Les premières cases commencent durant la Seconde Guerre Mondiale, sur le front européen… Dans la neige, il y a Al, un soldat yankee qui regarde un Dog Tag (plaque militaire) au milieu de ses compagnons d’armes morts.
Flash back vers 1929, après le crash boursier. Altenberg (Al), notre héros principal, le soldat des premières cases, se dispute avec ses parents. C’est un jeune gamin qui soutient qu’en Amérique, les gens se font tous seuls.
Altenberg déteste son prénom, il se sent américain puisque né sur le sol américain, il sait que tout est possible en Amérique et il se sauve de la maison, fâché sur ses parents, avant de revenir vers l’immeuble… Immeuble qui vient de disparaître dans les flammes. Le voilà seul au monde, notre Al…
Livré à lui-même, dans la rue, il devient, comme Picsou, un cireur de chaussures : un Bootblack. Sauf que lui ne trouvera pas son sou fétiche et qu’il va galérer pour tenter de se hisser au-dessus de sa condition, allant de galère en galère, de plans foireux en plan avec des mafiosi, tentant d’obtenir de l’argent pour emmener la belle Maggie sur la grande roue à Coney Island.
Voilà un diptyque sombre, très sombre, mais réussi ! La misère sociale de l’Amérique est présente à chaque page : les ruelles sordides, les chômeurs, les gosses qui bossent pour des clopinettes, côtoyant le beau linge en col et cravate qui se font cirer les pompes et les immigrés qui tentent de vivre le rêve américain…
La xénophobie est omniprésente dans ces pages, notamment avec notre jeune Al qui, tout fier d’être né en Amérique (d’émigrés allemands), traite tous les autres de métèques (ceux nés ailleurs), tant il se sent plus américain qu’un vrai natif.
Le seul bémol de ces deux bédés, c’est que l’auteur mélange souvent les époques sur les mêmes planches, sans préciser qu’il vient de faire un bon dans le temps. Cela met de la confusion inutile. Je n’ai rien contre les récits qui ne sont pas linéaires, que du contraire, ça pimente le récit de le fractionner, mais il faut de même faire attention à ne pas perdre ses lecteurs dans ces multiples opérations.
La preuve, je n’avais pas compris pourquoi, tout d’un coup, un homme lui disait qu’il n’oublierait pas l’année 45, alors que la case d’avant, nous étions en 35… Ok, changement d’époque, bon en avant, puis, hop, retour en arrière. Ça donne le tournis.
Les dessins sont superbes, hyper détaillés (avec de multiples références que je n’ai pas toutes vues ou comprise), donnant l’impression que nous sommes à New-York, dans les quartiers mal famés. C’est assez cinématographique, d’ailleurs. On a des gros plans sur certaines scènes, ce qui intensifie ce que l’auteur veut nous montrer, sans que l’on comprenne tout de suite de quoi il retourne.
Avec sa construction non linéaire, commençant presque par la fin, l’auteur nous fait découvrir son histoire par petits morceaux et ce n’est qu’une fois arrivé au bout des deux albums que la trame est visible, dans son entièreté, dans notre esprit.
Explorant une partie de l’Amérique entre les années 1929 et 1945, l’auteur m’a fait vibrer avec des personnages attachants, des anti-héros, des gamins drôles, amusants, même si un jour, leurs jeux tourneront mal.
Le final est surprenant, je ne l’ai même pas vu arriver et il était bien trouvé et il met bien en place la déconstruction du fameux rêve américain : le rêve n’était qu’un rêve et très peu ont réussi en devenant des self-made man.
Une belle fresque historique et sociale sur les conditions de vie des petites gens en Amérique… Oui, c’est l’Amérique d’en bas qui grouille dans ces pages. Et c’est une réussite totale.
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