Citations de Christine Angot (352)
J'ai été homosexuelle dès que je la voyais. Les choses redevenaient moi même après.
On rate sa vie, pour essayer de la rattraper on écrit. Pour transformer sa vie. Et plus on écrit, plus on rate sa vie. Or rien ne peut remplacer la vie. Jamais.
(L'Usage de la vie)
À ce moment-là l'orchestre s'est mis à jouer les premières mesures de : «Notre histoire c'est l'histoire d'un amour».
C'était une chanson qu'on entendait partout. Dalida venait de la créer. Elle la chantait avec intensité, en mêlant le tragique à la banalité. Son accent oriental arrondissait les mots, les étirait en même temps, sa voix grave enveloppait les sons et leur donnait une substance particulière, l'ensemble avait quelque chose d'envoûtant.
Pour humilier quelqu'un le mieux c'est de lui faire honte.
Il m'est apparu que, même quand on ressent la solitude, c'est souvent faux. Quelqu'un qu'on aime et qui vous aime, qui est là par sa présence ou sa parole, ça représente la vie.
Il lui demande si elle aime être une femme.Elle bredouille.
Que quand on dit de quelqu'un qu'il est con ça veut dire qu'il est aussi stupide que le vagin d'une femme.
Vous ne vous rendez pas compte, de ce que ça fait d'avoir un père qui refuse que vous soyez sa fille. Pour vous, l'inceste, c'est juste un truc sexuel. Vous ne comprenez pas. Vous ne comprenez pas.
J'ai reposé l'appareil sur son socle. Je n'ai rien pensé. Je ne ressentais rien. Je ne pensais pas. Il faut bien voir l'effort que fait la personne pour ne pas penser, et ne rien ressentir.
Ma vie reprenait. Laquelle ? Celle d'avant ? D'avant mes treize ans ? Celle que j'aurais du avoir s'il n'y avait pas eu ça ? Elle reprenait où ? Là où elle s'était arrêtée ? C'était possible ? Je me sentais bien. Je me sentais libre. Je ne voyais plus mon père. Ça me faisait du bien. C'était bien. C'était définitif ? Où est-ce que le temps allait passer, et que j'allais le revoir dans d'autres conditions ? Est-ce que j'avais renoncé à le voir ? J'étais bien. Je respirais. Mais j'étais où ? J'étais qui ? J'étais dans quelle vie ? Je respirais. J'étais libre. J'étais bien. Mais il n'y avait rien d'essentiel. Je ne faisais rien d'essentiel.
- T'as vu Dogville ?
- Oui.
- Ben alors !
- T'as vu Breaking the waves ?
- Oui.
- Ben alors !
- T'as vu Roméo et Juliette ?
- Oui.
- Ben alors ! On est au-dessus de ça ou pas ?
- ...
- La réponse est dans la question. Oui, parce qu'on est vivants.
Je m'étais rendu compte que les gens connaissaient le mot « inceste », mais qu'ils n'avaient aucune idée de la chose. Ils utilisaient le m^t comme un mot étranger, vide, sans le connaître. Donc, il fallait le définir en images, et en perceptions. C'est ça faire apparaître le réel, et faire disparaître le discours. Les mots jusque-là mal agencés ou trop bien agencés qui recouvrent les choses. Je pense à Beckett dans L'innommable : « Je vais le leur arranger moi leur charabia. » Leur charabia c'est le discours social, la soi-disant écoute, l'injonction à dire. Alors que c'est l'impossible. L'injonction qui infériorise. Le réel n'est pas fait pour être dit. Il est là, il se contente de ça. Il est le vrai, c'est tout.
Là-bas je regardais le soleil fixe comme un aigle et autour je voyais passer des oiseaux, formant au ciel une ligne en V. Idyllique, oui ! Mais trop haut pour qu'on les entende. On ne sait pas ce qu'ils chantent.
- Il est là mon plus beau collier. C'est les deux bras de ma petite fille.
- Maman, je peux te parler de quelque chose ?
- Bien sûr !
- Tu sais parfois j'ai l'impression d'être un petit paquet.
- Un petit paquet ? Comment ça un petit paquet ?
- Ben, un petit paquet ! Un petit paquet que tu emportes avec toi, et que tu tiens par une ficelle.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que.
- Mais tu n'es pas du tout un petit paquet. Voyons. Qu'est-ce qui te fait penser ça ?
- Quand tu rencontres des gens dans la rue, que tu parles avec eux, et puis moi je suis là, j'attends.
C'est pas l'histoire d'une petite bonne femme, aveuglée et qui perd confiance, c'est pas l'histoire d'une idiote, non. C'est bien plus que ça. Car pourquoi elle perd confiance ? Tu as raison de dire que tu as été rejetée. C'est une vaste entreprise de rejet. Social, pensé, voulu. Organisé. Et admis. Par tout le monde. Toute cette histoire c'est ça. Et jusqu'à la fin. Y compris avec ce qu'il m'a fait à moi. C'est quelque chose qu'il t'a fait à toi aussi, avant tout. C'est la continuation de ce rejet.
Ne pas reconnaître un interdit qui s'applique à tous, c 'est la distinction suprême.
Bon. Ça c'est l'amour d'une mère et son enfant. Il ne meurt jamais. Il ne se finit jamais. C'est un amour éternel.
« Dès le départ, il la domine : nous ne sommes pas du même monde, et nos deux mondes ne se mélangeront jamais. Je ne t’épouserai pas. Sa feuille de route, c’est qu’il est le plus fort et qu’il s’assure qu’il a, au dessous de lui, des gens pour leur marcher dessus. S’il finit par reconnaître sa fille, il pense : j’ai encore une corde à mon arc, j’ai encore un moyen de dominer, c’est l’inceste. Il ignore l’interdit fondamental d’avoir des relations sexuelles avec son enfant. Il refuse de reconnaître cet interdit qui s’applique à tous. Parce que c’est encore une manière pour lui de dire : je suis le plus fort. C’est sa façon ultime d’annuler la reconnaissance de sa fille. »
Quant aux petits mensonges, chère Rachel, il faut les compter pour rien à côté des bonnes grosses vérités. Ils arrivent quelquefois dans la conversation comme des formules de politesse, et il ne faut pas leur accorder plus d'importance.