La lecture de ce récit autobiographique de
Anne Wiazemsky - pourquoi est-il écrit roman sur la couverture ? - m'a laissé des sentiments partagés. Les premières pages sont assez réussies et pour le coup romanesques. La lettre d'amour qu'elle envoie à 18 ans au cinéaste
Jean-Luc Godard sera "le" sésame de son émancipation. Amour, mariage, cinéma et nouvelle vague. Tout cela raconté avec une écriture simple, fluide et assez efficace. Mais le problème, c'est que l'auteur n'est pas une quelconque midinette des années 1960. Petite fille de
François Mauriac, amie des Gallimard, actrice à 17 ans dans Au hasard Balthazar de
Robert Bresson, Anne W est donc « née coiffée » et son récit finit par un peu agacer. Bien sûr, si on aime un tant soi peu le cinéma et plus particulièrement la nouvelle vague, on peut s'intéresser à croiser dans ce livre
François Truffaut, Jacques Rivette, Jean-Pierre Léaud, Jean Villar ou encore
Jeanne Moreau, s'amuser des anecdotes de la fac de Nanterre et du groupe révolutionnaire formé de Dany Cohn Bendit, se remémorer la chape de convenances et de contraintes qui pesait sur la France et plus précisément sur les femmes avant 1968, et prendre du plaisir à entrer dans l'intimité de
Jean-Luc Godard, sa manière d'aimer, de faire du cinéma… Mais au bout du compte ? Autant le livre de
Patti Smith,
Just kids, dont elle dit s'être inspirée, racontait une histoire singulière, une émancipation personnelle, sincère et énergique qu'elle ne devait à personne, autant cette histoire nous semble plus convenue. Bien sûr, ce n'est guère de la faute d'Anne W. si elle est née dans un milieu qui lui a permis toutes les rencontres et l'ouverture de bien des portes. Elle a su saisir les opportunités pour construire sa vie et s'émanciper. Mais, un peu de distance aurait permis à son récit de trouver une autre dimension, qui sait, plus universelle. Ses problèmes, ses interrogations de «
jeune fille rangée » ont du mal aujourd'hui à nous toucher. L'auteur nous décrit la plupart du temps un monde merveilleux de gentils philosophes, d'acteurs formidables, de metteurs en scènes géniaux... Hormis sa mère dont elle fait un rude portrait, tout cela est bien trop policé. Vous avez dit Germanopratin ? Oui, et là est certainement la limite de ce livre.