Beaucoup d'ingrédients savamment dosés
Toujours friand de récits impliquant une relativité temporelle et/ou spatiale, je me suis naturellement tourné vers ce classique récent de science-fiction. Oui, récent, car Spin n'a que 15 ans, ce qui, comparativement aux grands classiques des années 50 et 60, lui confère le statut de jeune pousse. L'important étant qu'il fait bel et bien partie des classiques que tout amateur de SF appréciera d'avoir dans sa bibliothèque. Classique parce que tout y est. Je développe ? Après… Et classique parce que c'est bigrement bien écrit et traduit.
Concrètement, l'idée de départ est brillante : une membrane ou un bouclier “apparaît” subitement autour de la Terre, placé là par on ne sait quoi, occultant les étoiles et enfermant la planète dans son propre repère temporel. A l'extérieur, dans l'espace donc, le temps s'écoule des millions de fois plus vite. Cela implique, entre autres choses, que le soleil se transformera en géante rouge bien plus rapidement que prévu, et mettra seulement quelques décennies à cramer nos vilaines tronches. Voilà, ça c'est posé.
Sauf que Spin, ce n'est pas un roman de science dure, comme on dit (exemple type avec L'Oeuf du dragon dont je vous ai parlé il y a peu). Il y a un peu de science, bien sûr, d'astrophysique, de maths, de biologie et de médecine, mais ce n'est pas le coeur du sujet. le tout reste en plus très abordable. le vrai sujet, ce sont les implications du Spin sur la population terrienne. Ces pauvres humains ne sont décidément pas grand chose. Implications sociales, géopolitique, morales, éthiques, culturelles, religieuses, relationnelles et mêmes familiales.
Robert Charles Wilson balaie un large spectre de considérations et s'applique à ne prendre aucun parti – si ce n'est celui du lecteur -, et surtout à n'épargner personne.
L'approche de l'auteur tient en trois mots : roman de personnages. Il part de trois gamins soudés – à leur manière – pour dérouler l'influence qu'aura le Spin sur leur existence, leurs choix, leurs accomplissements respectifs, leurs amours aussi. Il développe (parfois trop) leurs états d'âmes, leurs questionnements sur le but de tout ceci, leur devenir, le si et le pourquoi… C'est long, mais ça fonctionne. On s'attache réellement à ces gosses qui, une fois devenus adultes, pèseront chacun à leur manière dans la gestion du Spin. Entre la figure paternelle autoritaire et ambitieuse, l'absence de la mère, le petit génie dépourvu d'ego mais excessivement motivé par la recherche du savoir, la frangine un peu absente, mais belle, alors on lui pardonne, le narrateur à la fois ami et amoureux qui se retrouve au milieu de cette intrigue autant spatiale que politique… on patauge parfois allègrement dans le cliché, mais il s'agit de cliché utile. Puisque tout s'imbrique avec délicatesse et subtilité, la lecture reste agréable d'un bout à l'autre.
Globalement, l'écriture est contemplative, presque froide, effet inhérent à la génération Spin dont sont issus les trois héros. Elle n'en demeure pas moins passionnante par sa richesse terminologique et sa sensibilité. Quelques paragraphes frôlent même la magie poétique, tellement ils sont inspirés par la vie, la mort, le doute, la peur, les étoiles et leur course. de l'émotion, donc, qui parsème modestement ce bouquin. Ça, on ne reprochera pas à l'auteur d'en faire des caisses. Tout est dans la mesure. Rien ne dépasse.
Concernant l'aventure et les mystères liés au voyage spatial, à la terraformation, aux découvertes et aux progrès potentiels, j'ai apprécié cet imaginaire certes pas débridé, mais très juste dans ses descriptions. On est totalement projeté dans la haute atmosphère, sur cette planète proche que je ne citerai pas, puis dans l'espace lointain, dans ce futur plus lointain encore, dans ces technologies autonomes qui font froid dans le dos, dans ces hypothétiques espoirs, avec ce visiteur bienveillant, dans cette nouvelle médecine qui laisse entrevoir si ce n'est l'éternité, au moins une forme de sagesse.
Une mélange détonnant, je trouve, qui malgré quelques longueurs et considérations obsolètes (toujours selon moi), nous porte avec intérêt et nous pousse à nous questionner sur l'avenir de l'Homme, ici ou ailleurs, en lui-même ou à travers l'autre.
Robert Charles Wilson nous prouve ici qu'il sait conter. Je le lirai encore, ne serait-ce que pour son écriture, mais peut-être pas avec la suite de cette trilogie, car je trouve que cette fin est parfaite.
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