Fraîchement bagué, il s'était juré que son mariage avec Camille ne ferait jamais naufrage, comme tant d'autres, usés par leurs années de lit à deux places.
- Je t'aimerai toujours.
- Commence d'abord par m'aimer tous les jours...
Se pourrir la vie... En y repensant, Jeanne se disait qu'elle avait mené une existence décourageante tellement elle y avait mis du sien pour s'infliger un sort irritant. Il n'y avait pas que son insistant besoin d'infini pour la torturer et l'empêcher de jouir de ce que la vie, bonne fille, s'acharnait à lui accorder ; non, il y avait surtout cette manie qu'elle avait de se désigner comme volontaire pour se bricoler elle-même du malheur, de la frustration à gogo et de l'emmerdement gratis.
Pauvre Elke....elle ignorait que les hommes se rassurent en formulant des paroles dont ils sont eux-mêmes les dupes. Ils crient de pseudo-certitudes en espérant que l'écho les convaincra.Il faudrait le dire aux petites filles; mais souhaitaient-elles l'entendre?
Les hommes aiment croire en l'innocence des gars sympathiques, et en la culpabilité des salauds. Ça rassure !
"On ne peut aimer les siens et s'en faire aimer qu'en vérité ; le reste n'est qu'habillage et amour friable."
Liberté désirait un amour parfait, sinon rien. Inapte aux compromis, elle ne concevait pas d'aimée avec modération.
Article paru dans Libération du 27/03/2008
Effroyables Jardin
C' est un titre dans le Figaro du 19 mars, presque un pitch. Il attire mon attention. «Les tests ADN ont tranché : contrairement au récit du romancier Alexandre Jardin, son frère Frédéric n'est pas le fils de Claude Sautet.» Bref rappel des faits : dans le Roman des Jardin, chronique people parue en 2005, ledit Alexandre proclamait, comme une vérité acquise et déjà de notoriété publique, que Sautet était bel et bien le père de l'enfant qu'avait mis au monde en 1968 l'épouse de son ami Pascal Jardin. C'est même cela, ajoutait-il, cette situation de trio amoureux, qui avait directement inspiré le scénario de César et Rosalie. Beau casting, au demeurant : Yves Montand dans le rôle de Pascal Jardin, Romy Schneider dans celui de Mme Jardin, et Sami Frey en Claude Sautet. Pourtant, quelques-uns dont je suis s'émurent fort de ce tapage, au nom de leur amitié pour le metteur en scène, un homme connu pour sa probité ombrageuse et son sens rigoureux des responsabilités.
La besogneuse construction romanesque d'Alexandre était en réalité une opération de (petit) style pour appuyer la cause d'un héritier abusif. Le livre, sorti tout à point, servait à ça, à renforcer le dossier de son frère Frédéric dans sa procédure judiciaire face à Yves Sautet, fils «officiel» du cinéaste. Intimidation et coup de force. Le Roman des Jardin devenait du coup un levier médiatique, une préparation d'artillerie extrêmement élaborée et efficace. Cascades d'interviews dans la presse, les radios et les télés, et jusque sur le Net. D'une pierre deux coups, Alexandre promotionnait son livre à tour de bras, tout en positionnant son frère en fils de Claude Sautet.
On pourrait, bien sûr, être touché par la démarche d'un «fils» aux ambitions artistiques qui, après la mort de son «père» artiste, éprouve le besoin d'une reconnaissance qu'il n'a pas su lui demander de son vivant. Frédéric confie alors à qui veut l'entendre qu'il est le fils de Claude S. Peut-être du reste le croit-il, ou le lui a-t-on laissé croire. Hypothèse qui fait froid dans le dos. Qui d'autre qu'une mère manipulatrice, en effet, eût pu le lui révéler ? Et pourquoi ? En vue de quelle sombre machination ? Le roman des Jardin est tissé de ces mystères en trompe-l'oeil.
Dans son assignation, Frédéric, qui jure sur ses grands dieux ne pas être «intéressé», n'en demande pas moins que lui soit attribuée la gestion des droits d'auteur de Claude S. (et l'apport financier qui en découle). Il s'estime en effet «mieux à même de valoriser son oeuvre que son fils Yves, qui n'exerce pas une profession en rapport avec le cinéma»[sic]. Grosse ficelle.
Bien que le tribunal ait tranché, Frédéric refusera d'accepter le résultat du test ADN prouvant qu'il n'est pas le frère biologique d'Yves Sautet. Et même, il s'entêtera en contraignant celui-ci à se soumettre à un second test génétique, pour déterminer cette fois. qui des deux est le fils biologique de Claude S. ! Laissant planer le doute au passage sur une infidélité de l'épouse du cinéaste, la douce et aimante Graziella. Mais la molécule d'hérédité a parlé : Yves est bien le fils de son père (c'est sur un neveu du cinéaste qu'aura été prélevé le chromosome Y).
La cause étant entendue, la discrétion eût été de mise. Or voilà que de nouveau Alexandre Jardin fanfaronne et plastronne, la chose au monde qu'il sait le mieux faire. Cela, n'est-ce pas, ne peut pas nuire à la promo de son nouveau livre (à paraître le 2 avril). Via le Figaro, il croit s'en sortir par une pirouette de voyou m'as-tu-vu. Il réagit, écrit le journal «avec humour» ( !) en grand écrivain qui prend de haut les ternes contingences sociales. On est auteur ou on ne l'est pas ! « Chez nous, ose-t-il affirmer sans rire, la fiction est plus forte que le réel.» Phrase saisissante. Il poursuit avec son arrogance et son cynisme habituels : « Plus les années passent, et plus je comprends pourquoi je suis devenu écrivain. C'est à la fois terrifiant, gai, drôle et superbement romanesque. Cela prouve qu'il n'y a pas de médiocrité dans notre famille. Le seul inconvénient chez nous, c'est que le prix émotionnel est fort.» La chute est belle. Donner pour vraies ses affabulations (sans tenir compte de ceux qu'il a pu gravement blesser), ça n'est pas faire oeuvre d'écrivain, c'est tricher avec la vie-même, c'est violer le secret des êtres, se moquer de leur douleur, c'est manipuler l'opinion, se comporter en faussaire plutôt qu'en créateur.
Peut-être n'y a-t-il pas de médiocrité dans cette «famille extraordinaire». La bassesse d'âme lui suffit.
Michel BOUJUT
Je m'appelle Alexandre et je suis écrivain.
Longtemps je me suis cru l'héritier d'une famille givrée, portée par l'écume du siècle et engagée dans des tournois sentimentaux qui me dépassaient - alors que je suis né de mes rencontres avec d'étourdissantes perturbatrices. Ce sont les femmes, en effet, qui m'ont appris à penser autrement, loin des glissières de sécurité.
Je voulais désespérément croire en l'éternité des mouvements du cœur, au triomphe de l'amour sur les atteintes du temps.
Laissez-moi vous dire que vous avez fait un excellent usage de l’adultère. Je vous félicite. Tant de droitiers se trompent bêtement, sans en rien retirer de valable. Quelques frottis-frottas de muqueuses, un petit spasme et puis c’est tout… Vous, vous avez fait les choses au mieux. Comme un authentique Gaucher ! Une révélation, c’est tout de même mieux qu’un vulgaire coït, n’est-ce pas ? C’est à ça que ça sert l’adultère, à réoxygéner l’être, comme vous dites !
… les Juifs n’intéressaient personne en dehors des nazis. Même les Américains ne voulaient pas en entendre parler. Ils ont maintenu jusqu'en 1945 des règles d'immigration qui interdisaient quasiment aux Juifs européens, notamment allemands, de se réfugier en Amérique. Sauf les cerveaux utiles : Einstein et une poignée d'autres. Les dossiers d'immigration réclamés par l’administration américaine exigeaient, je vous le rappelle, une attestation de bonne conduite délivrée par les autorités de police du pays d'origine ! Comme si un Juif allemand avait eu le loisir de faire un saut la Gestapo locale pour se faire tamponner ce genre de papier… Personne ne voulait voir les Juifs. Ils écœuraient l’Occident ! (Page 239)
La chosification d'autrui permet tout. Cela commence par le SDF que l'on enjambe un soir d'hiver sur un trottoir et cela se termine à Auschwitz.
Emporté par son débit tumultueux, toujours plié en deux, il lui annonça que son stratagème n'était qu'une préface à la cure de jouvence qu'il entendait faire subir à leur couple. Un grand ravalement en quelque sorte, bien nécessaire après quinze années d'anesthésie progressive de leurs désirs. Le Zèbre était résolu à délaisser son rôle de mari, au sens amorti du terme, pour se glisser dans la peau d'un amant légitime. Il traquerait désormais les imperceptibles habitudes qui émoussent les sentiments. Sa vigilance ne connaîtrait plus de jours fériés. A partir de cet instant, il ne cesserait d'ourdir des mises en scène, comme celle de ce matin, pour retendre le lien qui les unissait.
- Où veux-tu qu'on aille?
- À Paris.
- Pourquoi? On est bien ici. C'est bien, Évreux.
- Ça ne va pas non? C'est une ville pour les sans-destin. Tu crois qu'on devient Molière en restant à Évreux?
Ah, le mariage.... Vous aviez une maîtresse, elle met des rideaux à vos fenêtres et la voilà devenue "de maison". Quelle Berezina !
[...] et, alors que nous passions devant un grand horloger, Clara voulut m'offrir une montre. J'en pris deux. Normal, j'ai deux poignets.
Il connaissait la puissance des conformismes qui poussaient à se croire obligé d’être informé, comme si cela eût donné un sens à l’existence. Cigogne avait toujours flairé que les émissions radiophoniques de la BBC visaient à lui faire ressentir des émotions qui se substituaient aux siennes propres plus qu’à l’informer véritablement.