Il y a de cela un demi-siècle (Il n'est pas rafraîchissant de se rappeler des souvenirs aussi lointains !), tous les jours de la semaine je me rendais de la caserne de la pépiniére au ministère de la Marine. Un parcours d'environ 15 minutes que je faisais à pied, avec sur la tête le célèbre bachi à pompon rouge de la Marine Nationale, et tenant à la main un livre dans la lecture duquel j'étais plongé. Cette déambulation iconoclaste ne devait pas passer inaperçue. Ces deux institutions n'existent plus en tant que telles aujourd'hui, la première est devenue un cabinet d'avocats et la seconde une vitrine du Centre des monuments nationaux. Sur le trajet, dans le prolongement de la rue royale, l'église de la Madeleine expose toujours sa majestueuse façade visible depuis la place de la concorde. Ces lieux sont pour moi, associés à l'activité de lire en marchant. L'église de la Madeleine semble avoir été posée là comme un clin d'oeil à Proust. Elle évoque pour moi les mêmes sensations nostalgiques que la célèbre pâtisserie dont parle l'auteur d'à la recherche du temps perdu…
Ce souvenir m'est revenu instantanément à l'esprit en commençant la lecture du premier chapitre du livre de Charles Dantzig « Pourquoi lire ? ». Belle entrée en matière que de partager dès les premières lignes un moment de vie avec un auteur. C'est un peu pour cela que nous lisons, du moins pour la part égoïste de nos motivations ; retrouver dans une histoire où chez un personnage, notre vécue personnel à travers des sentiments, des idées ou des évènements décrits par l'auteur comme nous aurions pu le faire si nous disposions de son talent. Charles Dantzig commence donc avec beaucoup d'humour à nous parler de ses lectures en marchant :
« Plus d'un horodateur de Paris a été ému de m'entendre lui dire “Pardon monsieur !” Après que je m'étais cogné à lui en lisant un livre. » Ceci est le point de départ de son questionnement, lire est-il un acte aussi naturel que la marche où répond-il à des motivations spéciales ? Pourquoi lire ?
Cet essai, écrit avec talent, érudition et humour est l'occasion pour l'auteur de nous livrer ses réflexions autour de la lecture, de ses bienfaits, de ses dangers, de ses limites. Il nous livre aussi quelques anecdotes, en tant que lecteur ou écrivain et nous fait part de ses préférences littéraires. Cela donne un patchwork de textes assez courts et plaisants à lire où se mêlent des conseils de lectures, des pensées philosophiques, des critiques assez virulentes à l'égard de certains auteurs et des mises en garde :
« Attention, les lectures qui vont trop dans le sens de vos pensées ou de vos goûts peuvent être dangereuses. » (page 18)
« Pour moi, je voulais de l'imprimé qu'on pût souligner et dans les marges duquel on put suspendre des annotations… Un bon lecteur écrit en même temps qu'il lit. » (page 22). « Victor Cousin, le philosophe, disait : “Je monte à l'échafaud, quand je me couche.” Enfant, adolescent, jeune homme, j'étais comme lui. Je le suis encore. Arrêter d'écrire, de lire, de s'amuser, pour ça ! Il faudra me pousser vers la tombe, mon squelette freinant des talons dans le gravier pendant que mes métatarses tourneront les pages d'un livre et que, claquant des mâchoires, je protesterai : “Je n'ai pas fini ! Je n'ai pas fini !”. (page 128).
Charles Dantzig décline ainsi toutes les raisons qui nous poussent à lire où à ne pas lire : lire pour se contredire, lire pour se consoler, lire pour s'isoler, pour le vice, pour rajeunir, pour changer le temps.
“Pourquoi lire ? Pour devenir moins borné, perdre des préjugés, comprendre. Pourquoi lire ? Pour comprendre ceux qui sont bornés, ont des préjugés et aiment ne pas comprendre.” (page 81).
En tout près de quatre-vingts questions auxquelles l'auteur tente une réponse et nous invite aussi à réfléchir à nos propres motivations. Mais la grande question est de savoir si la lecture est civilisatrice, contribue-t-elle à pacifier le monde, à rendre les hommes meilleurs ? L'auteur n'en est pas convaincu :
“Plus je lis, moins j'ai l'impression d'être civilisé. La lecture des grands auteurs me montre que je n'ai jamais cessé d'être un barbare, un ignare, un imparfait… Je manque de paix intérieure, la lecture ne me l'a pas apportée.” Un pessimisme que je ne partage pas même si j'admets que l'histoire ne manque pas d'exemples de criminels cultivés et grands lecteurs. L'éducation et la culture restent à mon sens les meilleurs alliés de la civilisation.
Se demander pourquoi lire revient à se poser la question de savoir à quoi sert la lecture. Au terme de ce livre j'ai envie de répondre ceci : la lecture ne nous transforme pas, mais elle nous aide sans doute à devenir ce que nous sommes vraiment. Atteindre les limites que la nature nous a assignées, voilà une belle et raisonnable ambition, peut-être la seule qui vaille.
Charles Dantzig né en 1961 à Tarbes est un écrivain et éditeur français. Son livre “Pourquoi lire ? Lui a valu l'obtention du prix Jean Giono pour l'ensemble de son oeuvre. Il est aussi l'auteur du remarquable ‘Dictionnaire égoïste de la littérature française'.
Bibliographie :
— ‘Pourquoi lire ?', Charles Dantzig, Grasset (2010), 249 pages.
— ‘Dictionnaire égoïste de la littérature française', Charles Dantzig,, Grasset (2005), 962 pages.
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Nous suivons la vie de sept personnes, à Paris, durant une certaine période (celle des manifestations contre le mariage pour tous, auquel eux sont favorables pour des raisons diverses). Leurs trajectoires se rejoignent par moments, certains se connaissent, d'autres se côtoient seulement.
Certains passages sont assez durs (le roman porte bien son nom) mais reflètent la réalité de l'ambiance de l'époque dans ce milieu et à cet endroit.
Ces existences-là nous sont narrées à la troisième personne du singulier, sans ordre, de sorte qu'il m'a été parfois difficile de m'attacher et de suivre tous ces personnages.
Ce livre comporte de belles réflexions philosophiques sur la vie, les amours heureuses ou malheureuses, la mort parfois mais je l'ai trouvé par trop décousu.
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C'est une question que je me pose souvent "Pourquoi lire?" Cet ouvrage ne m'a pas apporté une réponse mais des pistes. Je salue l'érudition de l'auteur, je désapprouve certaines de ses intolérances assumées comme son mépris du polar ou le niveau des lecteurs.
C'est un peu fouillis mais en rouvrant le livre au hasard, on peut trouver des sujets de réflexion.
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Un tourbillon.
On sort de cette lecture l’esprit rempli de petites phrases insinuantes, de noms évocateurs mais aussi d’un mal être devant la comédie humaine qui s’y déroule.
Comédie d’une ville entre réalité et irréalité.
Ville musée où le passé demeure avec ses références littéraires et artistiques.
Ville que fouillent les touristes que les Parisiens ne voient plus.
Ville que les Parisiens ne parcourent plus.
Sauf Victor l’écrivain en panne d’inspiration et en douleur d’un passé qui s’enfuit.
D’autres :
Une galeriste qui moralise, un fils mal compris, un professeur et un escort qui veut « devenir »…
Des lieux qui furent, qui stagnent ou se métamorphosent poinçonnés par le temps qui déroule ses habitudes, ses clichés du moment.
Des silhouettes qui croisent ceux qui racontent et observent.
Les pas des passants qui passent vite.
Les bruits environnants qui s’oublient.
Les tares qui s’assument.
Les non-dits qui s’imposent.
Les jugements qui se chuchotent.
Les « entre-soi » qui ouvrent ou ferment les portes.
Les traits d’humour qui grincent.
Le temps fuit, plein et vide jusqu’à la destruction.
Des animaux contemplent : interventions grinçantes, humoristiques, lucides.
Pessimisme et fatalisme côtoyent un proche cynisme.
Émois, recherche de soi-même, conflit de génération, désirs, homsexualité, amours, chacun se débat dans ce qu’il est, aurait voulu être, fut, sera.
Médisances, jugements tus, mépris, vie qui fait mal, Paris qui détruit et se détruit.
La scène du pré-vernissage est éloquente.
Des codes qu’il faut décrypter, un livre à clés?
Des phrases qui pourraient devenir des citations comme «Qu’est-ce qu’un réactionnaire? Quelqu’un qui prend ses colères pour des idées ».
Un langage qui plonge dans les tréfonds du langage, montagnes russes qui parfois crispent mais un livre néanmoins qui percute par la virtuosité de l’écriture.
Merci à Babelio et aux Éditions Grasset pour cette lecture.
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Suite aux terribles événements qui ont endeuillé notre pays en janvier 2015, "Le livre de poche" a pris l'initiative de publier plusieurs textes d'auteurs et de reverser le bénéfice de la vente à Charlie Hebdo.
60 textes d'auteurs contemporains et d'auteurs des siècles passés composent ce recueil.
Autant d'auteurs, autant de points de vue, autant de manières de réagir face à la barbarie.
Certains textes apportent des pistes de réflexions, d'autres écrits à chaud sont davantage empreints d'émotion. Les textes d'auteurs des siècles passés nous apprennent que certaines problématiques ont la vie dure, que la liberté de pensée est un combat.
Autant d'auteurs, autant de points de vue, écrivais-je plus haut. Donc difficile d'adhérer à toutes les opinions publiées, question de sensibilité, de vécu, de personnalité. Mais je ne peux que louer l'élan de solidarité suscité par cette belle initiative.
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De façon ébouriffante et déconcertante, Charles Danzig place la ville de Paris, intense et bruyante, au cœur de ce nouveau roman, Paris dans tous les siècles.
Pour ouvrir ce roman, une mouette nous introduit au-dessus de la capitale. Victor Vonnery s’installe dans la narration avec son teckel Guillaume.
Vieil écrivain, trop désabusé pour respirer la joie de vivre simple, Il déambule dans la nostalgie parisienne. Son chien donne aussi ses impressions philosophiques. Arrive très vite Gabrielle, amie du premier, plutôt, plus déjantée dans sa galerie d’art. Son animal est un chat qui s’appelle Xanax, non pas par son côté endormi, mais, justement, car il devrait en prendre ! Suivront leurs enfants, pour lui, un fils et pour elle une fille.
Seulement, le pari était ambitieux. Le savoir livresque de ce dandy littéraire qu’est Charles Dantzig est phénoménal. Les découvertes historiques y cohabitent avec des impressions de vie, trop diluées, peut-être !
Bref, Je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages de Charles Dantzig. C’est dommage car j’attendais avec impatience de retrouver le charme de son précédent…,
Remerciements
Aux éditions Grasset et Babelio avec sa masse critique.
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Quand on prend l'essai de Charles Dantzig "Pourquoi lire?", on se dit qu'il a intérêt à apporter des réponses originales sur ce sujet abordé par tant d'autres auteurs, sinon on refermera le livre définitivement dès la vingtième page!
Je peux vous affirmer que j'ai lu l'intégralité de cet ouvrage sans trop voir passer le temps.En effet, on se trouve en face d'un feu d'artifice de réponses, orchestrées par de multiples chapitres courts, voire très courts pour certains et des illustrations souvent agréables et très judicieusement utilisées.
Le plus grand reproche que je ferais à ce livre repose sur l'énorme décalage entre le titre impersonnel et austère et le contenu très subjectif et parfois intime. L'auteur semble avoir écrit un livre qu'il offre à son lecteur et qu'il aurait aimé découvrir lui-même dans une librairie. Cet ouvrage manifestement guidé par le principe de plaisir à la fois égoïste et partagé, contient à la fois des pépites et des affirmations très discutables qui gagneraient à être plus argumentées ou plus nuancées.
En conclusion, nous avons affaire à un ouvrage qui se laisse lire agréablement, privilégiant l'ampleur et la vision panoramique du sujet à sa profondeur et à son épaisseur. Pour le moins, ce livre laisse rarement indifférent et permet souvent de repenser, de questionner notre conception intuitive de la lecture à condition de garder un regard critique sur les affirmations personnelles et péremptoires de l'auteur. Peut-être le plaisir de la lecture passe-t-il aussi par là?
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Charles Dantzig est un vrai amoureux de Proust.
Il aime jusqu’aux travers de la personne et aux défauts de son œuvre.
Je le dis en toute simplicité : j’aime Proust pour les mêmes raisons que CD, et en toute modestie aussi, car si j’excuse quelques travers que j’ai repérés, je n’ai ni la culture de CD, ni sa connaissance de l’œuvre, pour en reconnaître autant que lui.
CD porte sur Marcel Proust et sur son œuvre un regard souvent décalé par rapport à tout ce qu’on peut lire par ailleurs. C’est réjouissant quand on reconnaît son propre regard, et cela ouvre de nouvelles perspectives quand son point de vue à soi était différent.
Les remarques sur Albertine notamment, dont beaucoup font la couverture féminine de Alfred Agostinelli, mais dont CD avance, arguments à l’appui, que ses comportements et réactions ne peuvent être celles d’un jeune homosexuel, ont particulièrement retenu mon attention.
Au-delà de leur originalité elles rajoutent de la profondeur et de la densité à un auteur et à une œuvre qui n’en manquaient déjà pas.
J’ai aimé les coups de pattes à Gide et, en passant, à Breton, donnés pour des raisons inhabituelles là encore, et ô combien mérités.
J’ai aimé les coups de griffes aux antisémites autoproclamés et anti proustiens invétérés de l’entre-deux-guerre (sans vraisemblablement qu’aucun ne l’ait jamais lu) : Léon Daudet, Céline, Abel Bonnard, Abel Hermant…(hum hum comme c’est bizarre…)
Quant aux anti proustiens contemporains je souscris une fois encore à l’idée de CD selon laquelle leur arrogance est le symptôme de quelque chose d’inquiétant.
Avec son immense culture et son ironie pas toujours tendre Charles Dantzig nous donne à voir un Marcel Proust tout en contradictions et en cela très humain.
Il nous rappelle qu’un génie peut se cacher sous les traits d’un petit bonhomme bien ordinaire, comme Bergotte, comme Elstir, comme Vinteuil… ou comme Marcel Proust.
Et cela a quelque chose de réconfortant.
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Avec ce roman engagé, Charles Dantzig pousse, à sa manière typée, un cri de colère salutaire dans une société mal portante.
Ses personnages sur fond de manifestations contre le mariage pour tous en 2013 prennent corps et vie au fur et à mesure que nous les côtoyons.
Avec une maestria élégante, un style bondissant et rebondissant, l'auteur montre "pour les bons" leurs interrogations, leurs espoirs, leurs forces, leur désespérance et leurs faiblesses.
"Pour les méchants", l'éructation salace, la bêtise ignoble, la médiocrité barbare soulignent à quel point l'homme peut s'avilir.
Tout ce qu'une société porte en elle d'ambigu apparaît.
Ce n'est pas un plaidoyer, c'est un profond ressenti, une émotion à fleur de peau exprimée à travers quelques généralités bien nécessaires pour tenter de bousculer la pensée et un florilège d'observations lucides et caustiques.
Au départ, le ton donne une densité qui peut déranger la lecture, certaines phrases claudiquent.
Des anecdotes, des références du passé, des citations émaillent le texte.
S'y arrêter, prendre le pouls des mots, suivre les méandres de la pensée de l'auteur, embarquer avec lui dans une immense réflexion sur les dangers d'une vue étriquée, voilà une lecture pertinente qui dépasse le pessimisme ambiant, s'ouvre à l'autre et à la différence.
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S'il est fou Afflelou, que dire de l'auteur de l'estimable "Pourquoi Lire ?" qui nous impose ici plus de 800 pages des listes de ses envies ? Le concept est sympa. Mais fallait-il tuer un arbre pour autant ?
"Plus le temps passe, plus je m'éloigne du conclure.", nous dit avec raison Dantzig (pour les métalleux, circulez ! Rien à voir avec le Glenn bodybuildé). Et après un bref historique du genre que vous aurez de toutes façons oublié à la fin du marathon, vous explorerez les listes variées et capricieuses de tout ce qui est passé dans la tête à Charles pendant la composition de son ouvrage. C'est souvent sympa, et ça m'a quelquefois fait penser à Cioran ("""Connais toi toi-même. Et puis sois prisonnier.""", """On part en espérant aller voir autre chose, et c'est toujours soi qu'on trouve, hélas"""), ça ravira les amateurs de citations s'il en vit encore. Mais bon sang que c'est long, 800 pages ! Mais c'est long ! C'est long pour Hugo, c'est trop long pour Zola, pour Littell fils, je dis pas. Mais pour Dantzig...
La lecture des dernières pages, des dernières listes, je reconnais, j'ai pas été brillant : j'ai tout lâché ! C'était la débâcle, ou Sigmaringen. Pas pris le temps de faire des photos ! Y avait la sortie, le panneau "fin" qui clignotait, là tout près. J'ai couru. Ouf !
Bon, allez, honnêtement et brièvement quand on se retourne : long mais pas désagréable, (j'ai hésité à mettre la troisième étoile mais sa mère insiste) ce Dantzig. A picorer entre deux bouquins. Pour ceux qui aime le pop-corn pendant les films.
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Dictionnaire égoïste, en effet : presque 1000 pages de réflexions sur ce qui fait pour Charles Dantzig la littérature. Pas de grand discours mais des notes qui mélangent sérieux et bouffon, humour et critique (parfois acerbe)... accessibles - pourquoi pas - par mots- clés et rangées par ordre alphabétique. Et hop ! En plus des entrées à la plupart des grands noms de la littérature française et étrangère et à leurs œuvres (on trouvera ainsi une notice à Prout mais aussi à "A la recherche du temps perdu") Charles Dantzig s'amuse à épiloguer sur des notions littéraires aussi improbables que "Amers et grincheux, "Écrit - bien écrit, mal écrit, pas écrit, écrit) ou encore "Je ne sais pas quoi lire".. Dans ce grand buffet, on peut picorer au gré de ses envies. Car les textes sont le plus souvent amusants, excessifs. Ils peuvent aussi être vains ou au contraire essentiels. Tout cela fait avec, évidemment, beaucoup d’esprit. A garder donc sous le coude pour un usage purement égoïste.
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J'avais lu ce livre à sa sortie (2010), et j'ai cette fois picoré dedans avec beaucoup de plaisir… Dans Pourquoi lire ?, Charles Dantzig s'attache à la figure du lecteur, à ses rapports avec les livres, avec la littérature, mais aussi avec les auteurs. Il y affirme ses goûts et ses dégoûts avec une grande partialité, un élitisme assumé, une solide mauvaise foi, une quantité d'apparentes contradictions, un talent évident pour les aphorismes et un humour sans faille ! J'ai beaucoup souri, je me suis aussi parfois insurgée devant tant de jugements péremptoires qui m'ont souvent renvoyée à mes propres préjugés… Bref, un bonheur. Je réserve toutefois mes exercices d'admiration à son Dictionnaire égoïste de la littérature qui a les mêmes qualités (qu'on peut bien sûr tenir pour des défauts) et qui va plus loin dans l'analyse… et dans les outrances !
Challenge multi-défis 2019
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Lorsque j'ai découvert la Recherche du Temps perdu pour la première fois, c'était en khâgne. Notre enseignante nous avait conseillé de « surfer » sur les phrases, de ne pas s'y noyer en essayant de percer le mystère de leur construction, mais garder de la hauteur. Comme elle, Charles Dantzig file la métaphore marine tout au long de son essai, d'où le titre. D'ailleurs, Proust lui-même dans toute son œuvre utilise les comparaisons – Proust use d'avantage de comparaisons que de métaphores – avec le milieu aquatique, évoquant les baignoires au théâtre ou la lumière d'aquarium du Grand Hôtel de Balbec.
Charles Dantzig étudie ainsi les personnages du roman en les comparant à différents animaux marins, comme la murène Verdurin avec sa cour de petit fretin qui l'entoure, à la sirène princesse de Guermantes. La métaphore de l'océan permet d'explorer plus ou moins en profondeurs certaines thématiques, ou de rester à la surface d'autres. Par moment, la métaphore peut sembler toutefois un peu forcée, ou, en tout cas, être un prétexte pour évoquer différents éléments. L'ouvrage étant justement organisé de façon thématique, j'ai pu regretter un plan pas assez structuré totalement à mon goût – c'est mon côté ancienne khâgneuse, j'aime l'ordre et les plans ternaires...
J'ai beaucoup écouté Charles Dantzig à la radio, notamment dans ses émissions sur ses études de personnages de la Recherche, ce qui fait que certaines de ses réflexions m'étaient déjà familières – et que j'avais sa voix en tête en le lisant. Je ne suis pas forcément du même avis sur lui à chaque fois, c'est cela qui est stimulant. Et n'ayant pas relu la Recherche depuis un certain temps, c'était un livre bien adapté pour moi : si j'ai oublié certaines situations ou certains personnages, je me souviens du cadre général, des principaux sujets abordés. De plus, son écriture peut elle-aussi faire penser à Proust, de part la structure même de ses phrases avec leurs incises et leurs digressions, avec un certain humour parfois féroce contre ses propres contemporains, et une inscription historique et contextuelle dans notre monde qui a ses propres formes de bêtise humaine, avec l'élection de Trump, les influenceurs de réseaux sociaux et certains comportements humains en période de pandémie.
Enfin, comme il le dit lui-même dans un numéro de Personnages en personne sur France Culture, lorsqu'on lit un livre, le personnage sur lequel on en apprend le plus est finalement l'Auteur. C'est ainsi que ce texte est une réflexion toute personnelle – de façon totalement assumée - sur la Recherche, subjective et partiale, qui est aussi un moyen pour l'auteur de nous parler de lui : contrairement au Narrateur de la Recherche qui n'est pas Proust, l'auteur Charles Dantzig s'identifie clairement à celui qui parle, au Je, de son texte. Parlant de Proust, il parle donc de lui-même, de son enfance, de ses goûts littéraires, de ses amours, de sa sexualité. Il choisit donc les thèmes qu'il souhaite mettre en avant, il opère à une sélection – il met en avant les personnages qu'il préfère, évoque plus la thématique de l'homosexualité que celle de l'art ou la place de Venise, les tomes qu'il aime le mieux aussi...
Le but est atteint, j'ai envie de relire Proust – les snobs ne disent pas qu'ils lisent Proust, ils disent qu'ils le relisent...
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Un pavé de 1200 pages ....
Didactique complètement subjectif et donc égoïste
Dantzig nous fait découvrir et redécouvrir des auteurs des ouvrages des lieux des œuvres cinématographiques et bien plus encore..
Un livre que je conseille aux passionnés de lecture et aux curieux..
On sort de ce livre plein d envies de relectures et de découvertes
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J'ai découvert Traité des gestes de Charles Dantzig dans l'émission Quotidien de Yann Barthès. Ils ont su me donner envie de découvrir cet ouvrage, et ça tombe bien les éditions Grasset et net galley m'ont permis de le lire au format e-book.
Je l'ai lu tranquillement, je l'ai fini hier et je vais enfin le chroniquer :)
Les gestes sont notre quotidien, et notre langage corporel peut nous trahir. Charles Dantzig répertorie dans ce traité tous les gestes, ceux qu'on ne fait plus, ceux qu'on fait tous les jours...
Il nous dévoile ce qu'ils veulent dire, et j'ai trouvé ce traité vraiment passionnant.
Accessible à tous, bien écrit et vraiment bien trouvé :)
Ce n'est pas un coup de cœur mais j'ai apprécié cet ouvrage, qui mérite quatre étoiles.
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