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sur 2183 notes
🍁 « Je vous en prie, ne prenez pas cette peine… l'unique droit de l'homme qui nous reste est bien celui de crever comme on l'entend… et de ne pas avoir à subir l'aide d'autrui. »
(P.101)

🍁 La brise est fraîche sur le pont du bateau, elle caresse gentiment les voiles, les quelques feuilles échouées s'envolent. Il fait nuit noire alors que le narrateur erre, voguant à ses pensées, avant de finalement s'asseoir pour apprécier le répit qu'offre la nuit. A ses côtés pourtant, un bruit de verre le sort de sa torpeur, il distingue une silhouette qui s'avance vers lui, et avec elle le sentiment d'un poids, un malaise, la peur. La silhouette s'approche des lumières qui éclairent le pont, et là narrateur découvre un homme, un être dont le désespoir s'échappe par le moindre pore et qui crée chez son interlocuteur une détresse similaire, un impérieux besoin de le secourir…

🍁 L'histoire qu'il s'apprête à livrer est terrible, le récit d'une femme désespérément fière en quête de secours dans un pays éloigné, où l'homme, médecin, a décidé d'opérer. Éternellement et farouchement seul, il voit en cet appel au secours une possible monnaie d'échange : son silence contre son corps. Il raconte son histoire et le rire comme réponse cinglante de la femme raisonne encore dans sa tête, ce défi, cette arrogance, cette fierté, comment oser… Alors qu'elle claque la porte pour s'enfuir de ce cabinet maudit, une rage folle s'empare du médecin, son orgueil piqué le pousse à la vengeance, à l'amok, « c'est plus que de l'ivresse », c'est « un accès de monomanie meurtrière et insensée », une colère aveugle et incontrôlable. Retrouver la femme. Se venger. Ne pas laisser passer… À moins que le destin ne s'en mêle et que le désespoir fasse commettre à l'un un acte irréparable… que reste-t-il à sauver ?

🍁 Comme dans chacun de ses écrits, Zweig explore la complexité de l'âme humaine confrontée à des dilemmes insolubles : que signifie réellement aider autrui ? Miroir de nos douleurs à vif, l'aide que l'on offre ne serait-elle pas en réalité l'appel à l'aide que l'on ose lancer ? Jouer avec la souffrance de ses pairs, l'instrumentaliser, prendre en otage… jusqu'à ce que le jeu auquel on se croyait maître nous renverse… et se joue de nous … alors il n'y a plus rien qui puisse nous sauver.

🍁 Magistral.



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En cette période angoissante de confinement, je peine à trouver mon refuge habituel dans les livres. Je me demande quoi lire, ma concentration n'y est pas, et alors que j'emprunte généralement une tonne de romans policiers à la bibliothèque que je n'ai jamais le temps de lire, je ne l'avais pas fait cette fois-ci. Puis j'ai pensé à Stefan Zweig, peut-être du fait de son livre-témoignage, « Le Monde d'hier »... le narrateur d'Amok embarque sur l'Océania, un transatlantique qui doit le ramener en Europe. Il sort la nuit sur le pont pour échapper à sa cabine et aux autres voyageurs, et y fait bientôt la rencontre d'un homme visiblement troublé, et désireux de se décharger d'une tension interne, d'un secret qui l'étouffe. « Je compris que cet homme voulait parler, qu'il fallait qu'il parlât. Et je savais que je devais me taire pour l'aider (p. 35). » Il y a quelque chose de la posture du thérapeute dans cette phrase, ce qui n'est pas surprenant, Zweig étant un fin psychologue des tourments de l'âme. Cet homme lui demande s'il sait ce qu'est l'amok, un état de folie meurtrière, de décompensation brutale, s'étant retrouvé lui-même subitement dans un état obsessionnel enfiévré, suivant la rencontre d'une femme suscitant en lui des désirs pervers de l'ordre de la domination, malaise qu'il nous donne à ressentir à travers son récit. Proprement exotique et impressionnant.
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Amok ? ...c'est de la folie, une sorte de rage humaine...
p62

Le narrateur rencontre sur un bateau allant de l'Asie vers l'Europe un passager étrange qui semble fuir le contact humain. Au deuxième jour, ce dernier raconte son histoire et comment en Malaisie , il est devenu l'Amok..

A nouveau Zweig nous emmène dans un récit dans le récit, avec tout son talent. Car si la langue est à son paroxysme, le talent de conteur du maître est impressionnant. En peu de pages, tout en dépeignant avec des épithètes chaque sentiment, chaque rictus facial, l'auteur nous un e intrigue finalement haletante , dont l'intérêt croît au fil des pages.
Comme dans d'autres de ses ouvrages , c'est la passion , ou plus encore ici la folie qui peu accompagner ce sentiment qui prévaut : On peut tout perdre mais il faut aller au bout de sa quête. Une fois sortie de cette folie, c'est l'honneur qui prévaudra, la fidélité à quelque chose que l'on n'a pas eu, rendant le personnage encore plus entier.

On note aussi un décalage flagrant entre le politiquement correct de l'époque , où le serviteur est un "jaune borné", où toutes les autochtones sont honorées de pouvoir soulager l'homme blanc. La société a quand même bien progressé même si elle n'est pas à l'abri d'une rechute.
Il n'empêche , prendre un bouquin de Zweig pour deux petites heures permet de toucher la grâce d'un génie.
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Représentez-vous un mari, un amant, un docteur, un boy, un inconnu qui gravitent autour d'une seule et même femme.
Cette femme, fière, sait comment se faire respecter mais on lui refuse, un jour, l'assistance et on la met dans l'embarras. Une histoire d'honneur et de déshonneur où le cas, clinique, n'est pas celui qu'on croit ; où le plus malade s'avère être le médecin, un médecin choqué par l'Amour, l'Amok.
Comment être un homme qui aime une femme et pourquoi, par amour, chercher en même temps à la servir et à l'asservir ? Dans un désir de connaissance de la femme, dans un désir de puissance, par impuissance ...
Zweig, par la puissance de sa narration, transmet l'impuissance d'une femme (parce que sa puissance n'est qu'apparence) au docteur, qui narre son histoire au premier narrateur, qui se retrouve à son tour témoin d'un drame, regard à la fois extérieur et intérieur car détenteur d'un secret, et le lecteur se retrouve à son tour dans la confidence, malgré lui, témoin et complice d'une sinistre affaire.
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Une nouvelle dans laquelle on retrouve le style de Zweig : une narration à la première personne dans un contexte plutôt sombre. Pour autant, Amok m'a beaucoup moins séduite que d'autres de ses nouvelles. L'histoire en elle-même est intéressante : un médecin des Indes néerlandaises raconte à bord d'un navire sa transformation en amok, une sorte de folie meurtrière. Pour autant, je trouvais que l'ambiance du livre n'allait pas avec les faits. Peut-être aurais-je dû le lire la nuit? :)
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Ma deuxième lecture de Stefan Zweig. J'ai beaucoup aimé l'étrangeté de cette nouvelle : le voyage à bord du transatlantique, le récit de nuit entre le deux hommes, le monde colonial, la folie du médecin... Un seul petit regret, que l'auteur n'est pas poussé encore plus loin la folie et l'étrangeté.
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Amok, Lettre d'une inconnue, La Ruelle au clair de lune … trois nouvelles qui nous entraînent dans le tourbillon de la passion, de la folie. Stefan Zweig, analyste subtil des consciences, dissèque les âmes humaines et il le fait diantrement bien. La psychologie complexe des personnages est percée à jour, analysée dans ses moindres recoins, ce qui rend les nouvelles si profondément humaines, vertigineuses et d'un réalisme à couper le souffle.

Amok nous plonge dans le sombre univers du remords, du désespoir et du délire mental. le narrateur, sur un paquebot ayant quitté la Malaisie et en route vers l'Europe, reçoit les confidences d'un médecin, exilé dans la jungle de Malaisie. Ce dernier, sur le pont-même du paquebot, avec en fond sonore le cliquetis des vagues et des verres de whisky s'entrechoquant, lui brosse l'histoire de sa propre déchéance. Comment la rencontre avec une femme venue avorter va faire basculer sa vie, déchaînant en lui passion et folie.
Stefan Zweig nous restitue l'intimité de ce médecin, et nous donne à comprendre la spirale destructrice dans laquelle celui-ci s'est embourbé. Stefan Zweig captive, j'ai tourné les pages de ce recueil sans m'en rendre compte; il maîtrise parfaitement l'art du suspense et de la dramatisation et c'est le cas dans tous les récits que j'ai pu lire de lui.
« Au mois de mars 1912, il se produisit dans le port de Naples lors du déchargement d'un grand transatlantique, un étrange accident sur lequel les journaux donnèrent des informations abondantes mais parées de beaucoup de fantaisie. Bien que passager de l'Océania, il ne me fut pas plus possible qu'aux autres d'être témoin de ce singulier événement, parce qu'il eut lieu la nuit, pendant qu'on faisait du charbon et qu'on débarquait la cargaison et que, pour échapper au bruit, nous étions allés à terre pour passer le temps dans les cafés ou les théâtres. Cependant, à mon avis, certaines hypothèses qu'en ce temps-là je ne livrai pas à la publicité contiennent l'explication vraie de cette scène émouvante ; et maintenant l'éloignement des années m'autorise sans doute à tirer parti d'un entretien confidentiel qui précéda immédiatement ce curieux épisode».

Lettre d'une inconnue, une nouvelle d'une musicalité exquise, une lettre-confession d'une inconnue adressée à un écrivain viennois célèbre et riche, une merveille…inoubliable, saisissante, d'une extrême intensité portée par une plume extraordinaire, une plume de génie. C'en est bluffant !
«Je veux te dévoiler toute ma vie, cette vie qui n'a vraiment commencé que le jour où je t'ai connu. Avant cela, il y avait au plus quelque chose de trouble et de confus, vers quoi ma mémoire n'a plus jamais plongé, une sorte de cave pleine d'objets et de gens poussiéreux, couverts de toiles d'araignées, et dont mon coeur ne sait plus rien. Quand tu es arrivé, j'avais treize ans et j'habitais dans cet immeuble que tu habites encore aujourd'hui, dans cet immeuble où tu tiens ma lettre, mon dernier souffle de vie, entre tes mains ; j'habitais sur le même palier, juste en face de la porte de ton appartement. Tu ne te souviens certainement plus de nous, de la pauvre veuve de fonctionnaire des finances (elle était toujours en deuil) et de la maigre adolescente. C'est que nous vivions si tranquilles, presque confinées dans notre misère petite-bourgeoise. Tu n'as peut-être jamais entendu notre nom, car nous n'avions pas de plaque à notre porte et personne ne venait, personne ne nous demandait. Et c'était il y a si longtemps, quinze, seize ans ; non, tu n'en sais certainement plus rien, non, aimé, mais moi, oh ! je me souviens passionnément de chaque détail, je me rappelle encore, comme si c'était hier, le jour, non, l'heure où j'ai entendu parler de toi pour la première fois, où je t'ai vu pour la première fois ; et comment aurais-je pu oublier, car c'est à ce moment-là que pour moi la vie commença. Consens, aimé, que je te raconte tout, tout depuis le début ; entends, je t'en prie, parler de moi ce seul quart d'heure sans te lasser, de moi qui de toute une vie n'ai pas cessé de t'aimer.»
Un amour sans aucune limite, un fantasme en réalité, un amour à sens unique puisque cet homme aussi charmant soit-il, ne la reconnait pas à chaque fois qu'il croise son chemin. Une passion dévastatrice. Et si cette confession soulève beaucoup d'émotion, elle montre aussi à quel point, une femme est capable de s'oublier par amour fou, jusqu'à annihiler sa propre existence, regarder passer sa vie sans la vivre réellement, la sacrifier ... "Je t'attendais, je t'attendais toujours, comme, pendant toute ma destinée, j'ai attendu devant ta vie qui m'était fermée."
Une nouvelle très touchante, immortalisée au cinéma par Max Ophüls en 1948, ou encore plus récemment (2001) par Jacques Deray.

La Ruelle au clair de lune dépeint si vivement l'humiliation en retranscrivant de façon tellement réaliste le dégoût ressenti par le narrateur, qu'une nouvelle fois, je suis en admiration devant le talent de Stefan Zweig.
«J'aurais voulu partir, mais tout en moi était alourdi ; j'étais là, assis dans cette atmosphère trouble et saturée, chancelant de torpeur comme le sont les matelots, enchaîné à la fois par la curiosité et par le dégoût, car cette indifférence avait un côté excitant.»
Un amour à sens unique, une passion dévastatrice, sont une nouvelle fois au coeur de cette nouvelle. L'humiliation est poussée à l'extrême. La passion amoureuse dans toute sa cruauté, sa perversité, et qui entraînera un couple à sa perte. L'homme est riche et avare, dominateur, pervers. Leur relation est un jeu, celui de l'humiliation; la pauvre femme est soumise et doit implorer pour avoir la moindre chose. Les rôles se sont inversées, on le comprend au fur et à mesure du récit, et pas tout à fait, dans le même ordre ici annoncé... mais je ne vous en dis pas plus, au risque d'aller trop loin, et d'enlever tout le piment que la structure du récit apporte à cette nouvelle.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Un voyageur embarqué à Calcutta, à la faveur d'une nuit, fait une étrange rencontre avec un homme, visiblement agité et pris d'alcool, qui se met à lui narrer une histoire troublante.
Mais revenons au titre de la nouvelle, Amok, terme malais désignant une rage incontrôlée, une forme de folie criminelle, entraînant finalement la personne qui en est victime à une mort violente. le personnage que rencontre le voyageur, semble lui aussi pris d'une forme de frénésie. Il conte sa vie de médecin, isolé de tout, sans relation sociale pendant de nombreuses années, que l'arrivée, inopinée en pleine jungle, d'une femme blanche résolue, froide et impérieuse, plonge dans un chaos psychologique. La demande qu'elle lui soumet sans réplique, comme un défi, d'un avortement, illégal à l'époque; son refus, suivit immédiatement par un repentir humiliant; créent une forme de décompensation, se manifestant par une fuite en avant, monomaniaque, tel un Amok, du patricien vers la perte conjuguée des deux protagonistes.
L'analyse clinique d'une monomanie, issue d'une pulsion sexuelle frustrée; la touffeur d'une atmosphère tropicale, propice à tous les dérèglements; le dénouement inéluctablement tragique mais qui reste néanmoins habilement conduit; sont les éléments-clés de l'engrenage diaboliquement monté par un auteur passé maître en vivisection du psychisme humain.
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Ce qu'il y a de bien avec Stefan Zweig, c'est que l'on est jamais déçu.
Il s'instaure au fil des lectures de ses nombreux romans ou nouvelles une sorte de jeu :découvrir le moment où l'intrigue bascule dans un tourbillon infernal de sentiments incontrôlables.
Amok représente à merveille cette impression: la nuit sur un pont de navire revenant de Malaisie, le récit d'une passion au delà de la raison, l'Amok et on se laisse emporter dans les flots avec d'autant plus de plaisir que dans cet Audio- livre c'est la voix profonde de Michael Lonsdale qui la raconte .
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Décidément, Stefan Sweig est l'un de mes auteurs préférés. En à peine quelques lignes, il capture mon coeur de lectrice.
J'ai adoré la façon dont le narrateur raconte sa rencontre avec un médecin (le "Fou de Malaisie") sur un bateau, de nuit dans une ambiance très mystérieuse.
Ce médecin lui explique alors comment sa vie a basculé le jour où une femme d'une classe supérieure vient lui demander son aide pour se sortir d'une situation bien embarrassante pour une femme mariée..
Du rythme, de la tension, de l'amour, de la haine, du désespoir.... Rien de bons ingrédients!
Une histoire captivante!
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