l'un des plus grands philosophes
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Nous ne pouvons guère plus cesser de percevoir quelque chose qui nous résiste, que cesser de sentir notre propre existence. L'impression d'effort est la première et la plus profonde de toutes nos habitudes ; elle subsiste pendant que les autres modifications passent et se succèdent ; elle coïncide donc avec toutes, et leur fournit une base où elles s'attachent, se fixent. Mais l'effort suppose deux termes, ou plutôt un sujet et un terme essentiellement relatifs l'un à l'autre ; c'est bien toujours le sujet qui est modifié, mais, s'il ne faisait que sentir, il demeurerait identifié avec sa modification, et s'ignorerait lui-même ; il ne peut se connaître sans se circonscrire, sans se comparer à son terme ; c'est dans ce dernier qu'il se perçoit, qu'il se mire en quelque sorte, c'est donc là qu'il rapportera également tout ce qu'il distingue et compare.
L'histoire des erreurs, des folies bizarres ou atroces de l'esprit humain, depuis le berceau des sociétés jusqu'à leur vieillesse, prouvent assez la force et l'ascendant général des illusions, des croyances et des pratiques superstitieuses de toute espèce, l'énergie et l'impétuosité des sentiments, l'opiniâtreté et la persistance de toutes les habitudes qui se rattachent à cette origine.
Ainsi l'habitude nous cache sous le voile de l'indifférence, la force des liens qu'elle a tissés ; pour connaître ces liens il faut vouloir leur échapper, il faut les sentir se relâcher, se briser ! ...
Ce sont des signes d'habitude qui, abstraits, en quelque sorte, des perceptions familières, et transportés au sein de formes nouvelles tout à fait différentes, donnent à nos premiers jugements une généralité trompeuse, et commencent à ouvrir le cercle de l'erreur avec celui de la connaissance.