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Citations de Beata Umubyeyi Mairesse (284)


Je suis assise dans ta petite chambre, sur ton lit couvert d'une poussière muette de sécheresse. Le ciel est clair derrière les vitres où coulent des gouttes d'eau, perles cristallines qu'une main invisible semble avoir enfilées régulièrement sur un fil de sisal. Elles se poursuivent sagement, glissent avec une rapidité gracile le long du verre et s'arrondissent harmonieusement, traversées par un rai de lumière brillant avant de disparaître sur le mur qui avale ces centaines de fantômes d'opale pressés.
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Quand on émigre, les visages changent, les paysages sont remplacés par d'autres, les goûts se transforment mais on oublie souvent de dire combien les sons aussi nous perdent, nous devons fermer le rideau ondulant des voyelles et apprendre à grimper sur un mur de consonnes gutturales et, en passant de l'un à l'autre, nous nous trouvons affublées d'un boitement disgracieux qui s'incrustera durablement dans notre prononciation d'exilées.
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Laisse les Blancs se battre entre eux, nous serons toujours des intrus à leurs yeux. Aujourd'hui le frère riche écrase le frère pauvre mais sache que si demain un étranger rentre dans la danse, les anciens ennemis sauront s'unir contre lui. Le colon a su semer la zizanie entre nous pendant des siècles, exploitant avec succès les vieilles velléités entre les Peuls, les Wolofs et les Sérères mais jamais il ne laissera un Noir participer à ses propres disputes familiales.
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La rosée.
C'est l'élégance de l'amant qui part sans bruit, effleurant d'une caresse le front de l'endormie, ce que l'ombre laisse au jour naissant. Une promesse de retour.
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Ce mot devrait tout résumer, et bien souvent d'ailleurs, dans la langue de ceux qui l'entourent maintenant, dans le récit minimaliste qu'ils font d'elle pour présenter la nouvelle élève, la petite réfugiée, il suffit, accolé à celui de son pays, à imposer un silence. Un vide de gêne et de compassion dans lequel il n'y a pas de place pour dérouler le passé dans sa complexité. Elle comprend ainsi que sur cette terre d'opulence et de paix il lui faut aussi apprendre à se taire. Pour elle qui jusqu'alors rêvait de devenir journaliste, la liberté d'expression peut certes être une réalité, mais circonscrite. "Rwanda" et "génocide", les deux mots prennent toute la place, le premier semble même pouvoir se passer de l'autre. Dans l'esprit des Français, qui ne l'avaient pour la plupart jamais entendu jusqu'à ce qu'il s'immisce dans leurs journaux, ce mot "Rwanda" est devenu synonyme d'horreur, de violence. Il sous-entend aussi "massacres interethniques", "sauvagerie tribale", "machette". Tout se mélange. On a pris l'habitude de simplifier quand il s'agit de l'Afrique. Le Rwanda est la preuve s'il en est que cette image caricaturale, résumée depuis le temps des colonies par l'expression conradienne de "cœur des ténèbres", peut encore être utilisée, sans scrupules. L'Afrique aura beau se défaire de certains de ses démons, il y aura toujours cette part de ténèbres qui resurgira, l'apartheid est vaincu, certes, mais en même temps, regardez donc le Rwanda.
Chez ces gens-là, c'est comme ça. Ça l'a toujours été.
Personne ne veut entendre les rares voix qui rappellent que l'ethnicisation de la société rwandaise est une construction coloniale. Ils s'entretuent depuis la nuit des temps, n'est-ce pas.
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N'allez pas croire que la propagande ne fonctionne que sur des paysans africains en majorité analphabètes, n'oubliez pas que le système nazi a su gagner les esprits de très nombreux intellectuels européens, voyez comme aujourd'hui les discours néo-fascistes gagnent du terrain dans les médias français , interrogez-vous sur les convictions politiques des propriétaires de certaines chaînes de télévision, journaux ou maisons d'édition. Ici et maintenant. Nous devons être vigilantes et vigilants.
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«  Les mots peuvent être tranchants ou s’enfoncer brutalement en nous comme des lances, nous écraser tels les gourdins cloutés que les tueurs utilisaient pour défoncer les crânes des nôtres au printemps 94.

Les mots sont souvent comme de jolies calebasses décorées, creuses ou fêlées sous leur apparence reluisante , ou traîtres quand un serpent s’y est lové, profitant de la nuit pour se glisser à travers son fin goulot et faire pénétrer dans le cœur des suspicions ou des inimitiés »
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Elle aurait voulu elle aussi pouvoir changer de couleur, prendre la teinte des autres membres de la famille, elle aurait voulu y plonger ses cheveux de paille trop clairs que les enfants de la colline tiraient avec malice quand elle tombait entre leurs mains curieuses. Elle rêvait d'indifférence.
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C’est une prison sans murs. Se pendre avec sa langue, n’est-ce pas cela que j’ai fait ? Tu te souviens qu’on avait autrefois un ministère de la Condition féminine ? J’ai toujours trouvé cela cocasse, une seule femme désignée par le président pour porter la voix des femmes. Ont-ils la moindre idée de ce que c’est, « la voix des femmes » ? Ceux qui disent que nous sommes bavardes ignorent tout des fleuves de mots que nous taisons. Que se passerait-il si nous nous mettions à parler littéralement, à dire les désirs innombrables d’avortements, les désirs liquéfiés de jouissance interdite, les désirs brûlants de pouvoir absolu ? Que se serait-il passé si, au lieu de ne m’ouvrir que le ventre, le médecin m’avait ouverte tout entière, avait mis à nu mon coeur et ma gorge qu’on appelle si bien umutemeli w’ishavu, le couvercle du chagrin ?
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vous étiez si naïfs, mes enfants, vous sembliez ne pas avoir encore compris que la guerre n'est pas destinée à rendre justice.
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Agahinda ntikica kagira mubi (Le chagrin ne tue pas, il abîme)
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Les langues forgent un tas de maximes sur les enfants, la méchanceté dont ils peuvent faire preuve entre eux, la vérité qu'abritent leurs bouches, ceux qui sont rois, ceux qui écoutent les cigales au lieu des parents, mais si peu pour dire l'amour inconditionnel dont est capable un frère. Abavandimwe : ceux qui sont issus du même ventre. Même le ventre de l'amertume peut abriter de la beauté.
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Qu’est-ce qui avait changé ici ?
Peut-être que les centaines de milliers d’anciens exilés tutsi qui étaient rentrés après la guerre avaient importé d’autres façons de vivre, qu’on ne se préoccupait plus tant d’égrener les généalogies, à moins que je n’aie dramatisé à outrance le souvenir des interactions avec mes compatriotes d’autrefois, ces moments de présentation où je me liquéfiais, prise au piège de ma carnation. J’étais surprise de voir que la conversation prenait un autre tour, plus sinueux. Il ne me demanda pas de parler de ma mère, ni de son mari. Il dit: «Tu es partie en 94?», je hochai la tête. Puis il laissa un silence presque complice s’installer. Il avait respecté mon mutisme en poussant l’accélérateur en même temps que le volume de la radio qui diffusait une rumba congolaise identique à celle qui passait sur Radio Rwanda, trois ans auparavant. J’avais redressé la tête, laissant mon regard se perdre dans les méandres de la route en macadam. p. 28
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Si elle n'avait pas survécu aux coups dans le ventre de la mère, l'Aîné aurait su l'inventer, pour ne pas être seul avec le silence du vent et le vol des bourdons.
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La bonne raconte tout cela dans la cuisine. Elle n'émet aucun jugement, se permet juste un long "tchip" qui s'envole de ses lèvres entrouvertes et frappe Maduduli au cœur, là où la petite fille d'autrefois avait appris à ranger la générosité, entre la politesse et la culpabilité.
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C'est en lisant le texte de Susan Sontag, "Devant La Douleur des autres", que j'ai pu mettre des mots sur le malais que j'ai ressenti en voyant le traitement par certains journalistes des dernière commémorations du génocide. L'essayiste américaine y rappelle que les spectateurs du monde riche ne considèrent pas de la même façon les morts et les suppliciés africains et ceux de leurs propres pays, soulignant à juste titre que si les médias occidentaux ont fait en sorte de ne pas diffuser d'images des victimes des attentats du 11 septembre 2001, "l'Afrique postcoloniale existe avant tout comme une succession de photos inoubliables exhibant des victimes aux yeux immenses; la série débute à la fin des années 1960, avec les silhouettes émaciées des Biafrais dans leur terre de famine et se poursuit avec le génocide de près d'un million de Tutsis rwandais".
Toutes ces images de nous, de nos morts, de leurs restes qui continuent à être diffusées sans nous demander notre avis.
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Aux pieds des panneaux solaires flambants neufs, dans les jardins luxuriants des lodges pour riches Américains, poussent des herbes folles d'avoir bu trop de sang. Les chèvres ne risquent plus de s'étouffer avec des sacs en plastique-désormais interdits-mais jouent parfois avec des ossements humains que les pluies font affleurer.
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Les portions qu’on leur donne sont trop petites, la direction a réduit le budget des cuisines ces derniers mois pour faire des économies. Les pauvres vieux-là n’ont plus d’autre plaisir que celui de la nourriture et même ça on le leur retire. On dit aux familles que leurs parents ont perdu l’appétit et on leur fait prescrire des compléments nutritionnels remboursés par la Sécu. Les familles voient un joli menu varié toutes les semaines mais n’ont pas idée de la quantité dans les assiettes.
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La rosée.

C'est l'élégance de l'amant qui part sans bruit, effleurant d'une caresse le front de l'endormie, ce que l'ombre laisse au jour naissant. Une promesse de retour.
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Vous êtes la douceur, vous donnez la vie. Que d’injonctions paradoxales accrochées arbitrairement par d’autres à nos existences, que de mensonges rapiécés depuis mille ans et que nous nous devons de porter dignement, parce qu’il fut décidé un jour que ça devait être ainsi et pas autrement. C’est sans doute pour cela que nous apprenons à louvoyer très tôt. Mentir comme on respire, pour accepter, se couler dans cette arrangeante affabulation. L’instinct maternel, la belle
affaire. Parce que nous donnons plus souvent la vie que nous ne la prenons, nous nous devrions d’être la solution humaine à la violence des hommes.
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