attendant une maladie à laquelle ils survivront ou non. C'est un univers quasi exclusivement féminin, coupé du monde, où la rencontre avec 2 soeurs très fusionnelles est d'autant plus surprenant qu'elles sortent du lot. Elles semblent promises à quelque chose d'extraordinaire surtout Lisbeï dont on lit les écrits en parallèle. Nous les voyons grandir tandis qu'on les prépare à leurs rôles en tant que femmes, l'une promise à être la Chef de cette enclave, mais pour cela il faut être fertile, ce qu'elle ne sera pas. C'est à travers elles qu'on découvre peu à peu les ressorts de ce drôle d'univers matriarcal, en même temps que les héroïnes qui découvre comme cela va fonctionner pour elle jusqu'au plus profond de leur chair.

Dans la deuxième partie, nous suivons désormais des héroïnes en passe de devenir adolescentes. Lisbeïs sachant qu'elle ne peut plus remplir le rôle qu'on lui a attribué de tout temps, elle est désormais libre d'essayer de percer les mystères de son monde et en particulier de sa religion à la figure christique féminine emblématique : Garde. L'héroïne fait ainsi oeuvre d'historienne, elle croise les sources, fait des fouilles, et parvient ainsi à une découverte majeure qui va remettre en question l'ordre et les croyances de la société dans laquelle elle vit. C'est sur cette base que reposera toute la suite du récit.

En effet, dans la troisième partie, nous sortons encore un peu plus de ce huis clos avec une Lisbeï partie vers d'autres horizons après le scandale et le bouleversement de sa grande découverte. Nous la découvrons dans un environnement plus ouvert où elle lie connaissance avec d'autres femmes, et hommes, autour des recherches qu'elle continue de faire à sa façon. L'autrice développe son oeuvre, sort du petit carcan familial d'avant et ajoute beaucoup de mystère autour de cette figure christique, de l'origine du Pays des Mères et des Terres inconnues de par le monde. Elle développe aussi les relations de ses personnages, mais même si c'est passionnant car cela repose sur une société très différente de la nôtre, c'est trop souvent tout à mots couverts alors ce n'est pas simple à suivre. J'aurais préféré plus de simplicité.

Dans la quatrième et avant-dernière partie, Lisbeï a désormais tout un groupe d'amis autour d'elle avec qui elle interagit, qui l'acceptent et avec qui elle continue ses recherches sur le passé de leur société, leur religion, mais aussi les terres inconnues de leur monde. L'autrice nous interroge beaucoup sur l'amour, l'amitié, les relations femme-femme, homme-homme, homme-femme, l'envie ou non d'aimer, la présence ou l'absence du désir, la notion de consentement, la perception de certaines "obligations" biologiques. C'est très dense mais ce fut une partie vraiment passionnante à lire et probablement ma préférée du titre, n'y trouvant plus trop les longueurs du début. J'ai beaucoup aimé les interactions de Lisbeï avec les jumeaux, mais aussi avec la vieille et mystérieuse Kélys ou encore le jeune Dougall.

Enfin, le titre se conclut par une cinquième partie bien rapide, où sous forme de conclusion, tout, ou une partie du tout du moins, se décante. Je préfère ne pas m'étaler dessus pour vous garder la surprise mais sachez que j'ai eu un petit sentiment de "tout ça pour ça", puisque je n'ai pas perçu de changements majeurs ou alors juste infimes malgré toutes les promesses. C'était un peu triste et j'ai ressenti une pointe de désillusion et de trop peu.

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Chroniques du pays des mères fut dont une lecture dense, pas facile, exigeante mais qui brassa beaucoup de concepts qui me donnèrent envie de réfléchir. Toutes les questions étaient pertinentes et faisaient écho encore de nos jours avec notre société, son passé et ses dérives possibles. J'ai aimé suivre les interrogations de l'héroïne sur comment une religion se construit et comment on peut l'utiliser ou la dévoyer. J'ai été frappée par le développement sur le désir vs le sentiment d'obligation d'être mère / avoir des enfants. La peur de la maladie et de la mutation est au coeur de nos préoccupations actuelles également. Et la conception d'enfants d'un point de vue général est traité de façon marquante que ce soit avec les questions sur les gènes récessifs, l'androgénèse, la consanguinité, la dégénérescence ou le besoin de repeupler la Terre à tout prix, etc. L'autrice évoque aussi la place des hommes et des femmes réduits à leur sexe de naissance, dans une société n'écoutant pas les vrais besoins, envies et désirs de ses membres. Elle confronte ceci à des schémas forts intéressants et plein de réflexion sur la notion d'amour : seul, à deux, à plusieurs, ou encore sur la notion de couple  et de famille au sens large. Ce récit fut vraiment porteur de plein de thèmes qui m'ont laissée songeuse.

Vraiment construit comme un assemblage de chroniques sur un endroit et une période donnée, suivant une figure qui va bouleverser cet univers tout en nous en faisant découvrir l'étrange richesse, Chroniques du pays des mères ne doit pas vous impressionner et vous bloquer par sa forme, laissez-vous bercer et porter, vous aurez une belle récompense à la fin.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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Chroniques du Pays des Mères est un roman de science-fiction se déroulant environ un millénaire après notre société actuelle qui semble avoir "déclinée" dans les années 2120. Les hommes sont devenus rares, la reproduction est contrôlée dans les Lignées afin d'éviter les malformations, un nouveau mode de vie est né avec une hiérarchisation différente, de nouvelles croyances, cultures, langues, de nouveaux langages.

Le roman s'étire sur toute la vie de Lisbeï, personnage central, que l'on suit à travers son carnet et qui nous offre ses pensées, ses sentiments et ses réflexions. On découvre l'ensemble de cet univers, avec un passé qui renferme tant de mystères, un présent englué dans de nombreux préjugés et un avenir qui se profile avec autant d'espoir que de craintes.

Des sujets telles la croyance divine, l'égalité ou encore l'équité sont au coeur de cette histoire. Certains sujets résonnent dans notre quotidien et créent un parallèle intéressant.

Parlons syntaxe car même ce point a été travaillé: tout est féminisé(e): une bébé, une enfante, une chevale. Pour Lisbeï, il est incompréhensible de masculiniser. le féminin l'emporte sur tout comme "ils" en "elles". J'en ai parfois perdu mon latin. Certains termes utilisés montrent une différence mais un lien entre l'ancien monde et le nouveau tels "klimt" pour kilomètre ou "Schole" qui désigne une bibliothèque.

Il s'agit d'une histoire complexe, complète, très détaillée, bien tissée qui ne se lit pas d'un seul trait. Il faut prendre le temps d'intégrer les informations car il est facile de perdre le fil. J'ai choisi de laisser certaines choses de côté car difficile à imaginer ou à concevoir. J'ai été tenu en haleine, je referme ce livre avec satisfaction mais avec le sentiment tout de même d'avoir manqué quelque chose.

Merci Babelio, merci aux éditions Folio !
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Dans le futur, l'humanité a connu le déclin. de larges territoires sont pollués et inhabitables, il naît beaucoup moins de garçons que de filles et, si cela ne mettait pas assez en péril la survie de l'être humain, une maladie incurable frappe les enfants avec une forte mortalité. Cela a amené à l'avènement d'une société matriarcale, où les hommes sont vus comme de simples reproducteurs. Nous découvrons cette société à travers le regard de l'héroïne, Lisbeï, que nous suivons de l'enfance à l'âge adulte et qui va finir par interroger son fonctionnement.

Mon avis :
J'ai trouvé que c'était un roman extrêmement riche, avec un univers vivant, dans lequel j'ai eu beaucoup de plaisir à me plonger. Ce Pays des mères est longuement détaillé, son organisation, son Histoire, avec comme prouesse de ne jamais le décrire comme un seul bloc mais comme une association de plusieurs provinces, avec chacune ses croyances, son mode de vie.

Riche dans ses thématiques aussi puisque, bien évidemment, c'est le rapport femme-homme qui est traité, toujours avec une grande finesse, sans jamais simplifier le trait ou faire preuve de manichéisme. L'écriture est délicate, il faut lire entre les lignes bien souvent.

Globalement, rien n'est servi sur un plateau dans ce roman, il faut sans cesse reconstituer le fil de l'histoire et de l'Histoire de ce monde à chaque nouvelle information apportée.

Un roman magnifique que j'ai lu de façon morcelée (car c'est tout de même un beau bébé de 784 pages), ce qui m'a parfois un peu perdue parce que je ne me souvenais plus bien de tel ou tel détail cité plus tôt. Je n'ai pas pu profiter autant que j'aurais voulu de cette lecture mais je pense qu'un jour, je m'y replongerais à un moment où je pourrais me libérer plusieurs très longues plages pour lire.
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Une lecture pas simple, frustrante par certains aspects, mais fascinante par toutes les thématiques qu'elle parvient à aborder.

Ce livre se mérite. Son rythme extrêmement lent ne cherche pas tant à développer une « aventure » qu'à interroger sur notre société à travers le portrait d'une civilisation construite sur les vestiges d'un monde post-apocalyptique, le nôtre.

Avec un fil rouge plutôt ténu et une trame qui n'avance que très lentement, le livre parvient néanmoins à maintenir l'intérêt du lecteur grâce à plusieurs véritables points forts :
- L'écriture très réussie, qui évolue d'un langage enfantin vers une tonalité plus "nostalgique" à mesure que Lisbeï grandit ;
- le travail sur le langage, et l'influence sur la société que celui-ci peut avoir. La féminisation de la langue et l'inversion du rapport entre les sexes entraînent l'homme habitué à un langage "masculo-centré" dans une expérience "exclusive" du langage comme moyen de conditionnement aussi déroutante que précieuse ;
- le worldbuilding présentant une société matriarcale riche d'une histoire séculaire, de dynamiques géopolitiques propres et de courants religieux puissants ;
- Les réflexions sur le rapport entre Histoire et religion, entre science et croyance, suite à la découverte d'un document historique majeur susceptible de remettre en cause les fragiles équilibres, notamment religieux, de la société, entraînant de passionnantes questions.

Néanmoins, le livre ne parvient pas à emporter la totale adhésion en raison de plusieurs limites assez gênantes à mes yeux :
- de très nombreuses longueurs et le sentiment de régulièrement tourner en rond autour des mêmes questionnements ;
- Des promesses pas toujours tenues, notamment en ce qui concerne l'exploration des terres « contaminées » par la catastrophe ;
- La fin bien trop expéditive pour être satisfaisante, malgré une remarquable qualité formelle.

En bref, un roman aux thématiques fortes et passionnantes pour qui fera l'effort de s'accrocher.
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Un livre particulier qui en apprend beaucoup sur le fonctionnement de nos sociétés grâce au principe de miroir. En grammaire, le féminin l'emporte. le sexe féminin est aussi majoritaire. En fait, les relations sexuelles ne doivent être qu'entre femmes, nous explique-t-on au début. La rencontre avec un mâle n'est là que pour la reproduction. L'héroïne va valser entre ces principes et ceux de fécondité et stérilité.
Au-delà de cet idylle où tout le monde ne serait égal que s'il ne vit qu'avec son sexe, Chroniques au pays des mères plonge au coeur de la religion et du passé pour comprendre comment ce monde en est arrivé là.
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J'ai cru comprendre que l'auteure était assez connue au Québec (mais moi je n'avais jamais entendu son nom) ; donc c'était aussi l'occasion de découvrir la littérature québécoise (j'ai de grosses lacunes sur le sujet).
Ce livre est une sorte de dystopie post-apocalyptique sur une Terre du futur où la proportion de garçons à la naissance est devenue très faible et donc il n'y a presque des femmes. Ce qui est intéressant au premier abord c'est que les femmes n'adulent pas les rares hommes qui naissent car ils permettent à l'espèce de perdurer. Non pas du tout. Elles les considèrent presque comme une sous-race, des êtres inférieurs, qui ont été « puni » de manière divine à cause de leur passé guerrier, féroce et injuste (les sociétés patriarcales que nous connaissons tous si bien). L'auteure a fait le choix de pousser cet aspect au point de définir que le féminin était le genre par défaut même dans la parole : par défaut tous les termes sont féminisés, quand il y a un groupe d'hommes et de femmes, les gens disent « elles », etc. Donc ce livre me paraissait intéressant sur les sujets qu'ils promettait d'aborder en renversant les rapports de force et l'organisation de la société vis-à-vis à notre réalité. Et il y a des belles pistes de réflexion dans le livre, bien que je sois un peu déçue que cela n'est pas été un peu plus approfondi (j'y reviendrai).
Sinon, que ce passe-t-il dans ce livre ? J'ai envie de répondre « pas grand-chose » même si c'est totalement faux mais je vous explique pourquoi. le livre est lent, ce qui fait que même lorsqu'il se passe des choses, comme c'est raconté avec une sorte de détachement ou de distance, le dynamisme en pâtit et le rythme est très inégal. Par exemple, j'avais parfois l'impression de lire depuis des heures et puis je regardais mon avancée… et je voyais que j'avais à peine lu 100 pages. Mé qué pasa ?
Aussi l'auteure a créé un univers riche et aime bien nous faire découvrir son monde au compte-goutte, avec sous-entendus, ce qui fait parfois je n'étais pas bien sûre d'avoir compris tout ce qui s'était passé, notamment sur certaines scènes clés, ce qui est assez frustrant !
Au niveau des personnages, on suit principalement Lisbeï, la fille d'une Mère, c'est-à-dire la dirigeante d'une communauté, qui est donc destinée à prendre sa place par la suite et notamment qui aura le droit de se reproduire avec un « mâle » (alors que les autres femmes se contentent d'un don de sperme). Pratiquement, dans cette société où la norme est d'être en couple entre femmes et où les hommes sont des ovnis, c'est plus perçu comme une contrainte qu'autre chose. Je ne vais pas spoiler l'intrigue (même si le résumé en 4ème de couverture s'en charge assez bien, en fait…) mais vous vous doutez bien que ça ne va pas être aussi simple que prévu. Il va y avoir des erreurs de parcours, ce qui va permettre au lecteur de découvrir l'univers imaginé par l'auteure et notamment tout l'aspect religieux, qui a une réelle importance dans le scénario. Lisbeï est un personnage nuancé, avec ses forces et ses faiblesses mais je ne me suis pas tellement attachée à elle (toujours ce détachement dans la plume). Certains personnages secondaires sortent aussi leur épingle du jeu. Il y a notamment l'exploratrice Kélys, une femme très mystérieuse mais très respectée et ayant une place « officieuse » importante au Pays des Mères. J'ai aussi beaucoup aimé Toller et sa soeur jumelle par exemple. A chaque fois l'auteure utilise le statut de ces personnages pour initier une réflexion sur le régime dépeint. Ce qui est dommage, c'est que bien que les piste soient bien lancées, à la fin du récit, la porte est laissée ouverte et (presque) aucune amélioration du système n'est initié. Se rendre compte du problème c'est une première étape mais agir pour améliorer les choses, c'est mieux. Et cette 2ème phase ne se concrétise pas tellement dans le livre, ce qui laisse un gout de promesses non tenues, c'est bête.
La fin , très intéressante pour une autre raison, m'a laissée totalement sur ma faim quant au sujet de l'égalité homme-femme que j'aurais bien aimé y trouver.
En conclusion, une lecture intéressante avec ses pistes de réflexions (mais ca ne restera que des pistes), entre autres sur le poids de la religion et comment elle s'article avec le mythe et la réalité, l'égalité homme/femme ou sur la notion de famille. Par contre, si vous voulez un livre haletant et page turner, passez votre chemin.
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Un roman de science-fiction très intéressant par sa narration, sa construction et son propos féministe avant-gardiste.
Dans un monde où les femmes sont plus nombreuses que les hommes depuis des années, le mode de vie a changé ainsi que le langage.
Malgré ses 700 pages, "Chronique du pays des mères" se lit facilement est avec aisance. Nous suivons Lisbeï, de son plus jeune âge jusqu'à la fin de sa vie. Nous suivons ses questionnements, ses remises en question et ses révoltes.

Un livre très intéressant que je n'oublierai pas et que je suis vraiment contente d'avoir pu découvrir.
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