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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Après Paris, retour à Plassans pour une escale dans le berceau de la famille Rougon-Macquart. Si vous comptiez vous détendre à l'ombre d'un olivier, bercé par le chant des cigales, oubliez, car ça va encore swinguer dans les chaumières.

Ce quatrième opus marque l'entrée fracassante dans l'arène du couple Mouret, François et Marthe, dont le mariage consanguin est abordé dans La Fortune des Rougon. Républicains et non croyants, ce sont de riches commerçants de Marseille retirés à Plassans. Entourés de leurs trois enfants, Serge, Octave et Désirée, la petite tribu mène une vie paisible qui ne va pas tarder à être perturbée quand François décide de louer le deuxième étage de leur maison à l'abbé Faujas et sa mère.
L'abbé, avec sa soutane trouée et sa mine grave va essuyer les moqueries de Mouret et de la bonne société de Plassans, soucieuse de son image de marque. D'abord discret, peu à peu, il va s'insinuer dans la vie familiale du couple en faisant de Marthe une dévote acharnée. La pauvre femme n'est en fait qu' un instrument pour accélérer l'ascension sociale de cet homme de "Dieu" au passé plus que louche.
Son emprise sur sa propriétaire acquise, sa crédibilité dans ses fonctions se trouvant accrue, Faujas va étendre ses tentacules pour faire la conquête de Plassans...

Quitte à me faire taper sur les doigts par certains lecteurs, ma première exclamation en refermant ce livre a été : "Oh p....n". Je n'hésite pas à dire que je me serai pris une mandale, cela m'aurait fait moins mal. Ce quatrième volet des Rougon-Macquart est noir de chez noir, mêlant politique, religion et analyse de la folie. Pas de longues descriptions cette fois-ci, Zola nous offre une immersion immédiate dans l'intrigue qui va aller crescendo et nous emmener dans la décadence la plus totale.
Entre les parvenus avides de pouvoir, les curés vendus et les politiques manipulateurs, nous avons là une magnifique brochette de vautours prêts à tout pour rogner quelques lambeaux de splendeur, semant panique et désolation dans une famille qui a eu le malheur de traverser leur route....
Je crois que je deviens de plus en plus accroc de Zola, j'adore sa manière de mettre en scène les situations les plus horribles sans tomber dans l'excès. Depuis que je me suis lancée dans la lecture des Rougon-Macquart, je vais de surprise en surprise sans être déçue une seule seconde. Même si j'ai éprouvé de l'indignation et de la peine avec La Conquête de Plassans, j'ai adoré ce roman qui va encore plus loin dans l'horreur humaine.
Cinq étoiles un jour, cinq étoiles toujours, un vrai coup de coeur qui ne laisse pas indifférent. A lire !
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Nous voici donc de retour à Plassant, dans le Sud de la France chère à Zola (lui-même natif d'Aix en Provence) loin de la vie parisienne trépidante des deux tomes précédents.

J'ai retrouvé avec plaisir Félicité, que j'avais bien aimée dans « La fortune des Rougon », ses rapports un peu bizarres avec sa fille, Marthe, dont elle n'est pas très proche. Seulement, Marthe lui est utile lors de ses réceptions du jeudi, où se côtoient les personnages importants de la ville :il est de bon ton de se critiquer, mais de se faire voir aussi…

Le personnage principal est l'abbé Faujas, qui se promène dans la ville, tout miteux, la soutane raccommodée, (il n'en a qu'une !) et apparemment modeste, ne s'intéressant qu'à Dieu. Il s'infiltre peu à peu dans la ville, la vampirisant, la domptant pour mieux la dominer. Il s'immisce ensuite dans tous les pans de la société de la ville, même les jeunes, il s'agit de convaincre tout le monde.

Pour établir son emprise, il est plus simple de commencer par les femmes, grenouilles de bénitier. Il s'attaque d'abord à Marthe, épouse soumise, éprise de raccommodage, de travaux d'aiguille, athée, devinant une frustration chez elle, il va l'amener à l'Église, au salut. Il en fait une dévote, intégriste, comme souvent les nouveaux convertis, la rudoie, refusant d'être son confesseur, lui imposant ses règles de façon drastique et malsaine.

Zola nous décrit à merveille, la manière dont cet homme qui méprise les femmes qu'il considère comme impures (tiens donc !) tisse sa toile pour arriver à ses fins, dans un rapport sado-masochiste, car c'est ce qu'on appelle de nos jours un pervers narcissique. Il aime dominer, se donner du mal pour conquérir, se faisant passer pour ce qu'il n'est pas. Seule la conquête est source de jouissance !

« L'abbé avait un mépris d'homme ou de prêtre pour la femme ; il l'écartait, ainsi qu'un obstacle honteux, indigne des forts. Malgré lui, ce mépris perçait souvent dans une parole plus rude. Et Marthe, alors prise d'une anxiété étrange, levait les yeux, avec une de ces peurs brusques qui font regarder derrière soi si quelque ennemi caché ne va pas lever le bras. « P 96

Le couple Mouret est intéressant par son évolution car on voit les deux personnes changer presque radicalement et la relation entre eux se modifie : François Mouret est davantage sur ses gardes quand l'abbé arrive chez lui ; il essaie bien de railler le personnage et la religion, mais bientôt il n'est plus maître chez lui et ne peut que regarder sa femme sombrer.

Marthe confond la dévotion avec l'amour, car elle est amoureuse du prêtre, pas de Dieu ou de Jésus. Elle s'autoflagelle au propre et au figuré. Vit-elle sa passion ou sa Passion ?

La mère du prêtre est gratinée aussi : en extase devant son rejeton, qu'elle vénère, elle est prête à tout pour qu'il réussisse… « Elle trouvait, d'ailleurs, leur adoration naturelle, les regardait comme très heureuses d'être ainsi à genoux devant son Dieu » P 226

Zola traite dans ce roman, de l'influence du pouvoir sur l'homme mais surtout de la folie sous toutes ses formes : manipulations, perversité, délire mystique… Marthe et François ont, tous les deux, peur de la folie, car ils ont toujours présent à l'esprit leur grand-mère Adélaïde, la fameuse tante Dide de « La fortune des Rougon » qui est depuis des années dans un asile, aux Tulettes : la folie est-elle héréditaire ? Y-a-t-il un maillon faible dans la génétique, la consanguinité (leur fille Désirée a un retard mental) donc est-ce qu'ils risquent de devenir fou ? C'est la question qu'ils se posent….

Il change de technique dans ce roman, alors que dans les trois premiers tomes, on avait une scène présentant tous les protagonistes dans le premier chapitre, suivi de cinq ou six chapitres longs, racontant l'histoire et les personnages, ici il procède par petits chapitres (23 pour être précise), ce qui donne du rythme à l'histoire qu'il raconte, et il n'y a pas de flash-back. Par contre, les langues de vipères, les ragots sont toujours bien présents.

Ce roman est jubilatoire, dans sa férocité à décrire les protagonistes et leurs petitesses, le rôle de l'Église en politique à l'époque et se termine en feu d'artifice.

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Après des années de dur labeur dans le commerce de l'huile et des vins à Marseille, François et Marthe Mouret vivent une retraite paisible à Plassans, le fief familial des Rougon dont ils sont tous deux issus. le couple vit retiré, loin de l'agitation mondaine et politique. Un bonheur simple qu'égaient leurs trois enfants, Octave, Serge et Désirée. Marthe est une épouse effacée et soumise, une mère aimante et dévouée. François est parfois un brin autoritaire, maniaque et avare mais la famille vit en parfaite harmonie. Tout change lorsque le maître de maison décide de louer l'étage à l'abbé Faujas et à sa mère, venus tout droit de Besançon. Missionné secrètement par Paris pour remettre Plassans dans le giron bonapartiste, l'homme d'église rate son entrée dans le monde. Félicité Rougon lui a bien ouvert son fameux salon vert, mais l'homme, avec ses manières brusques, son visage sévère et sa soutane usée a fait mauvaise impression. C'est par Marthe qu'il va conquérir les dames de la bonne société. A son contact, l'épouse modèle, et jusque là athée, s'ouvre à la foi la plus ardente et l'introduit chez les notables de la ville. Faujas, sous ses dehors réservé, s'immisce peu à peu dans la vie de ses propriétaires. Sa soeur Olympe et son mari viennent eux aussi loger chez les Mouret, bien décidés à obtenir leur part du gâteau. Octave, Serge et Désirée sont envoyés au loin, François, qui résistait à cette emprise, est déclaré fou et interné, Marthe se retrouve à la merci de l'abbé pour qui elle est prête à toutes les extrémités. Soutenue et recommandée par la nouvellement dévote, Faujas devient l'homme fort de la ville, bien vu du camp bonapartiste comme de celui des légitimistes auxquels il a ouvert le jardin des Mouret, terrain neutre où tout le monde se rencontre, discute et complote. Dépouillée de tous ses biens sans même sans rendre compte, rejeté par Faujas qui méprise les femmes, Marthe sombre dans la folie. le drame rôde, le dénouement ne pourra être que fatal.

Avec le quatrième tome de sa saga, Zola revient à la source, Plassans, pour un roman sombre et plein de tensions. On s'introduit dans la vie des Mouret, des époux consanguins puisqu'ils sont cousins. Jouissant de leur rente dans une maison coincée entre la sous-préfecture bonapartiste et la résidence du président du tribunal civil, légitimiste, les Mouret s'occupent peu de politique et n'ont pas de vie mondaine. Pourtant Plassans est un chaudron où chacun cherche la fortune, la reconnaissance, la gloire ou le pouvoir. Pour cela, on complote, on s'allie, on retourne même sa veste. A Paris, on s'inquiète de cette ville de province qui a élu un légitimiste aux dernières législatives. Faujas est donc envoyé à la reconquête de Plassans, à l'approche des prochaines élections. Dur, calculateur et ambitieux, l'abbé est pour Zola une proie de choix pour une critique du Clergé, plus préoccupé des choses terrestres que des affaires de Dieu, la piété de ses ouailles n'étant qu'un levier pour ses ambitions politiques. Autre thème : la folie. La grand-mère, Adélaïde Fouque, a semé cette graine chez des descendants, effrayés à l'idée de sombrer, toujours sur le fil du rasoir. François et Marthe n'échappent pas à la tare familiale : un grain de sable dans les rouages de leur vie tranquille et tout part à vau-l'eau. Et puis il y a Plassans, lieu de toutes les intrigues. Les camps opposés se livrent une guerre de prestige, de réputation, de relations. On s'épie, on médit, on complote, le moindre geste est disséqué, chaque parole interprétée, tout faux pas cher payé...
Avec cette Conquête de Plassans, Zola s'est surpassé dans la dissection de la noirceur humaine. Tous ces personnages en sont marqués, sans rédemption possible. Ambition démesurée, envie, jalousie, mesquinerie, maniaquerie, conspiration, avarice, vénalité, autoritarisme, fanatisme, autant de vices qu'il nous décrit par le menu dans un récit vif et, il faut le dire, plein de suspens. Addictif et brillant !
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♬ Noir, c'est noir... ♬
Quelle histoire ! Quelle histoire !
J'en suis toute tourneboulée !
Dans ce quatrième volume du cycle des Rougon-Macquart, Émile Zola fait preuve d'une férocité extrême envers ses contemporains.
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le clergé, à travers le personnage de l'abbé Faujas.
Quel être abject !
Sournois, menteur, manipulateur et arriviste en diable. L'abbé Faujas fait partie de ces personnes que je qualifie de "visqueuses". Un être répugnant, que j'ai pris un plaisir immense à suivre dans ses manigances tout au long du roman.
À travers lui, Émile Zola dénonce sans ambiguïté l'immixtion du clergé dans la vie politique.
L'abbé Faujas et ses coreligionnaires ne reculent devant rien. Mensonge, intimidation, chantage... des procédés pas très catholiques, mais très efficaces !
Pauvre famille Mouret qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment : à Plassans lorsque l'abbé Faujas arrive pour conquérir la ville. Pauvre famille Mouret dont la vie va basculer irréversiblement. Pauvres parents, pauvres enfants. Victimes innocentes, comme l'était la famille Clutter dans l'époustouflant de sang froid de Truman Capote. Une mauvaise rencontre, et la vie bascule.
Zola naturaliste nous montre ici qu'il sait aussi merveilleusement décrire à travers l'action.
Nous sommes bien loin du Ventre de Paris et de ses longues descriptions ; ici, Zola fait agir ses personnages, et nous les dépeint très précisément à travers ce qu'ils disent et ce qu'ils font.
Cette conquête de Plassans m'a tenue en haleine de bout en bout. Depuis le début où l'on pressent que louer à l'abbé Faujas un étage de la maison n'est pas une bonne idée, jusqu'à la fin où tout s'accélère et où j'ai fini à bout de souffle.
Cette conquête de Plassans est un véritable thriller dans lequel Émile Zola tire merveilleusement bien les ficelles, instille le doute à doses savamment calculées, promène le lecteur comme il le souhaite, et mène l'histoire à un rythme dont il maîtrise parfaitement les accélérations.
Un sens aigu de l'intrigue, servi par une écriture splendide. Que demander de plus ?
J'ai cherché sur internet, et sauf erreur de ma part, La conquête de Plassans n'a jamais été adapté en film, pourtant le roman s'y prêterait formidablement. J'imagine déjà certaines scènes, certains décors ; je distribue déjà les rôles. Cela se fera peut-être un jour.
Émile Zola se montre dans ce roman à la hauteur des plus grands scénaristes. Il sait faire monter la tension d'une façon très efficace.
Le début a l'air anodin, mais le lecteur attentif qui lit entre les lignes soupçonne quelque chose. Quelque chose d'indéfinissable, d'insaisissable, mais bien réel. Un malaise à venir, même si rien n'est visible encore.
J'adore ce procédé quand il est utilisé finement, quand les ficelles ne sont pas trop grosses. Je pense à La classe de neige d'Emmanuel Carrère ou à l'inoubliable Shining de Stanley Kubrick. Rien que ça !
L'abbé Faujas, habile en diable, va donc s'immiscer dans la vie de la famille Mouret. Il va grignoter petit à petit ces braves gens. Mais il n'est pas seul dans cette entreprise. Il est aidé par des membres de sa propre famille, mais aussi par les habitants de Plassans.
Précisément par la "société" de Plassans.
Ce groupe de notables qui font la pluie et le beau temps dans la ville. Ces gens "bien" qui vont se révéler des alliés très efficaces, à travers une pratique que Zola adore dénoncer : le commérage.
Dans le ventre de Paris, mademoiselle Saget était à la tête d'une belle bande de commères. Ici, c'est plus diffus. Pas de meneur, mais dans la petite ville étriquée, où tout ou presque se joue dans le jardin dans lequel la bonne société se rassemble, chacun cancane à loisir. Chacun se livre au voyeurisme et à la médisance sans aucune retenue.
Il suffit d'amorcer, de faire jaillir une petite étincelle, et tout s'enchaîne : la malveillance et le goût des ragots font le reste.
Un petit rien finit par prendre des proportions énormes. La machine s'emballe, plus rien ne peut l'arrêter.
Pauvre Mouret, victime de l'abbé Faujas, victime des bonnes gens de Plassans, victime de la plume d'Émile Zola, car n'oublions pas que tout ceci n'est qu'une fiction.
Une fiction, vraiment ? Pas si sûr, et c'est ça qui dérange : de se rendre compte que toutes ces horreurs sont plus que réalistes, qu'elles peuvent se produire, qu'elles se produisent sans doute.
Je découvre dans ce roman Émile Zola au sommet du cynisme. Je ne sais pas encore ce que me réserve la suite, mais j'ai plus que jamais envie de poursuivre la lecture du cycle des Rougon-Macquart.
La nature humaine ne sort pas grandie de ces pages, mais moi, lectrice, j'en sors totalement conquise.
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À Plassans, berceau des Rougon-Macquart, Zola nous convie à un fascinant et écoeurant théâtre de marionnettes. Tandis que les uns manipulent habilement les ficelles, mus par une ambition sans limite, les autres se laissent aveuglément et fatalement diriger par ces mains immorales et viles aux appétits insatiables.

Et pourtant, les rideaux s'ouvrent sur une scène familiale bien paisible, en apparence : une terrasse, un air doux de début d'automne, la tranquillité d'une mère, Marthe, qui raccommode un bas, entourée par ses deux grands garçons Octave et Serge, et par sa fille Désirée à l'esprit resté enfantin. Quelques bruits de vaisselle qui s'entrechoque percent juste la quiétude de cette soirée. Rose, la cuisinière d'humeur volcanique, s'irrite du retard de Monsieur Mouret.
Le dîner à peine servi, c'est l'arrivée de l'abbé Faujas, talonné par sa mère, qui vient perturber la routine casanière de la famille. En effet, Mouret, un peu pingre, a décidé de louer le second étage et bien mal lui en a pris !
Derrière sa soutane élimée et avec sa stature haute et robuste, sa physionomie rude d'où émane parfois un regard doux pour charmer sa proie, l'abbé Faujas cache une personnalité ambitieuse, avide, non pas de richesses, mais de pouvoir. Sa charité chrétienne est inexistante et il se fait parfois violence pour cacher tout le mépris qu'il éprouve, particulièrement à l'égard de la gent féminine.
Après des débuts maladroits pour percer le microcosme politique de Plassans, il suivra les judicieux conseils de Félicité Rougon, la mère de Marthe, une des marionnettistes les plus virtuoses de la scène !
Il devra donc s'attirer les bonnes grâces des dames, en commençant par Marthe, la douce maîtresse de maison qui plongera dans la dévotion la plus totale, comblant un vide qu'elle aurait mieux fait de laisser vacant.

Dans le jardin et dans la maison des Mouret, l'abbé, se cachant humblement derrière son bréviaire, actionnera les ficelles de ses marionnettes en s'octroyant les services de sa soeur et de son beau-frère, cupides jusqu'au bout des ongles, qu'il introduira dans son spectacle pour évincer le maître de maison. La perfidie est sans aucun doute le mot qui définit le plus précisément le caractère de cet ignoble abbé Faujas.

Théâtre de l'ambition personnelle, ce roman cruel piétine et écrase allègrement toute personne représentant de près ou de loin une menace sur la route qui mène au sommet visé.
Cette ville de Plassans, passée aux légitimistes, doit revenir coûte que coûte aux bonapartistes. Le pouvoir politique se mêle au pouvoir religieux dans des rivalités ecclésiastiques où la religion n'est plus qu'une façade et un tremplin pour conquérir la ville.
Point d'envolée lyrique dans ce quatrième tome de la saga, Zola s'est concentré sur l'action et sur la montée psychologique implacable de l'accession au pouvoir.
Il n'oublie pas non plus le poids de l'hérédité qui reste une des composantes qu'il désire disséquer dans cette fresque familiale. Ici, il a choisi la folie de la grand-mère qui risque bien de ressurgir lorsque la perversité des hommes lui facilite le chemin.

Avec une aisance époustouflante, une plume qui se boit comme du petit lait, Zola orchestre une tragique manipulation servant des ambitions dévorantes. Il met en scène des âmes et actions humaines monstrueusement édifiantes et complètement vierges de toute charité qui se cachent pourtant derrière une église qu'il dénonce ouvertement.
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Marthe et François Mouret mènent une paisible vie de négociants retraités à Plassans. Ils habitent une belle maison de village avec leurs trois enfants, Octave, Serge et Désirée. Vient le jour où Mouret décide de louer le deuxième étage à l'abbé Faujas et à sa mère. Chez les Mouret, on n'est pas vraiment religieux, plutôt athée, voire révolutionnaire. Les premiers temps de la cohabitation sont tendus : Mouret voit d'un mauvais oeil la discrétion de son locataire et « la volonté bien nette prise par l'abbé de se tenir barricadé chez lui. » (p. 39) Et partout en ville, on se demande qui est cet abbé et quelles sont ses intentions. « L'abbé Faujas tendit les bras d'un air de défi ironique, comme s'il voulait prendre Plassans pour l'étouffer d'un effort contre sa poitrine robuste. » (p. 30)

C'est dans le fameux salon vert de Félicité Rougon, la mère de Marthe, que l'abbé Faujas révèle ses ambitions. Ce salon, objet des convoitises des Rougon dans La fortune des Rougon, est un panier de crabes où tout Plassans se retrouve. « Les Rougon vous font oublier Paris. On ne se croirait jamais à Plassans, ici, c'est le seul salon où l'on s'amuse, parce c'est le seul où toutes les opinions se coudoient. » (p. 85) Dans le salon vert, les ragots et les médisances vont bon train, mais une conversation peut compromettre une situation. Alors, si tout le monde y est reçu, il faut surveiller ceux qui s'asseyent à côté de vous. Et même si l'on méprise les Rougon pour leur fortune de parvenus, on enrage de ne pas avoir ses entrées dans ce salon.

Après des débuts déplorables dans la bourgeoisie provinciale de Plassans, l'abbé Faujas se rachète doucement une conduite en incitant Marthe à créer une maison pieuse pour les jeunes filles. « Les Mouret, d'ailleurs, étaient devenus l'honorabilité de l'abbé Faujas. » (p. 129) L'épouse Mouret entraîne dans son sillage toutes les matrones de la ville qui se réjouissent d'afficher leurs largesses dans une oeuvre sociale. Désormais, c'est à qui s'attirera les bonnes grâces de l'abbé et s'en fera remarquer. En réalité, l'abbé Faujas tisse une toile patiente : il passe par les femmes pour atteindre les maris et amadouer l'évêché. Ses ambitions religieuses n'ont rien à envier aux manigances politiques qui ont agité la ville quelques années plus tôt.

Le changement le plus important est celui de Marthe. L'épouse placide, toute dévouée à sa famille et à la tenue de sa maison, devient soudain enragée de religion, totalement acquise à Faujas qui ne sait comment tempérer les ferventes ardeurs de la ménagère. Impuissant, Mouret voit peu à peu son épouse, sa famille et même sa maison lui échapper, pour passer aux mains de l'abbé, de sa mère et de sa soeur. Et il n'y a pas jusqu'à son précieux jardin, son havre de paix et de bonheur, qui lui est retiré. L'emprise des locataires sur la maison des Mouret semble sans limites et représente la miniature de ce qui se passe à Plassans. Au terme du roman, la ville est complètement acquise à l'Empire, les dernières poches de résistance ont été vaincues. L'abbé Faujas a réussi la conquête de Plassans.

Ce roman peut se lire directement après La fortune des Rougon. On y retrouve Félicité, toujours ambitieuse et accrochée à sa richesse toute neuve. La brouille entre les Rougon, les Macquart et les Mouret, de proches cousins, ne cesse de grossir. Même loin de Paris, la bourgeoisie s'accroche à ses privilèges. Après tout, Plassans aussi offre à ceux qui savent les saisir des opportunités grandioses de faire fortune. « Plassans est une petite ville où l'on s'accommode un trou à la longue. » (p. 83)

Comment expliquer ce grand bonheur qui me saisit chaque fois que j'ouvre un roman d'Émile Zola ? Je retrouve sa plume avec un plaisir fou et la certitude de ne pas être déçue. La conquête de Plassans a tenu toutes ses promesses. le temps d'un roman, l'auteur m'a entraînée loin du Paris des autres volumes de la saga Rougon-Macquart. Et je reviens enchantée de mon voyage et de la lecture de cette étude acerbe de la société bourgeoise qui sévit en province.
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Quatrième tome des Rougon-Macquart, La conquête de Plassans dépasse en virtuosité tout ce que j'ai pu lire jusqu'ici !
Zola y excelle dans l'analyse de la société et ses travers.
C'est noir à souhait, satirique, grinçant, mais c'est aussi totalement addictif, passionnant, captivant.
Il abandonne les longues descriptions dont il est friand au profit de l'action et de chapitres plus courts qui donnent une belle dynamique à la lecture.
Le thème principal abordé ici est la manipulation insidieuse et dévastatrice,
Elle est d'autant plus machiavélique qu'elle est exercée par un prêtre plein d'ambition qui considère la femme comme un suppôt de Satan.
La folie qui s'empare des époux Mouret, conséquence probable d'une consanguinité génétique, ajoute encore au drame en les érigeant en victimes impuissantes.
La tension monte tout au long du récit et la fin est grandiose et apocalyptique.
Si les tomes suivants sont de la même qualité, cela promet de nombreuses et belles heures de lecture !
Je m'en réjouis !
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Suspens et conspiration aux confins de l'empire : Nous voilà donc revenus à Plassans sur les lieux de « la fortune des Rougon », dans un contexte qui à première vue parait plus apaisé ; or, l'on apprend vite que l'horrible Félicité Rougon y sévit toujours, ce qui ne peut être de bonne augure…
L'abbé Faujas est infiltré à Plassans pour retourner la ville en faveur du pouvoir bonapartiste. Il s'installe chez le couple Mouret, d'où il tisse peu à peu sa toile sur les esprits et pouvoirs en place.

Autant la lecture de « la fortune des Rougon » m'avait été un peu pénible, ou tout le moins poussive, autant j'ai dévoré ce thriller psycho-politique machiavélique, très rythmé en courts chapitres, fascinée par la sourde progression de violence qui s'y déploie : plus que les machinations électoralistes et mesquins enjeux de pouvoir qui servent de trame de fond au roman, je me suis glacée l'échine à suivre la pièce qui se joue entre les principaux personnages, le couple Mouret, victimes sacrificielles, et l'abbé Faujas, manipulateur spectral ; la manière dont ce dernier prend peu à peu possession de leur maison, de leur jardin, de leurs biens, de leurs cercles sociaux et de leurs vies fait véritablement froid dans le dos !

Jusqu'au dénouement tragique de la scène finale, qui se déroule sous les yeux des « ambitieux vulgaires », pas un instant de répit dans ce roman noir de folie, dans lequel Zola ne nous épargne aucune des vilénies de l'âme humaine.
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"Moi, je veux régner par l'effroi. »

Ce vers du Revenant de Baudelaire n'a pas quitté ma pensée pendant ma lecture de la Conquête de Plassans.

Scène de la vie de province, bataille de sauriens dans le marigot ecclésiastique, ultime étape de la conquête bonapartiste sur quelques cités rétives comme la réactionnaire et légitimiste Plassans-Aix , et, bien sûr, démonstration éclatante des dégâts psychiques de la consanguinité sur une branche des Rougon-Macquart , La conquête de Plassans est tout cela, aucune contestation possible.

Mais c'est avant tout, à mes yeux, l'histoire d'une emprise.

Celle d'un de ces personnages haut en couleurs - si j'ose dire car ici, la seule couleur c'est indubitablement le noir !!- comme savait surtout en créer Balzac…Et d'ailleurs, l'abbé Faujas –voilà la bête- est une sorte de Vautrin- Herrera, une chimère en robe ecclésiastique élimée, à coeur de tigre et oeil de loup, courroucé et inflexible comme le diable lui-même.

Comme Vautrin, comme Ferragus, -Balzac, toujours- Faujas traîne avec lui sa bande de coquins : sa famille- la mère, la soeur, le beau-frère. Elle le suit partout, lui obéit, le sert et le protège, dévouée et docile, dans toutes les basses besognes. Lui se contente d'être là, de faire parler son entourage, de prendre des notes.

Et de faire peur. Régner par l'effroi...

L'innovation de Zola est d'avoir mis du Tartuffe dans ce terrible personnage. Comme chez Molière, Faujas investit d'abord une maison, mais à la différence du dévôt de pacotille, dans le jeu duquel chacun lit aisément, ( à l'exception notoire du maître de maison, Orgon et de sa mère, madame Pernelle), notre abbé Faujas, lui, bluffe tout le monde et quasiment sans rien faire. Ni haire, ni discipline, ni génuflexions. Pas de mômeries, de simagrées, de mimiques et de soupirs dévots…

Less is more !

Il se contente de frugalité, de rudesse, de cette terrible autorité qui met chacun à ses pieds, ...et passe pour un saint, un peu rude, certes, mais c'est si bon de se faire rudoyer quand on a un peu de ménage à faire dans sa conscience…

Lentement, irrésistiblement, il occupe les lieux, les places, les coeurs, et les âmes. Régner par l'effroi...

Ce parasite religieux -et dangereux- est le locataire de la famille Mouret.

Loin des intrigues des parents de madame, les fameux Rougon, les Mouret vivent une petite vie pépère, dans une jolie vieille maison de Plassans, entre deux hôtels abritant les adversaires politiques les plus acharnés: légitimistes d'un côté, et bonapartistes de l'autre.

Position hautement stratégique, poste d'observation et d'action idéal pour notre terrible abbé qui a un petit côté espion- qui -venait -du -froid- il vient de Besançon- mais semble piloté de loin par une huile parisienne du pouvoir impérial!


François Mouret, aimable tyran, esprit fort, caustique, à la fois débonnaire et tatillon, règne bourgeoisement sur sa petite famille. Marthe est une épouse affectueuse et docile, une mère aimante et douce qui se montre très attentive à ses trois enfants, deux adolescents remuants, Serge et Octave, et Désirée, une jeune fille "demeurée en enfance" comme on dit pudiquement, tandis que Rose, la cuisinière, bougonne et dévouée, veille au confort et au bien-être matériel de la maisonnée.

Tout baigne.

Jusqu'à l'arrivée du noir abbé Faujas et de son inquiétante maman, taciturne et sur-protectrice…Bientôt suivront les Troche - la soeur de l'abbé , une voleuse sans vergogne, et son beau-frère, un vrai gangster.

Comme disait une vieille dame bostonienne de ma connaissance en parlant ….des Kennedy, alors tellement chéris en France : « That gang in the White House ! »

Alors, comme une lèpre, le « gang » en question contamine de sa noirceur tout ce qu'il touche : François Mouret, le maître de maison, esprit fort, cynique et républicain, est le dernier à résister, mais le premier à succomber à une folie qui va ravager tout son foyer : folie mystique de Serge, le fils, lente chute dans l'animalité de sa fille, progressivement abandonnée aux ténèbres de son esprit- on pense à "Berthe", De Maupassant- et surtout folie mystico- nymphomaniaque (à moins que ce ne soit nympho-mystique ?) de sa femme, la pauvre Marthe, raide-dingue de ce Moine à la Lewis…

Régner par l'effroi...

Dans les douces collines de la campagne aixoise, se dresse le sinistre asile d'aliénés des Tulettes où est déjà enfermée la tante Dide…. Comme dans la chanson de Jacques Brel : « Au suivant !! »

C'est cette emprise psychique et physique qui est proprement sidérante et captivante, dans le livre- nettement plus intéressante que son explication politique, quelque peu embrouillée et confuse.

Car l'abbé ne se contente pas des Mouret : il veut TOUTE la ville, avec ses salons, ses clans politiques, son aristocratie et sa haute bourgeoisie, et jusqu'aux rares représentants du prolétariat.

Tous dans sa manche comme un jeu de cartes !!

Il aspire à conquérir le vicariat, l'évêché. Les bonnes oeuvres sont son cheval de Troie : un Cercle de la Jeunesse, oui, un café –avec billard et boissons alcoolisées, on ne recule pas devant ces péchés véniels !- pour y canaliser et y contrôler la jeunesse dorée compromise dans une série de bringues et de scandales, une Crèche de la Vierge pour jeune filles pauvres , pas toujours très vierges, «abandonnées» de jour par leurs parents «ouvriers», et qui seraient tentées de tomber dans le ruisseau des petites rues louches.. Jeunes gens riches, jeunes filles pauvres…tous les sexes et toutes les classes sociales sont sous contrôle !

Cette irrésistible ascension d'un monstre recevra sa sanction…

Je vous laisse la découvrir : elle est à l'image de cette haute figure diabolique qu'on n'est pas près d'oublier !

Du très bon Zola, plein de rythme, de suspense et de noirceur!!








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Un Zola des Rougons Macquart sans grosse scène d'exposition pour planter le décor et avec beaucoup moins de longues descriptions que d'habitude, est-ce que ça existe ? Oui, et je viens de le découvrir en lisant cette conquête de Plassans. Et est-ce que du coup c'est encore vraiment un Zola ? Eh bien, oui, figurez-vous.

C'est encore un Zola parce que le lieu et le contexte reste des personnages à part entière du récit. C'est le retour à Plaasans après deux épisodes parisiens. et c'est ce qui explique en partie que les descriptions soient moins nécessaires. Zola ne fait que brièvement rappeler la configuration de la ville parce qu'il doit supposer que beaucoup de ses lecteurs sont restés fidèles et l'ont découvert dans la fortune des Rougons. Ici, c'est même le lieu précis des trois jardins (de la sous-préfecture, de la famille Mouret et des légitimistes) qui sert de théâtre principal à l'action. Un théâtre peut-être plus artificiel que d'habitude, car on a du mal à imaginer une telle configuration dans la vraie vie, la vie naturaliste. Mais il sert tellement le propos qu'on laisse volontiers la bride sur le cou à Mimile (ouais, on a élevé les Rougons ensemble, ouais).

C'est encore et même plus un Zola parce que ici les Rougons-Macquarts se re-rencontrent dans une même famille. Un Macquart (Mouret mais issu Macquart) épouse une Rougon (une vraie). le sang s'est dilué sur une génération, il rend acceptable la consanguinité de cousinage. La déficience mignonne au démarrage de la troisième enfant Désirée annonce gentiment que ce couple tranquille ne pourra pas le rester longtemps. Il va subir le poids de l'hérédité, comme tous les personnages de la saga... et sans doute même en démultiplié, mais ne divulgâchons pas.

C'est aussi un Zola parce que les personnages secondaires hors saga sont aussi très fort. L'abbé Faujon et sa famille sont sans doute les plus impressionnants que j'ai croisé dans mes lectures de la série, à l'égale d'une famille Maheu dans Germinal... mais pour d'autres raisons.

C'est enfin un Zola parce que les thématiques sociétales avec l'affrontement politique des différents camps (légitimistes, républicains et officiels impériaux) et une certaine critique de l'institution Eglise, sociologiques avec l'importance des ragots et des commérages des voisins sur la vie d'une famille entière, humaines tout simplement avec un regard puissant sur la folie et sa montée.

Un vrai bel opus de la série donc, qui mériterait une plus grande renommée que ce que le temps et l'Education Nationale ne lui ont pas fait. Un tome à découvrir si nécessaire, comme une sorte de prequel également de la faute de l'Abbé Mouret, dont le destin est déjà inscrit en creux dans celui de sa mère.
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