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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
[Préface au Coup de Grâce]

"Le récit est écrit à la première personne, et mis dans la bouche du principal personnage, procédé auquel j'ai souvent eu recours parce qu'il élimine du livre le point de vue de l'auteur, ou du moins ses commentaires, et parce qu'il permet de montrer un être humain faisant face à sa vie, et s'efforçant plus ou moins honnêtement de l'expliquer, et d'abord de s'en souvenir."

L'empathie est reine sous la plume de Marguerite Yourcenar.
On emploie ce terme un peu trop facilement dès qu'il s'agit de "partager" les émotions d'autrui et souvent l'on fait erreur.
Empathie n'est pas sympathie.
Ce glissement de sens est "vital", nous ne sommes pas censés y penser quand il a lieu (parce qu'il a ses propres raisons)
Mais s'il a lieu en littérature, c'est que le discours devient politique (très sciemment ou malgré soi)

Ce que ne fait pas du tout, Marguerite Yourcenar, c'est de la politique ; et ce qu'elle fait scrupuleusement, c'est de la littérature.
De celle qui n'ignore pas ses pouvoirs et ne veut pas en abuser.

Nous sommes bien, pour chaque histoire, dans la tête de son narrateur ; nous pouvons réfléchir, comprendre son ressenti mais ne sommes jamais réellement entraînés sur la pente du jugement ou de l'affection.
Nous sommes à la distance nécessaire pour ne jamais oublier qu'il s'agit d'êtres humains, au fond, non seulement de papier (à chiffonner)

Finalement, cette distance même (cette sorte de mise en garde inconsciente) nous oblige à plus de respect qu'envers ceux dont on partage le sort, inéluctablement.

Dans chacune de ces narrations, ce qui n'est jamais explicite ne cesse de se dire ailleurs..
Alexis est très différent d'Éric (et là encore, on ne peut qu'admirer cette faculté de l'autrice à prendre corps en ignorant toute vanité démonstrative, toute manifestation d'écrivain..) mais ils se ressemblent sur un point qui les rend coupables à leurs yeux et à ceux d'un monde inconscient, hypocrite ou mensonger

S'il faut lire Yourcenar dans son oeuvre de fiction, je la trouve presque plus remarquable encore, quand c'est elle qui écrit à son sujet ; sa troublante lucidité n'a d'égal que son souci d'écrire au plus près de la vérité de son personnage.

"On n'a peut-être pas assez remarqué que le problème de la liberté sensuelle sous toutes ses formes est en grande partie un problème de liberté d'expression. Il semble bien que, de génération en génération, les tendances et les actes varient peu, ce qui change au contraire est autour d'eux l'étendue de la zone de silence ou l'épaisseur des couches de mensonge."

"Comme tout récit à la première personne, Alexis est le portait d'une voix. Il fallait laisser à cette voix son propre registre, son propre timbre [...]
Il fallait aussi laisser au personnage certaines opinions qui à l'auteur paraissent aujourd'hui douteuses, mais qui gardent leur valeur de caractérisation."
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Ce qui est le plus fascinant, c'est que ce livre ait été écrit par une jeune femme de 24 ans. Yourcenar est une bête de raffinement et de sensibilité. Voilà 100 pages pourtant sur un sujet qui n'est jamais nommé, même par périphrase. C'est vraiment de l'impressionnisme, par petites touches. On ne touche jamais vraiment du doigt des faits, ce qui rend le mystère plus grand. Beauté, amour, désir, attachement, tentation, remord, tout est traité avec des trésors de délicatesse et d'intelligence. La préface de MY, de 1963, dans laquelle elle justifie son procédé littéraire (et le reproduit avec malice, sans rien nommer), l'oppose au langage scientifique et à l'obscénité, est également très intéressante, à lire plutôt après le livre cependant.
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Un très beau texte sous forme épistolaire qui donne envie de noter énormément d'aphorismes.
Pas de fioritures, pas de déchets, et une portée universelle pour un texte qui constate avec dignité, lucidité et pudeur le non-amour entre deux êtres.
A offrir à : - un jeune couple qui se sépare après avoir tout essayé.
- soi-même, en préambule à l'oeuvre parfois ardue de Marguerite Yourcenar


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Le vain combat n'est pas un combat sans grâce, sans beauté, sans courage. le combat d'Alexis auquel donne mots Yourcenar, s'il est vain contre la nature « qui seule est responsable si » (dirait le chanteur), n'est pas vain contre les hommes de son temps, dont l'esprit et les valeurs peuvent être criminels. Il n'est pas encore tout à fait vain lorsqu'il offre à la générosité d'autres âmes de s'y associer et de le porter peut-être plus haut et plus loin qu'on eut cru pu le mener. Et de vain à vainqueur… quelques lettres seulement, que l'immense talent de Marguerite Yourcenar peut offrir à cette lutte : celle de la dignité due à chacun.
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Une PLUIE d'étoiles pour cette oeuvre de haute volée.

Yourcenar, unique, offre ici son premier roman. Elle a une vingtaine d'années lorsque lui vient ce récit, Alexis en est le narrateur. Il rédige une lettre d'une centaine de feuillets où il livre ses secrets sans jamais les nommer.

L'attachement à cette pudeur trouve probablement son explication dans la préface de Yourcenar quand elle affirme :"l'obscénité s'use vite, forçant l'auteur qui l'utilise à des surenchères plus dangereuses encore pour la vérité que les sous entendus d'autrefois. La brutalité du langage trompe sur la banalité de la pensée, et reste facilement compatible avec un certain conformisme ". A méditer !

Alexis, jeune époux et jeune père, livre une lettre d'adieux à sa tendre épouse Monique, qu'il considère d'ailleurs plutôt comme une soeur. Il reprend le fil de son enfance, de sa jeunesse, puis de sa vie de jeune homme pour expliquer à sa femme la raison de son départ (son homosexualité) sans jamais la nommer, et annoncer la forme de son départ (sans jamais l'expliciter).

Ce roman est merveilleusement écrit: tout en douceur, sans colère, avec une humanité à l'opposé de la mièvrerie. le personnage d'Alexis, est une pierre précieuse défait de sa gangue de violence.

Il demande pardon, non pas pour son départ mais d'être resté trop longtemps !!!

De la littérature comme on en lit TRES rarement. Yourcenar honore l'humanité, répare, même si la tragédie se dessine parfois sous sa plume.

Yourcenar, en reine de la littérature, dans mon panthéon. ASSURÉMENT ! .

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C'est un livre étonnant - parce qu'il a été écrit en seulement 18 jours; aussi que par le fait que son auteur était une auteure débutante de vingt-quatre ans, et le roman étonne par sa profondeur et la connaissance de la vie ...

L'intrigue du roman est la confession d'un coeur souffrant, et peu importe qu'il s'agisse des penchants vicieux d'une personne qui a renoncé à une alliance prolongée avec sa femme pour se livrer aux plaisirs auxquels les instincts mènent ce malheureux Alexis, le protagoniste de la narration. Il expose sa propre âme au lecteur, évalue sans pitié ses actions et n'essaie pas de se justifier, admettant sa dépravation et expliquant pourquoi il a fait ce choix - arrêter de se battre avec sa propre nature et s'éloigner d'une existence mesurée dans le mariage.

Le roman represente une lettre du héros à sa femme qu'il quitte. Mais il me semble que l'intrigue est secondaire ici. L'important est que les émotions d'Alexis soient en phase avec ce que les gens vivent face à des déceptions dans la vie, et la forme littéraire de l'histoire d'Alexis est impeccable.

Il est très difficile d'atteindre ce niveau de passion et de franchise, d'écrire pour ceux qui lisent avec leur coeur. L'un des meilleurs livres jamais lus.
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Dans cette introspection du personnage Alexis, les émotions humaines sont si bien décrites! Des émotions qui sont universelles. Magnifique!
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Les sujets de ces deux courts romans sont un peu désuets et parfois presque ennuyants. Mais quelle écriture! Elle nous emporte ligne après ligne, majestueuse, forte.
Et l'Académie française ne lui a ouvert ses portes qu'en 1980... soit 51 ans après la parution de ce premier roman, annonciateur d'une carrière littéraire exceptionnelle.
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Ses mots sont des flèches qui jamais ne manquent leur cible. Sous sa plume, d'une grande précision, se dessine un véritable atlas des sentiments. Sans jamais verser dans le sentimentalisme.

Le coup de grâce, pris en étau entre le front bolchevik et celui de la baltique, renoue avec les thèmes chers à Yourcenar. de même que dans le vain combat que perd le jeune Alexis au coeur de la capitale austro-hongroise corsetée de la belle époque, Il y est question d'amour non partagé, d'amitiés particulières et de tragique.

Le personnage principal et narrateur instruit le lecteur d'une période révolue et les efforts d'objectivation du lecteur doivent être constants. Dans sa Préface, Yourcenar prévient qu'il appartient au lecteur de reconstituer, de mettre en doute, de traquer les indices au-delà de l'intermédiation du narrateur, de ses omissions qui sont des vérités et de ses aveux qui sont des mensonges.

Le style, classique, est économe, janséniste même, selon le mot de Bernard Pivot. Pas la moindre surabondance dans la syntaxe de celle qui écrit Alexis, son premier roman paru en 1928, à moins de trente ans. Les penchants, les pulsions et les pudeurs, leurs imbrications inexprimables, leurs ombres et lumières, leurs versants et leurs élans sont disséqués à coeur ouvert par cette chirurgienne des âmes avec froideur et justesse.

« Au lieu de parler d'amour, nous parlions sur l'amour ». C'est ce qui fait à la fois son magnétisme, son alchimie ou à l'inverse, le manque de chaleur, le propos définitif et le sérieux vertigineux de sa plume que peuvent ressentir certains lecteurs. Cependant, une lecture attentive révèlera, tissées dans la dentelle du style, quelques pointes d'ironie.

En outre, il faut bien reconnaître que les personnages de ces deux romans ne sont pas des plus lumineux. Eric, officier allemand et balte, prisonnier de sa roideur, ne se veut pas capable d'émoi pour Sophie et tous deux finissent par s'infliger des souffrances aux accents kunderiennes ; quant au frêle Alexis, je me le figure livide, les yeux gris et les lèvres à peine rosées, ses veines bleues coulant en filigrane sous sa peau si fine (la première de couverture folio poche, une peinture d'Egon Schiele, lui offre un visage).

Si pour Eric l'histoire s'écrit désormais au passé, pour Alexis le jeu reste ouvert, et l'auteur de souligner, en songeant à une suite pour la longue lettre du vaincu, que la vie est beaucoup plus souple qu'on ne le pense lorsqu'on a vingt-quatre ans.

Mais il y a toujours chez ces personnages la volonté, dans une certaine mesure et jusqu'à un certain point, de faire preuve d'honnêteté dans leur introspection ; c'est cette petite musique de Yourcenar qui fait vibrer une à une les cordes de nos émotions.
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