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sur 2641 notes
La Curée constitue le second volet du fameux cycle des Rougon-Macquart, où l'on poursuit, comme dans La Fortune Des Rougon, le cheminement mondain du rameau " Rougon " de la famille, avec la seconde génération, notamment trois enfants de Pierre Rougon.

Il s'agit principalement du dernier fils de Pierre Rougon, Aristide, qui change d'ailleurs son nom en Saccard, pour ne pas compromettre — au cas où — la réputation du frère aîné, Eugène, impliqué en politique (voir le tome 6, Son Excellence Eugène Rougon) et second personnage masculin important, dans l'ombre du premier, à moins que cela ne soit l'inverse.

On y fréquente enfin l'une des soeurs, Sidonie Rougon, personnalité ambiguë, entremetteuse, courtière, bref ombre grise très utile ou très dangereuse, c'est au choix. Émile Zola nous dépeint la farouche avidité au gain d'Aristide qui se morfond de n'être que ce qu'il est, lors de sa fort modeste arrivée à Paris et qui va encore ruminer sa pauvreté pendant un certain temps.

Cependant, son frère Eugène lui ayant dégoté une place peu rémunératrice — mais stratégique — dans l'administration de la voirie, Aristide va vite comprendre l'intérêt que peut revêtir ce poste et les merveilleux délits d'initié qu'il autorise, à savoir, connaître avant tout le monde l'emplacement des immeubles qui seront évacués pour le percement des célèbres grands boulevards Haussmanniens.

Évidemment, spéculations, magouilles et fortune seront au bout de chaque boulevard…Fortune née en un jour, croquée en deux heures, travers absolu d'un monde qui flambe sans compter. (D'ailleurs, est-ce si différent aujourd'hui ?) Mais rien n'eût été possible à Aristide sans les premiers capitaux indispensables aux premières spéculations mirifiques, et c'est dans la fin prématurée — et bienvenue — de sa première épouse que Saccard va trouver le filon, par l'entremise de sa soeur Sidonie.

Rattraper le crime d'une conception honteuse, en dehors des liens du mariage, par une jeune fille de bonne famille, voilà qui pourrait être dans les cordes d'Aristide, qu'en dites-vous ? Car ce n'est pas le tout, il faut vite, vite, vite unir la belle Renée avant que son ventre ne prenne des proportions par trop scandaleuses... et bling ! voici la fortune de Saccard livrée sur un plateau d'argent par la dot avantageuse de l'étourdie gravide...

Renée va vivre dans la débauche de millions, de toilettes inavouables et même, même, dans l'indicible inceste, dont je vous laisse découvrir la nature, car il ne faut point trop en dire…

Ce livre est, selon moi, annonciateur de la dépravation du neuvième tome, Nana, et le symétrique du volume 18, L'Argent. Ici est détaillée la vie de débauche et du grand luxe côté jardin (alors que dans Nana c'est plutôt côté cour), l'aliénation morale de la femme, mais peu les montages financiers, tandis que dans L'Argent, c'est le contraire.

En tout cas, un éclairage intéressant sur cette période de création du nouveau Paris, même si certaines descriptions et certains passages sur les bals et sur le luxe des pièces ou des vêtements sont un peu longs par rapport à d'autres opus plus toniques, tel l'ébouriffant Au Bonheur des dames.

En outre ce n'est, encore une fois, que mon avis, dont les entrailles vacilleraient si elles étaient données en pâture à une meute d'esprits sagaces. Et que resterait-il après la curée ? Réponse : pas grand-chose…

N. B. : Une fois encore, il s'agit d'une critique écrite il y a fort longtemps, qui m'a été effacée suite aux calamiteuses fusions d'éditions qui n'ont rien à voir. Quand cela cessera-t-il ?
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"La Curée" n'est pas le tome le plus épais des Rougon-Macquart mais c'est sans conteste l'un des plus étoffés.

Pour moi, il s'agit d'un tome capital, il aurait pu être le premier de la série si Zola n'avait pas choisi sa famille cobaye en province mais à Paris. "La Curée" se déroule intégralement dans la capitale impériale. Une capitale en plein bouleversement, percée de part en part par les nouveaux axes urbanistiques projetés par Rambuteau et Haussmann.

"La Curée", c'est un peu comme un immense plateau de Monopoly où Aristide Saccard s'ébat en joueur enragé et dévore les pâtés de maisons pour se créer une "grande fortune". Aimant jouer, détestant perdre, il est prêt à tout pour "arriver". Veuf et père de deux enfants, il épouse Renée, une jeune femme de bonne famille à la vertu compromise, qui lui permet de prendre pied dans le monde des enrichis.

"La Curée" annonce à la fois l'érotisme du "Bonheur des Dames", à coups de chiffons, de jupons et de pantalons de dentelle ; préfigure tout autant la sensualité moite et brutale de "Nana", ainsi que la quête d'esthétisme de "L'Oeuvre" ; enfin, il augure "L'Argent" et les futures magouilles spéculatives de Saccard.

"La Curée", c'est le spectacle cru de tous les excès, de tous les abus et des tabous foulés au pied - à commencer par l'inceste ; c'est l'exubérance criarde d'une richesse trop neuve et clinquante, de mauvais goût, qui cache les vices, l'âpreté des vanités, les instincts bridés, le tout dans une débauche naturaliste qui est la marque de fabrique du grand Zola. Comme dans ses autres romans, le lecteur est emporté, assommé, enivré, étourdi et finalement ébloui par une prose qui ne lui laisse aucun répit et qui lui fait dire dans un soupir : "Rien n'a changé depuis 150 ans".


Challenge XIXème siècle 2015
Challenge de lecture 2015 - Un livre que vous avez commencé mais jamais terminé
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L'or et la chair
*
○○○ Réaction à chaud ○○○
J'ai décidé de lire toute la saga des Rougon-Macquart par le début (en ayant lu quelques tomes auparavant dans mon cursus scolaire). Avec un très bon souvenir à chaque fois.

Mais quel bonheur de lecture! Un délice que j'ai apprécié à sa juste valeur.
On se questionne beaucoup. On peut tout à fait le transposer aux faits d'aujourd'hui. L'argent fait-il le bonheur? Question à mille euros :)

Mais quelle maitrise dans le style, la narration. Avec quelle férocité il déchiquète les travers humains : le vice, la luxure, l'avarice, l'envie. Et Zola est le maître des descriptions poussées. Ah le chapitre sur la serre est majestueux. Je "sentais" pratiquement littéralement les effluves de ces plantes tropicales, la moiteur, l'effluve sucrée et acide du végétal. Sans parler de ce déversement de luxe ostentatoire dans les décors, les toilettes de ces gens riches.

Pour l'instant, je n'ai jamais encore trouvé d'égal à Zola. Quelle précision dans son étude des moeurs!
Je n'ai qu'une seule envie, c'est d'y retourner :)
Chapeau bas Monsieur Zola! Vous avez conquis mon coeur !

PS: il y a beaucoup de superlatifs et de points d'exclamations dans mon avis mais vous avez compris la raison :)
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Zola poursuit son "étude sociale" avec Aristide Rougon devenu Saccard a Paris. Il cherche par tous les moyens a faire fortune . Quand le destin frappe a sa porte et que la mort emporte sa première épouse.

C'est une fois encore, avec brio, que Zola démontre l'opportunisme d'un parvenu. le caractère des personnages est travaillé a la perfection. On sent les protagonistes de l'histoires prendre vie sous nos yeux.

C'est aussi l'occasion pour l'auteur de mettre en avant le rôle des femmes, et leurs positions à l'époque ou se déroule les évènements. Ce sont des simples objets pour certaines, pour d'autres le moyen pour leur mari d'obtenir, grâce a leur entremise, du pouvoir ou des relations.
C'est aussi, une démonstration de maître , sur la frivolité et l'inconstance des femmes qui ont toujours eu de l'argent qui leur brulait les doigts. Une relation au financier extrêmement bien décrite.

Il faut avouer que Zola est le maître incontesté des descriptions :de salons, de robes, de paysages, des caractères,... En lisant cet auteur on se trouve tout simplement au milieu d'un film ou chaque chose est pensée et maîtrisée.

Je suis souvent bouleversée par l'écriture de Zola qui est si cruelle, si cynique par moment et tellement poétique par d'autre.
Je me demande souvent comment un homme a pu être si juste et si précis dans son étude sociale, d'autant qu'il n'avait qu'une trentaine d'année lors de la parution de ce roman.

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Paris, après le coup d'état de 1851. Nous retrouvons Aristide, qui a bien retourné sa veste lorsqu'il s'est perçu qu'il s'était trompé de cheval. Les débuts sont difficiles, il vit modestement avec son épouse moribonde et ses deux enfants. Mais ses talents de magouilleur ne demandent qu'à éclore, et c'est au sien de la capitale défigurée par les grands travaux, avec la construction d des boulevards, qu'il trouvera sa voie. Une fois veuf, rien de tel qu'un mariage pour démarrer ses projets. Il épouse donc en seconde noce, Renée, une jeune femme bien née, et dotée d'espèces sonnâtes et trébuchantes, qu'il sauve ainsi du déshonneur. C'est gagnant-gagnant.

C'est ainsi qu'Aristide Rougon, devenu Saccard, devient une figure incontournable du Paris mondain, entouré d'une cour où chacun vient pour voir et être vu. Renée s'étourdit dans cette vie de paillettes et de paraître, tandis qu'Aristide tente d'ajuster le niveau de ses spéculations à ce train de vie luxueux. le grain de sable se matérialise à travers Maxime, le fils d'Aristide, à peine plus jeune que Renée.

Description quasi chirurgicale de la société aisée du Second empire, avec son goût du faste et sa superficialité, inutile, et au fond bien vide. C'est une cour royale, qui tire les ficelles avec en seul point de mire ses propres intérêts.

La lecture est passionnante sur le plan historique. Quant aux descriptions exhaustives des décors et de l'architecture du Palis de la rue Monceau…on peut passer rapidement à moins d'avoir ce don de visualiser ces lieux sans support graphique.

En route pour le troisième tome de la saga
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♬ Zola reviens, Zola reviens parmi les tiens... ♬
Quand je vois avec quel talent Émile Zola décrit ses contemporains, avec quelle ironie jubilatoire il en dresse le portrait féroce, je me dis que c'est vraiment dommage qu'il ne soit plus parmi nous.
Parce qu'entre nos politiciens, nos journalistes, nos "people", il en aurait du matériau de première classe !
La Curée, c'est un peu La Fortune des Rougon bis. En effet, après le couple Pierre-Adélaïde du premier opus, c'est au tour de leur fils Aristide de vouloir faire fortune.
Mais le contexte est différent : on quitte Plassans et ses petites histoires provinciales, c'est à Paris que l'ambition peut prendre toute sa démesure.
Paris sous le second empire offre des opportunités quasiment illimitées à qui veut les saisir, voire les provoquer. Honnêtement... ou moins honnêtement.
Eugène, frère aîné d'Aristide est devenu ministre. Il veut bien aider son cadet, mais sans prendre de risque. Pour commencer, un changement de patronyme s'impose, et Aristide Rougon devient d'un coup de baguette magique Aristide Saccard. Ainsi, si les affaires de monsieur Saccard tournent mal, monsieur Rougon n'aura rien à craindre et continuera sa vie comme si de rien n'était. On n'est jamais trop prudent !
À partir de là, les bonnes ou moins bonnes affaires vont s'enchaîner.
Fini l'univers étriqué de la province, seule la capitale pouvait servir de cadre à l'histoire. En effet, tout devient grand dans ce deuxième volume. Les petites magouilles de Plassans laissent la place aux grandes manoeuvres parisiennes.
L'appât du gain est poussé à son extrême, les instincts les plus vils s'expriment, les coups les plus bas sont permis : Zola ne nous épargne rien. Délits d'initié, trafics d'influence, escroqueries en tout genre sur un fond d'absence totale de scrupules. Vous pouvez ajouter à cette liste peu glorieuse l'argent qui coule à flot d'une façon indécente, les fortunes affichées avec ostentation, la débauche qui s'expose dans les fêtes et se cache à peine dans la vie quotidienne.
Si je devais résumer ce roman par un mot, ce serait "excès". La Curée est le roman de tous les excès. Zola y dénonce d'une façon magistrale les excès en tout sens de ses contemporains.
Quelques descriptions peuvent parfois paraître un peu longues, mais elles ne m'ont en aucun cas dérangée. Elles renforcent le terrible contraste entre ces intérieurs chargés, au luxe tape-à-l'oeil (il faut montrer sa fortune), ces maisons bien comme il faut et leurs habitants aux moeurs dépravées, cyniques et magouilleurs. Et puis, c'est tellement bien écrit, que j'accepte tout de la part de Zola !
Un personnage du roman m'a particulièrement impressionnée : Sidonie, soeur d'Eugène et Aristide. Zola a créé là une femme époustouflante ! Intrigante en diable, elle est prête à tout, pourvu qu'il y ait de l'argent à la clef. Elle tient une place capitale dans le roman. En écrivant certains passages, Zola a dû se régaler... et il régale son lecteur !
Comme le premier, ce tome est très moderne. Zola décrit la vie sous le second empire, mais le lecteur actuel se rend compte que rien n'a changé. Politique et finance font très bon ménage, les hommes d'affaires sachant parfaitement manoeuvrer les politiciens en les récompensant grassement. Et tant pis si ce qui est fait n'est pas moral, tant pis si ce n'est pas dans l'intérêt général. Quand certains (qui ont encore un soupçon de conscience) s'émeuvent des coûts des grands travaux entrepris dans Paris, voici ce qui est répondu, je vous laisse apprécier :
"– Quant à la dépense, déclara gravement le député Haffner, qui n'ouvrait la bouche que dans les grandes occasions, nos enfants la payeront, et rien ne sera plus juste. […] La phrase de M. Haffner : « Nos enfants payeront », avait réussi à réveiller le sénateur. Tout le monde battit discrètement des mains, et M. de Saffré s'écria : – Ah ! charmant, charmant, j'enverrai demain le mot aux journaux. – Vous avez bien raison, messieurs, nous vivons dans un bon temps, dit le sieur Mignon, comme pour conclure, au milieu des sourires et des admirations que le mot du baron excitait. J'en connais plus d'un qui ont joliment arrondi leur fortune. Voyez-vous, quand on gagne de l'argent, tout est beau."
Ah, tout est beau quand on gagne de l'argent ! Vous voyez, rien n'a changé. Seulement l'échelle à laquelle les choses se font : les profiteurs de tout poil que décrit Zola feraient piètre figure à côté de leurs "successeurs" d'aujourd'hui, mais les motivations et les modes opératoires sont identiques.
À ce propos, le titre est parfaitement trouvé : page après page, le lecteur assiste à tout, le spectacle est écoeurant, comme celui des chiens après la chasse à courre.
Finalement, La Curée, c'est Les mains sales et La nausée réunis !
J'ai plus que jamais envie de poursuivre ma route avec Zola, et j'ai hâte d'aller me promener du côté des Halles dans le Ventre de Paris.
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Je poursuis gentiment ma découverte des Rougon-Macquart. Avec La Curée, on quitte l'ambiance étriquée de Plassans et ses complots de province pour se lancer dans le grand bain parisien en compagnie d'Aristide, une des progénitures de l'infâme Pierre Rougon.

Suite au coup d'état réussi qui a mis Napoléon III à la tête de l'empire, Arsitide arrive à Paris avec sa femme Angèle. Rêvant d'une fortune rapide, celui-ci va se voir proposer par son frère Eugène (qui a désormais une place enviable et une certaine influence en politique) une fonction d'agent voyer au sein de l'Hôtel de Ville. Contraint de changer de nom de famille pour épargner à son excellence une éventuelle honte en cas de scandale, Aristide Rougon devient Aristide Saccard. Furieux de végéter dans des bureaux poussiéreux pour un traitement bien inférieur à ses prétentions, il va néanmoins vite se rendre compte que l'Hôtel de Ville est un endroit rêvé pour glaner des informations sur de futures opérations immobilières, Paris étant en pleine phase de transformation.
Frustré de ne pas avoir les premiers fonds, se heurtant aux refus d'Eugène, Aristide va faire appel à Sidonie, sa soeur, qui occupe des fonctions assez obscures de courtière et aussi d'entremetteuse. Angèle a peine morte, Sidonie organise déjà le remariage de son frère avec la jeune Renée Béraud-Duchâtel, qui se trouve dans une situation compromettante suite à un viol. Seul un mariage peut rendre la dignité de la jeune fille, il se trouve en plus qu'elle bénéficie d'une dot importante. L'affaire est dans le sac, non seulement Aristide se retrouve nanti d'une femme belle et fringante mais le voilà également riche. C'est alors que commence la spirale infernale de la magouille immobilière, avec un talent de prestidigitateur, Aristide va devenir en expert dans l'art d'arnaquer l'état. Tirant de honteux bénéfices des expropriations grâce aux travaux d'amélioration de la capitale, sa fortune est faite!
Renée quand à elle dépense sans compter en toilettes somptueuses et en fêtes extravagantes. En compagnie de Maxime, le fils d'Aristide, dont elle a quasiment fait l'éducation, elle va connaître une passion incestueuse qui comblera le vide qu'elle pense avoir dans sa vie. Derrière cette richesse apparente, cette famille cache bien des cadavres...

Zola signe encore un chef-d'oeuvre, j'ai été époustouflée par ce second opus des Rougon-Macquart. Il met brillamment en lumière les travers de l'être humain pris dans le tourbillon de l'argent. Aristide, le petit scribouillard bonnet blanc et blanc bonnet de l'Indépendant a bien changé, il est devenu une authentique ordure sans foi ni loi (désolée si mes termes vous choquent, il fallait que ça sorte). J'ai adoré la manière dont Zola a donné toute son ampleur au personnage, il décortique avec soin la psychologie de cet arriviste escroc avec acidité et ironie. Avec tout son talent, il nous emmène dans l'envers du décor des gens riches, montrant leurs excès et leur cruauté. Véritable miroir aux alouettes, c'est avec délectation que l'on suit la grandeur et la décadence de ces protagonistes aux plus vils instincts. Seule Renée m'a fait un peu de peine, derrière sa frivolité j'ai trouvé qu'elle était un peu le dindon de la farce dans toute cette mascarade... le seul mini reproche que je pourrait faire à l'ouvrage est que certains passages manquent un peu de pep's mais hormis ça, c'est un véritable régal. J'avais été emballée par La Fortune des Rougon, là ma curiosité ne fait qu'augmenter et j'ai hâte de tous les lire. Gros coup de coeur et vivement la suite! A lire!
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Dans ce roman, Zola dresse le portrait de la spéculation financière : tout est bon pour gagner de l'argent : jouer sur les terrains qui vont être racheter pour creuser les tranchées des boulevards. On surcote à tour de bras, on falsifie les documents… En fait, seule la duperie intéresse Aristide : tromper l'autre pour en tirer profit est pour lui pure jouissance. Il aime manipuler l'autre, tirer les ficelles. Il jouit de tous les plaisirs : c'est l'orgie autant de la chair que de l'argent. En bon chasseur, il multiplie les conquêtes amoureuses, il sait flairer les bonnes affaires… les boursicoteurs actuels n'ont rien inventer !

Que faire de l'argent si mal gagné ? Si certains sont économes, Aristide, lui va flamber : il remplit son coffre d'argent le matin et le vide le soir, dans des réceptions « m'as-tu vu », où le tout Paris défile, admirant au passage les toilettes et les bijoux de sa femme.

Tout se déroule selon ses plans et pour asseoir davantage sa situation, il fait venir son fils Maxime, bellâtre insignifiant, efféminé, qui aime se regarder durant des heures (comme Narcisse) dans son miroir et parler chiffons, toilettes, parfums avec ces dames et qui n'a pas beaucoup de volonté.

« Voilà un garçon qui aurait dû naître fille » murmura-t-elle (une des amies de Renée) à la voir si rose, si rougissant, si pénétré du bien-être qu'il avait éprouvé dans son voisinage. P 112

On imagine sans peine ce qui va se passer entre Renée et son beau-fils devenu son confident : elle s'offre le jeune homme, comme on s'offre un jouet, pour tromper l'ennui et on assiste avec cet amour incestueux à une version revisitée de Phèdre.

J'ai beaucoup aimé ce tome II car la férocité de Zola est toujours présente, il règle ses comptes avec ces bourgeois, ces nouveaux-riches qui s'enrichissent sur le dos des pauvres, mais aussi nous dépeint avec brio leurs moeurs décadentes : l'oisiveté est mère de tous les vices ! Renée s'ennuie, alors elle dépense des sommes folles en vêtements, bijoux, et multiplie les amants.

Une autre personne joue un rôle non négligeable dans ce roman ; il s'agit de Sidonie, la soeur d'Aristide, qui n'est pas plus honnête que son frère et se livre à des affaires louches dans son appartement sordide et se promène toujours vêtue de sa robe noire usagée, à l'affût de tous les ragots : à l'inverse d'Aristide, elle ne dépense rien ! et c'est elle qui va arranger le mariage, comme une bonne affaire.

L'intention d'Emile Zola était de mettre en parallèle deux viols : le coup d'Etat de Napoléon III qu'il considérait comme un viol de la République, et celui dont est victime son héroïne Renée et d'analyser de manière naturaliste tout ce qui en découle pour la femme et la société. Il a parfaitement réussi. Sa vision de la femme, à travers Renée me gêne car elle est un brin misogyne : entre ses migraines, ses dépenses, son attrait pour les choses futiles, la manière dont elle se laisse dominer par la passion, l'auteur ne l'a pas gâtée !

L'auteur a repris le même procédé que dans « La fortune des Rougon » : un premier chapitre qui parle d'un fait précis et présente les héros, attisant ainsi l'intérêt du lecteur, dans « La curée », Renée et Maxime se promènent en calèche, côtoyant le tout Paris, elle s'ennuie malgré le luxe qui l'entoure ; on sait juste qu'elle a épousé un veuf du nom de Saccard ; puis dans les chapitres suivants, il revient sur ce qui leur est arrivé, comment ils se sont trouvés en présence, comme un flash-back.

J'ai adoré me promener en calèche au parc Monceau, humant Paris qui se transforme car Zola décrit fort bien la vue, le site, la nature et en particulier la Seine, toutes les belles choses qui rafraichissent le lecteur quand la spéculation ou l'oisiveté de ces gens parvenus commencent à l'irriter au plus haut point.

C'est « A nous deux Paris » donc, mais je préfère quand c'est Rastignac qui s'exprime ainsi !

C'est le tome que je préfère pour l'instant. Place maintenant au « Ventre de Paris ».
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Second volet des Rougon-Macquart et changement de style. Si, dans La fortune des Rougon, Zola arborait une certaine sobriété, à laquelle il reviendra d'ailleurs de temps à autre, le voici emporté par les envolées lyriques que nous lui connaissons bien et qui ont fait les beaux jours de certains de ces romans, comme Au bonheur des dames - entre autres.

Le titre renvoie aux ravages que va subir Paris, selon Zola, dans la seconde moitié du XIXème siècle, avec les projets d'urbanisation de Haussmann et tous les appétits qui vont avec : c'est l'histoire de l'envolée de la spéculation immobilière qui va ruiner la Ville de Paris. Et Aristide Rougon, qui n'était pourtant pas le mieux placé de la famille pour "réussir", va illustrer ces appétits de pouvoir et d'argent, car c'est par là que s'insinue la fêlure propre aux Rougon. Aristide monte donc de Plassans à Paris et commence à être dévoré par une idée : gagner de l'argent. Beaucoup d'argent. La scène au cours de laquelle il regarde les lumières de Paris et y voit autant d'écus qui vont tomber dans ses poches est très emblématique de son parcours (et pas sans rappeler Balzac, évidemment). Vite débarrassé d'un premier mariage, le voici encore plus vite remarié, grâce à sa soeur Sidonie, et pourvu d'une nouvelle épouse jeune et riche. Mais aussi d'un nouveau nom, sur les conseils de son frère - car un frère tel que lui pourrait se montrer gênant pour Eugène, devenu ministre de Napoléon III. Ce nom, ce sera Saccard, qu'Aristide juge providentiel. Nous le suivrons donc dans ses dégoûtantes magouilles et machinations, destinées à lui faire empocher beaucoup d'argent en arnaquant et les propriétaires des maisons et immeubles qui vont être détruites par les travaux haussmanniens, et la Ville de Paris. Mais sa malhonnêteté et sa soif d'argent s'étend aussi et d'abord à la sphère privée : puisqu'il a besoin d'argent pour se lancer dans la spéculation immobilière, rien de plus facile qu'utiliser l'argent de Renée, sa seconde femme. En la dépouillant de son héritage sans même qu'elle s'en rende compte.

Et c'est en Renée que couve l'autre fêlure ; car dans les Rougon-Macquart, la fêlure est aussi présente chez les personnages qui ne sont ni Rougon, ni Macquart, mais qui les côtoient : cette fêlure des Rougon-Macquart agit comme une corruption. le roman est donc double : aux appétits d'argent de Saccard répondent les errements de Renée, qui s'ennuie à mourir, cherche à s'oublier dans les distractions de la haute société : bals, sorties en voiture qui relèvent d'un code de société plutôt que d'un loisir, amants, achats dispendieux, voire ruineux, de vêtements de luxe et autres babioles. Quand l'époux cherche à s'enrichir par les moyens les plus immoraux, l'épouse dépense sans compter, et y est même incitée par celui-ci, car elle est la vitrine de sa réussite - avec sa maison, son équipage et tout ce qu'il possède de clinquant et coûteux. le couple représente donc parfaitement ce qu'il y a de pourri aux yeux de Zola dans la haute société. Mais c'est tout de même Renée le personnage le plus intéressant, car au fond, sorties, robes et amants ne lui servent qu'à essayer de combler un manque sur lequel elle n'arrive pas à mettre le doigt. Si Aristide sait clairement ce qu'il veut, elle s'égare dans un mode de vie sans but.

Et comme le projet de Zola tient autant de l'histoire sociale que de la tragédie antique, on reconnaîtra ici sans peine le modèle de Renée : Phèdre. La passion va naître en elle pour le fils d'Aristide, Maxime, et tout un réseau de motifs vont jalonner cette histoire d'inceste. La serre qu'abrite la maison où vit la famille va remarquablement symboliser la déchéance, la déliquescence, la dégénérescence dans laquelle va se perdre Renée - j'ai souvent pensé que Zola flirtait allégrement avec le symbolisme, il me semble qu'on en trouve ici un exemple assez frappant. Les plantes exotiques, leur aspect, l'odeur qui se dégage de la serre : tout est mélange de suavité et de pourriture, ce qui donne d'ailleurs lieu à de très beaux morceaux d'écriture. L'autre motif omniprésent, c'est celui de l'inversion des sexes : quand Maxime développe des traits et des attitudes qu'on attribue au féminin, Renée se conduit en homme - autant qu'en félin. Maxime est le premier personnage de ce type, quasi androgyne, mais on en retrouvera d'autres, régulièrement, tout au long des Rougon-Macquart. Maxime porte aussi en lui, physiquement, la dégénérescence de toute une famille et de toute une société, comme la porte également Louise, sa fiancée, avec sa maladie (comme avant elle la mère de Silvère Mouret, et après elle Geneviève Baudu - entre autres). Chez Zola, rien n'est dû au hasard et il reprend sans cesse les mêmes motifs pour tisser sa longue toile.

Bon. Si je suis loin d'être insensible aux thématiques et au symbolisme du roman (et j'espère l'avoir fait comprendre), à cette combinaison de la critique sociale (ô combien nécessaire) et des ressorts de la tragédie, j'ai quelques réserves sur le style. Autant j'aime ces envolées lyriques permanentes, dont je parlais plus haut, dans Nana, autant je les trouve ici un peu lourdes parce que très répétitives. Au bout d'un moment, on finit par se dire : "Oui, d'accord, on a compris que Renée se comportait en homme et Maxime en femme, c'est peut-être pas la peine de l'écrire, avec moult métaphores, une énième fois..." Cela dit, c'est aussi ce qui fait la signature de Zola, et ce qui peut déranger les uns fait le bonheur des autres ; et ce que j'appelle de la lourdeur, d'autres le qualifieront, par exemple, de baroque. Toujours est-il qu'avec Zola, on sait où l'on va : il a un message à faire passer, il s'est fait une mission de dénoncer les dérives du Second Empire et il est hors de question que le lecteur passe à côté. Il est donc toujours intéressant de le lire, ne serait-ce que pour sa vision de l'Histoire, pour son engagement politique, pour sa critique de la société. Mais aussi parce qu'il y a encore et bien plus que ça dans les Rougon-Macquart, ce qu'illustre fort bien La curée.
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Tapis persans, bois précieux, or, bronze, marbre, velours, cristal, argenterie, mets délicats et grands crus...dans leur somptueux hôtel particulier du parc Monceau, Aristide Saccard et sa jeune épouse Renée reçoivent le tout-Paris du Second Empire. Mais si l'on admire et parfois même l'on envie leur éclatante réussite, c'est que l'on ne sait pas que dans les opulents boudoirs, sous les lustres de cristal et dans la soie, se cachent le vice et le péché. Rien d'étonnant à cela quand on sait qu'Aristide Saccard n'est autre qu'Aristide Rougon, le fils de Pierre Rougon, venu tout droit de Plassans au lendemain du coup d'Etat réussi de Napoléon III. Compromis par ses mauvais choix tactiques, il a changé son nom pour ne pas embarrasser son frère Eugène, désormais député. C'est ce même frère qui va d'ailleurs lui trouver une place à l'Hôtel de ville, un poste de fonctionnaire pas très bien payé mais qui lui donne accès aux plans des grands travaux prévus dans la capitale. Fort des renseignements obtenus par ses indiscrétions, Saccard voit déjà l'argent couler à flots, son seul problème étant la mise de fonds. Saccard n'a pas le sou et c'est sa soeur Sidonie, personnage aussi sombre que retors qui va lui offrir une solution en or. Angèle, l'épouse mourante d'Aristide, n'a pas encore rendu son dernier souffle que Sidonie a déjà arrangé le prochain mariage de son frère avec Renée Béraud-Duchâtel, une toute jeune fille issue d'une riche famille de magistrats, très bien dotée, et qui doit se marier urgemment pour préserver sa réputation. L'affaire conclue, Aristide dispose enfin des capitaux nécessaires à ses montages financiers, aussi compliqués qu'hasardeux, et Renée s'étourdit en dépensant sans compter et trompe son ennui dans les bras de son beau-fils Maxime, l'inceste ajoutant du piment à l'adultère. Tel est le couple Saccard qui dîne avec les députés, les banquiers, est reçu aux Tuileries, affiche sa fortune avec ostentation mais cache en son sein les plus sombres secrets.


Dans ce deuxième tome de la série des Rougon-Macquart, Emile ZOLA nous plonge dans le Paris des grands travaux, En pleine mutation, la ville est livrée aux spéculateurs sans scrupules qui, au jeu des expropriations/indemnisations, engrangent les bénéfices sur le dos de la municipalité et de l'état. Aristide Saccard n'est pas en reste. Toujours à l'affût de l'argent facile, il voit là une occasion d'amasser une fortune et tout lui est bon pour parvenir à ses fins : spéculations immobilière, gonflement des prix, délits d'initiés, pots de vin...Mais Saccard est un homme avide qui ne sait pas se contenter de ce qu'il a et bientôt il se trouve à la tête d'une fortune aux pieds d'argile, à la merci de ses créanciers, riche en apparence mais sans liquidités. Il n'hésite pas à duper sa femme, à la déposséder de son héritage et si le prix à payer pour ses fourberies est de la céder à son fils, qu'à cela ne tienne! Il ne s'émeut pas de ce drame antique qui se joue sous son toit!
ZOLA que l'on connait surtout pour ses fines analyses du monde ouvrier excelle aussi à décrire la décadence de ceux qui possèdent, ces bourgeois dépravés qui profitent de leur position pour s'enrichir, étalent leur fortune aux yeux du monde et se vautrent dans la luxure pour oublier qu'ils ne sont pas heureux.
Une lecture passionnante, ZOLA y est féroce et grinçant et n'hésite pas à dénoncer les travers des puissants. A lire évidemment.
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