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Critiques de David Vann (1617)
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Goat Mountain

Onze ans, c’est l’âge pour tuer un cerf. Mettre sa veste de camouflage, quelques bières dans le sac à dos, un fusil bien huilé, casquette avec visière pour ne pas être ébloui par le soleil californien et s’aventurer en pleine forêt, dormir sur place à même le sol sur un couchage de bric et de broc et surtout d’épines de pin. Cela a tout du portrait initiatique d’un père avec son fils. Le grand-père accompagne, l’oncle aussi, comme une réunion familiale et masculine, un pacte de sang à la vie à la mort. Sentir et respirer les odeurs champêtres, un sentiment de bien-être qui se dégage de mon roman étiqueté nature-writing. Pas de grizzli à s’attendre, juste des champignons, des corbeaux et peut-être quelques heures à attendre que le cerf passe devant mon viseur. Juste un cervidé.



Cela pourrait faire un excellent roman initiatique, transmission générationnelle d’un père à un fils. Apprendre à manier une batte de base-ball ou un fusil de chasse, le cérémonial est presque le même. L’intensité aussi et ce plaisir de partager quelque chose avec son fils, et de le voir grandir dans le monde « adulte ». Pourtant, les conséquences peuvent être « assez » différentes.



David Vann s’éloigne de son Alaska, pour une région plus chaude, plus étouffante même. L’histoire est toujours aussi sombre, et reste fascinante. Les méandres de l’esprit humain se fourvoient dans la noirceur de la vie. Et de la mort. A quoi tient la vie ? A une lunette de visée et un tir de précision, probablement. Mais aussi, l’après-acte, l’après-drame. Comment le gérer ? Comment assumer un lourd secret… enfoui dans une nature que l’auteur décrit avec ravissement, les couleurs, les ombres et les lumières, les senteurs… De la lumière d’un roman de pur nature-writing à la noirceur de l’âme humaine.
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Komodo

J'ai aimé l'histoire de cette femme au bord de l'explosion. J'ai aimé la métaphore de la plongée, permettant de mettre en relief ce qui il y a au plus profond de notre personnage alors que sa surface est tellement écorchée. Je reconnais l'avoir lu en quelques heures. Mais je n'ai pas du tout aimé le style de David Vann, sa plume, souvent ironique, sa façon de décrire son personnage principal, Tracy, avec condescendance, vulgarité et mépris. Cette façon de la mettre plus bas que terre pour ensuite nous expliquer que la cause de son aigreur, de son amertume est tout simplement la maternité et la famille. La relation de cause à effet qu'il veut nous mettre en évidence, nous dégoutant au passage, est pour moi inversée. Ce qu'il prend pour cause est pour moi conséquence.



Je suis passée de l'énervement à la tristesse dans cette lecture. L'énervement, voire la colère, dans la première partie, la sidération puis la tristesse dans la seconde partie. Et je n'ai pas accepté ce que David Vann veut nous dire en filigrane. Ça semble parler de lui tant c'est violent, je ne connais pas du tout son histoire personnelle découvrant cet auteur mais il y a une haine et une amertume telles que je me suis vraiment demandée quelle était la part d'expérience personnelle là-dedans. Comme Tracy, j'ai finalement été tiraillée entre le fonds de cette histoire et la surface si tourmentée. Je suis restée tout le long entre deux eaux.



C'est l'histoire d'une femme, Tracy, au bord de la crise de nerf, qui semble même être à la lisière du meurtre. Une femme qui ne comprend pas comment elle en est arrivée là, qui se sent esclave, prisonnière de sa vie, de ses jumeaux de 5 ans. Prisonnière de ses propres injonctions contradictoires : sa vie est devenue un enfer à cause de ses deux enfants mais elle sait « qu'elle aurait regretté d'être seule. Elle était si déterminée à fonder une famille. Elle n'aurait jamais été heureuse sans ça. Elle était donc condamnée, quel que soit son choix ». Esclave du rôle de mère dans lequel elle est enfermée et dans lequel la société, y compris son mari, l'enferme.



Dans la première partie, nous la découvrons avec sa mère rejoindre son frère sur l'île de Komodo en Indonésie pour quelques jours de vacances tant mérités vu que depuis 5 ans elle élève, quasiment seule, ses jumeaux. Son frère Roy fait partie d'un groupe de plongeurs dont il attend à la fin du séjour un certificat de moniteur. Tracy et sa mère savent et aiment plonger.

Nous découvrons immédiatement une femme aigrie, amère, jalouse, puérile, tout en reproches vis-à-vis de son frère et de sa mère. Tout est de la faute des autres, ses jérémiades sont incessantes. C'est insupportable. Mais en plus, David Vann, par sa plume, en profite pour la rendre incroyablement vulgaire, voulant sans doute renforcer la perception négative du personnage :

« Comment ça va ? je lui demande. — Très bien, dit-il. Tu parles très bien français. — Je n'arrive à prononcer correctement les R que si j'ai une bite dans la bouche, dis-je. Ça me permet de l'avoir bien au fond de la gorge ». Elégant…encore une petite citation dans le même style :

« Je m'assieds sur les toilettes, j'ai envie de chier mais n'y arrive pas »…

Les allusions « pipi-caca » sont très présentes et sans doute, je n'ai pas voulu creuser, cela signifie quelque chose en termes psy quant à son lien avec l'un des parents. Sans doute.



Cerise sur le gâteau, David Vann ose même l'affubler d'un problème hémorroïdaire, conséquence de la maternité nous dit-il, alors que ses enfants ont désormais 5 ans. Il lui enlève toute dignité, nous faisant spectateur d'un problème intime qui n'apporte rien à l'histoire si ce n'est de prouver combien la maternité détruit la femme, détruit son organe le plus intime, détruit donc tout désir…comment ose-t-il ? Je n'ai pas le courage de mettre les extraits tant j'ai trouvé ses propos indignes et inélégants…



Seules les descriptions sous-marines sont belles, par moment magnifiques, et nous les voyons au travers des yeux de Tracy. Comme si les profondeurs montraient ce qui est enfoui en elle, sous cette surface incroyablement rugueuse. « Sous moi se déploie un aquarium, des coraux multicolores mous ou durs, et cette impression que la lumière émane d'eux, qu'ils luisent, magiques. C'est dû à la clarté de l'eau. On ne voit pas les rais de lumière descendre à travers les particules de vase en suspension ».

On ressent bien la sensation de légèreté, d'apaisement, cette plongée en soi, ce refuge solitaire entouré de beautés marines, puis le choc de la remontée dans ce monde si dur.



Les plongées mises à part, bien décrites, cette première partie aurait pu faire l'objet d'une belle introspection poignante, intense. Nous avons là un personnage détestable, usant, vulgaire que David Van, transforme même en cafard…



La 2ème partie est son retour dans l'appartement familial dans lequel nous assistons à un huis-clos oppressant et sordide, entre elle désemparée, épuisée, et ses deux jumeaux de 5 ans. Comme si alors elle plongeait non plus dans l'immensité de l'océan, seule, mais dans un aquarium tout petit dans lequel elle mène un combat. Dans lequel elle se fait requin. Dans lequel elle est obligée de s'asséner un coup de poing dans la paume chaque jour pour s'empêcher de frapper ses enfants. de prime abord nous pensons comprendre : voilà pourquoi cette femme n'en peut plus et est aigrie. Sa fonction de maman l'a tout simplement épuisée. Mais ce serait trop facile… David Vann l'a tellement faite toxique et puérile que son rôle en tant que maman ne peut que s'avérer catastrophique. le drame solitaire vécu avec ses enfants n'est pas une cause mais bien une conséquence de ce qu'est cette femme, de ses traumatismes vécus, notamment durant sa propre enfance. Les enfants tombent facilement malades, sont souvent en crise, dans un environnement toxique.



La façon de percevoir les enfants, monstres égoïstes et violents, aux conversations « crétines et répétitives » est ainsi glaciale et ferait frémir toute femme pas encore maman…c'est extrême, péremptoire et si je peux comprendre cette perception lors de certains moments difficiles (qui n'a pas connu ça, ces moments d'abattement, d'immense fatigue face aux cris ?), je ne peux l'accepter poser ainsi comme vérité : « Une mère qui refuse d'être mère est une vraie paria. Paria, esclave, prisonnière. Qui elle est, ce qu'elle veut ou ce qu'elle pourrait être n'a aucune importance. Et les tyrans, si petits, dotés de traits de caractère qu'on n'accepterait jamais chez un ami, ni même chez un citoyen lambda : un égoïsme suprême, des exigences constantes, injustes et méchants et fous d'après les critères adultes, sans la moindre considération pour la loi. Violents, bruyants, destructeurs, incapables de raison. Leurs promesses n'ont déjà plus aucune valeur cinq minutes après les avoir prononcées, et impossible de négocier avec eux. Et la loi leur accorde tous les pouvoirs. S'ils la frappent, ça n'a pas d'importance. Libres à eux de le faire à chaque instant de la journée, chaque jour, des années durant s'ils le souhaitent. Mais si elle les frappe ne serait-ce qu'une seule fois, on parlera de crime ».



Avoir des enfants, ce serait prendre perpet' : « Ses obligations sont infinies. Attendre qu'ils s'endorment, attendre chaque soir pendant des années, et elle a encore treize ans de services devant elle. Une partie de ses obligations se mueront en peine à perpétuité. Elle sera toujours leur mère. Mais cet isolement au cachot ne durera que les cinq premières années, jusqu'à leur entrée à l'école. À ce moment-là, elle sera en liberté surveillée, un bracelet électronique à la cheville, obligée de rester dans les parages et de se présenter à horaires fixes, avec quelques heures ».



Alors oui, je le reconnais, David Vann souligne des problématiques contemporaines dans l'éducation des enfants, cette façon qu'ont les parents de vouloir aujourd'hui tout expliquer aux petits, de tout argumenter, de ne plus recourir à un peu de fermeté faisant des enfants le centre exclusif des attentions, faisant des parents des esclaves présents pour assouvir le moindre de leurs désirs, immédiatement. La faute aux parents. Non aux enfants.



Enfin je suis très surprise par la toute fin, j'ai trouvé ce dénouement final grotesque même, m'attendant à quelque chose de plus intense.



Sous couvert de nous montrer les dégâts que peut causer la famille, il me semble que David Vann a montré sa propre vision de la femme et des enfants. Et c'est effrayant. « Ce que les gens disent ou font se rapportent uniquement à leur propre vie » énonce-t-il. Cette histoire semble ne pas être celle de Tracy mais bien celle d'un homme désabusé par les femmes et la cellule familiale. Enfin, et surtout, David Vann est venu ici désacraliser ce qui a de plus précieux et important à mes yeux : les enfants. Pour toutes ces raisons, je n'ai pu apprécier ce livre et me suis sentie profondément mal à l'aise. En apnée.





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Sukkwan Island

♫ Il y a le ciel, le soleil et la meeeer ♪

Y a même une île en plus, c'est cadeau, c'est offert.

Rajoutez-y un père et son fils, naufragés volontaires, et vous commencerez à avoir une assez bonne idée de la colonne vertébrale de ce roman.

Colonne vertébrale méchamment scoliotique vu les emmerdes rencontrées par nos deux Robinson Crusoé lâchement abandonnés par un Vendredi pointant régulièrement aux abonnés absents. Lorsqu'il s'agit de poser ses RTT de fin de semaine, l'est jamais en queue de peloton le lascar!



Une île sauvage en diable, un climat pas franchement en reste, une bicoque susceptible de faire les beaux jours de la page satirique du mag' Maisons du Monde et un plan de survie pour l'année à venir pas forcément foireux mais franchement ressemblant, le tout jeune Roy aura bien souvent l'occasion de se demander ce qu'il était venu faire en cette galère.

Contrairement à Jim, son paternel, venu expier ses fautes de mari volage récidiviste fraîchement largué.



Sukkwan Island, à cheval entre exotisme et promesse d'emmerdes stratosphériques.

Deuxième option vainqueur par KO technique à la 8e reprise.



Rapidement étouffant, ce terrain de jeu qu'est cette île récemment acquise par Papa Jim montrera rapidement ses limites en matière de survie. N'est pas Robert de la tribu des Kawaztihgtykxaxz de Koh-Lanta qui veut.

Elle partait pourtant d'une bonne intention cette aventure familiale.

Un père et son fils, seuls contre les éléments déchaînés. Rien de mieux pour en sortir plus fort...pour peu que l'issue soit favorable.



Si les paysages dépeints ne lassent pas d'ébaubir ou d'inquiéter, c'est selon l'état d'esprit du moment, j'ai constamment été gêné par la maturité de ce gamin de 13 piges largement plus vieux que son arrière grand-père et toujours enclin à se poser les bonnes questions pour finalement prendre les bonnes décisions.



Autre gros point noir sponsorisé par Biactol, ce brouillard perpétuel dans lequel l'auteur plonge ses lecteurs pour ne se dévoiler qu'à la toute fin, épilogue constituant à son tour un énorme grain de sable dans ma grolle droite généralement amatrice de dénouement réaliste alors que ma pompe gauche voue un culte immodéré à l'absurde le plus absolu, étonnant, non?



Si le dépaysement fonctionne à plein, difficile de s'emballer plus que ça malgré un curseur dramatique plutôt bien maîtrisé.

Il aura manqué un je ne sais quoi à ce conte de la folie ordinaire pour que j'en ressorte aussi euphorique qu'un Droopy sous ecsta.



Bon moment, pas transcendant, dixit Valoche Trierwiller...
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Sukkwan Island

Ce livre …



Je ne connaissais pas David Vann. Pourtant il m'a tabassé le coeur et fouetté les sangs le bougre. M'a presque filé la nausée tant ce roman fut un choc pour moi.



Oui, ce livre est un choc. Et un premier roman ! Mais quelle maîtrise dans l'écriture. Quelle plaie dans le coeur du lecteur. Jim décide de s'installer avec Roy, son fils de 13 ans, durant une année, sur une île au sud de l'Alaska, loin de la civilisation et au plus près de la nature.



Quelle force dans ce huis-clos bouleversant entre ce père et ce fils, au beau milieu d'une nature sauvage et aussi tourmentée que les âmes de ce duo blessé.



Il ne faut rien dire d'autre de cette histoire. Ne pas dire. Se taire. Il suffira de se rendre sur Sukkwan Island pour comprendre les raisons de ce silence.

Juste dire qu'on ne sort pas indemne de ce livre. Il va vivre longtemps dans ma mémoire. Comme une blessure. Une cicatrice. Il laissera des images. Cinématographiques et insoutenables.



Ce livre marque, il ne faut donc pas se lancer à la légère dans ces pages tourmentées et souvent dérangeantes. L'artifice, ici, n'est pas de mise. On plonge dans ce court roman, comme hypnotisé. Effaré et stupéfait. Sous le choc, je le redis.



David Vann m'a bousculé, m'a fait mal. Mais n'est ce pas là la beauté de la littérature ?



Je découvre les éditions Gallmeister avec cet ouvrage. La collection poche TOTEM est juste magnifique et je me suis déjà procuré d'autres exemplaires dans ces éditions. Je vais me laisser un peu de répit puis je continuerai mes découvertes en terre américaine.



Quel est votre coup de coeur absolu chez Gallmeister d'ailleurs vous ?


Lien : https://labibliothequedejuju..
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Aquarium

Après avoir lu deux de ses romans, j'imaginais virtuellement Vann en mec tristoune au phrasé monocorde.

Découvert aux Étonnants Voyageurs il y a peu, le gars fascine de par l'aisance qu'il affiche à parler en public, un sourire ingénu invariablement vissé aux lèvres.

Alors que je résiliais mon abonnement à Psychologie Magazine, il me vint concomitamment l'idée fulgurante d'aller jeter un oeil sur son C.V. afin de tenter d'appréhender le début d'un embryon de commencement de justification à de si sombres et sinistres scénarios spleenétiques.

De fait, issu d'une famille qui aura connu un meurtre et cinq suicides, dont celui de son père pour lequel il développera durablement une culpabilité morbide, l'on est en droit de penser que le terreau familial n'est pas étranger à de tels écrits.

De véritables tragédies grecques revisitées afin de tenter d'exorciser ses propres démons.



Leçon du jour : le pardon.

Caitlin, du haut de ses douze ans, aime sa mère et ses visites journalières à l'aquarium.

Son amitié développée avec un vieux monsieur aussi passionné qu'elle des fonds marins tournera très rapidement au vinaigre une fois la maman au courant de ce rapprochement aussi étrange qu'inquiétant.



Si l'on devine rapidement l'identité de cet énigmatique senior aquariophile, le scénario qui en découle surprend et dérange tout à la fois.

N'étant pas fin connaisseur ni suffisamment curieux de ce foisonnant milieu marin, j'avoue que moult descriptions poiscaillesques m'ont littéralement laissé sur le carreau.

Il n'en reste pas moins un très beau récit sur le pardon et la rédemption campé par des personnages hauts en couleur.



Un bon Vann mais pas aussi bien que si c'était mieux.
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Aquarium

Pressant son visage au plus près de la vitre, Caitlin admire, comme si c'était la première fois, ce poisson si laid enfoui dans cette végétation impossible. Soudainement, elle entend la voix d'un homme. D'un vieil homme, à la peau des mains si ridées. Il lui explique que ce poisson cache ses oeufs avant de lui demander son âge et la raison pour laquelle elle est ici, dans ce grand aquarium de Seattle. La conversation s'engage gentiment entre la jeune fille et cet homme. Quand arrive l'heure du départ, elle lui dit qu'elle sera là le lendemain... et les jours suivants. En effet, dès que Caitlin quitte l'école, elle va à l'aquarium et admire inlassablement les poissons jusqu'à ce que sa maman, Sheri, vienne la chercher. Une maman qui travaille durement au port à conteneurs pour subvenir à leurs besoins. Dès le lendemain, elle retrouve le vieil homme. Une rencontre désormais quotidienne qui égayera sa vie un peu morose, dans cette banlieue triste et pauvre de Seattle, de même que son amitié avec Shalini, sa copine de classe native de New Dehli...



La jeune Caitlin, âgée de 12 ans, va faire l'amère expérience des secrets de famille. Grâce à ce vieil homme qu'elle rencontre à l'aquarium et à son amie, Shalini, la vie de la jeune fille va peu à peu s'adoucir jusqu'à ce que Sheri découvre la relation entretenue avec cet homme. Alors qu'elle découvre sa véritable identité, Caitlin va également prendre connaissance du passé de sa maman. Un passé tragique qu'elle aurait aimé oublier. Un passé qui lui aura gâché sa propre vie. David Vann fait dans le tragique avec ce roman noir qui explore les relations familiales compliquées et les secrets tenus cachés. L'auteur aborde également avec sensibilité la perte de l'adolescence, la découverte de l'amour ainsi que la fragilité d'être vivant, le pardon ou encore les traumatismes liés à l'enfance. L'ambiance, plutôt tendre et douce au début du roman, s'intensifie au fil des révélations. Un roman bouleversant, poignant, sombre, parfois oppressant, porté par une écriture à la fois forte et poétique.
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Sukkwan Island

En emmenant son fils de 13 ans avec lui pour passer l'hiver sur cet îlot de Sukkwan Island en Alaska, dont il vient d'acheter le seul refuge, Jim pensait pouvoir repartir du bon pied.



Avec son fils Roy, d'abord, car leurs liens se sont distendus durant ces dernières années, à la suite de la séparation d'avec sa mère.

Avec sa vie aussi, et pour échapper à ses échecs sentimentaux.



Les débuts sont âpres et ne font que mettre en lumière l'impréparation de ce séjour. La vie est difficile déjà... alors que l'hiver n'est pas encore là.



Et les démons de Jim eux aussi sont là. Ils l'obsèdent la nuit même s'il arrive à faire bonne figure le jour.



Roy, lui, se demande s'il pourra supporter ce père qu'il découvre petit à petit, avec ses faiblesses et ses cotés attachants.



Et puis, d'un coup, la situation se dégrade...



À mon avis :

Un cours roman, qui confine au noir.

D'abord angoissant dans sa mise en situation de ces deux êtres qui ne sont absolument pas préparés à ce qui les attend.



On en vient à se demander s'il est bien sérieux d'avoir embarqué un enfant de 13 ans dans une aventure pareille...



On découvre progressivement ce père, mais toujours de manière partielle, avec en arrière plan cette impression que tout peut basculer à tout moment, psychologiquement ou physiquement.



Et puis c'est le choc ! Celui auquel on ne s'attend pas.

A partir de ce moment là, tout devient carrément sombre, presque glauque.



Pas question de dévoiler ici les événements qui sont décrits dans ce récit, mais j'ai été agréablement surpris par la progression de l'histoire qui nous permet de découvrir petit à petit l'état d'esprit de ces deux protagonistes.

C'est à la fois bien amené et distillé discrètement, au fil des pages, avec toujours cette impression qu'on ne sait pas encore tout.



Et de fait, c'est ce qui nous fait tourner les pages de ce livre, court mais intense, délicat et dur à la fois, lumineux et sombre aussi.



Il se termine alors sur un nouveau drame, à la fois horrible et plein de sagesse ou d'émotion.





D'autres avis sur d'autres lectures, sur mon blog :

https://blogdeslivresalire.blogspot.com/
Lien : https://blogdeslivresalire.b..
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Sukkwan Island

Mazette, quel bouquin !



Cela commence bien tranquillement, comme dans l’un de ces “nature writing” typiquement américains, mâtiné d’une relation père-fils et d’une initiation à la vie sauvage aux allures de camps scout : une année sabbatique, une parenthèse, un besoin de ressourcement loin du monde et de ses contingences, et l’occasion pour un père divorcé et son fils de 13 ans d’apprendre à se connaître, en pleine nature, dans un face à face à huis clos.



Sukkwan Island : une petite île absolument déserte en Alaska et totalement coupée du monde, où les plus proches présences humaines se trouvent sur une autre île à plus de 30 kilomètres. C’est - tout comme leur petite cabane précaire et mal isolée - brut de décoffrage, authentique et sauvage, ça a le parfum de l’aventure et c’est a priori plein de charme. “C’était comme dans “La Petite Maison dans la prairie”, ils se tenaient assis là, sur le porche sans rambarde, leurs bottes pendant dans le vide, sans personne à des kilomètres à la ronde. Ou peut-être pas comme dans la série, plutôt comme s’ils étaient des chercheurs d’or. Ils auraient très bien pu vivre dans un autre siècle.”



Mais on sent bien dès le début que la belle aventure bucolique risque fort de déraper sévère… Il y a, d’abord, une impréparation et une inexpérience exemplaires dans le n’importe quoi : peu de provisions, peu d’outils, aucun savoir-faire et une désorganisation totale ; et puis, surtout, il y a ce père qui a brûlé tous ses vaisseaux, cet homme qui toutes les nuits pleure, gémit, se répand en confessions larmoyantes et obscènes devant son fils qui n’en peut mais, et dont on sent bien qu’il n’est pas un modèle d’équilibre ni de sérénité… ce que subodore également le fiston “qui savait que ces larmes nocturnes naissaient d’autre chose, de quelque chose qu’il craignait de sous-estimer.”



Que dire de la suite, au risque de “divulgâcher” toute l’affaire ? Juste ceci, que raconte le père dans les toutes premières pages : “Quelque part, il y a eu un mélange de culpabilité, de divorce, d’argent, d’impôts, et tout est parti en vrille”... et quelle vrille ! Parce que là, pour vriller, ça vrille, et méchamment ! Avec un art consommé du suspense, David Vann nous conduit pas à pas dans des abîmes de ténèbres, de lâcheté et de folie. C’est oppressant, c’est effrayant, c’est vénéneux au point d’en être presque malsain… et c’est terriblement efficace et addictif.



Un premier roman implacable et extrêmement bien construit d’un auteur qui est en train devenir l’une des grandes signatures de la littérature américaine contemporaine… et la promesse de quelques heures de lecture horrifiée. A déconseiller absolument aux âmes sensibles - et à recommander à toutes les autres !



[Challenge Multi-Défis 2020]
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Komodo

Pour la première fois depuis la naissance de ses jumeaux âgés de 5 ans, Tracy quitte la Californie pour rejoindre Komodo, en Indonésie, et les laisse seuls avec son mari Lautaro. En compagnie de sa maman, elle part retrouver son frère, Roy, qui vient de terminer sa formation d'instructeur de plongée et veut leur montrer les requins et les raies manta. Malheureusement, la semaine qui se voulait paradisiaque, loin de son quotidien harassant avec ses jumeaux qui l'accaparent et de son mariage qui bat de l'aile, sera loin d'être salutaire et reposante. Et ce, dès les retrouvailles tendues entre la sœur et le frère au cours desquelles les nombreuses rancœurs vont refaire surface : Tracy qui reproche à son frère son divorce, leur mère qui, à ses yeux, a l'air d'avoir tous les soucis que son fils lui a procurés...



Si les magnifiques plongées au cœur de l'océan indien s'avèrent apaisantes, de par ces descriptions parfaitement décrites par David Vann, ce qui s'y passe en surface l'est beaucoup moins. En effet, malgré l'éloignement et les années d'absence, les retrouvailles entre Tracy et son frère, Roy, ne se passent pas si bien que prévu. Bien au contraire ! Tracy est, en effet, une femme en colère, rancunière, blasée, surmenée par la vie qu'elle mène (son mari ayant visiblement mieux à faire que de rester à la maison pour l'aider et s'occuper des jumeaux). Dès lors, si les premières heures s'avèrent tendues, l'affrontement ira crescendo entre Tracy et Roy... David Vann explore à nouveau un thème qui lui est cher, la famille. Cette fois, il se glisse, avec justesse, dans la peau d'une femme en plein burn-out maternel, dont la rage et la colère couvent en elle depuis trop longtemps. Ce voyage en Indonésie va, immanquablement, marquer et changer le trio familial ainsi que les relations qu'ils entretenaient. Un roman atypique, à la construction implacable, tout aussi dérangeant que suffocant parfois...
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Le bleu au-delà

Un repas de famille plombant, un dernier appel, une balade avec oncle Russ et Big Al, une discussion dans la voiture avec grand-père, un nouveau mariage...



et bien d'autres nouvelles encore... certaines issues de "Legend of a suicid", d'autres plus anciennes et d'autres encore inédites.



Ce recueil rassemble les souvenirs d'enfance, d'adolescence puis de jeune homme de Roy/David. Des disputes incessantes entre ses parents, qui finiront par se séparer, à la multitude de petits amis de sa mère en passant par la rencontre avec Rhoda, sa belle-mère, le comportement fantasque et imprévisible de son père, son retour à Ketchigan des années plus tard ou encore (et surtout) le suicide de son père, l'auteur tente de redessiner, de son écriture puissante et intense, les contours de son passé et de comprendre le geste de son père. Un suicide, alors que l'auteur n'avait que 13 ans, qui marquera à jamais l'enfant et l'adulte qu'il est aujourd'hui. David Vann évoque également la nature, la pêche, la religion mais aussi les armes.



Des nouvelles intimes et sensibles, à la fois sombres et lumineuses...
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Désolations

Malgré le froid glacial de l’Alaska dans lequel nous amène David Vann, nous suffoquons dans une ambiance étouffante, oppressante , je dirais même malsaine.

De façon sournoise, le climat entre Irène et Gary se dégrade de plus en plus et le lecteur redoute le pire.

On ne peut s’empêcher de penser au superbe roman Sukkwan Island, dans lequel nous sommes les témoins d’une relation difficile entre le père et le fils. Ici, c’est entre le mari et la femme que la communication ne se fait plus ou de façon cruelle, blessante.

La nature est dans désolations autant importante et présente que dans Sukkwan Island et là encore elle ne sera pas aidante, elle va au contraire renforcer l’hostilité qui règne dans le couple.

David Vann nous dépeint une nature et une nature humaine en parallèle . Si les éléments naturels se déchaînent, tempête, froid, pluie et neige, les rancoeurs, mensonges, reproches, trahisons, égocentrisme caractérisent les relations humaines .

Oui, ce n’est pas un livre optimiste, on s’en doute vu le titre, mais c’est un roman d’une grande qualité qui est très « plaisant » à lire.

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Komodo

J'ai été secouée par cette lecture tant j'ai senti son héroïne en souffrance. Cet auteur que je ne connaissais pas a réussi à donner vie aux sensations de Tracy, une mère de deux jumeaux qui est tellement à bout que, lorsqu'on la rencontre, ses pensées s'expriment par des mots qui n'arrivent pas à former des phrases. Je me suis dit que cette manie allait rapidement m'agacer, tout comme ses répliques agressives insupportent sa mère, avec qui elle vient passer des vacances auprès de son frère, moniteur de plongée à Komodo, Indonésie. Mais si elle ne peut s'empêcher de se rendre insupportable malgré les regards des autres clients, c'est qu'elle est en colère. Pas une petite colère d'enfant qui va passer, non ; une colère de femme qui prend conscience qu'elle subit sa vie sans l'appui de son mari, une femme qui est la seule du couple à se sacrifier depuis 5 longues années mais à qui on reproche tout, une femme qui encaisse les coups jusqu'à cette première semaine de vacances où la pression se relâche, où les vannes s'ouvrent, où d'un coup, plus aucun filtre ne retient le flot de ses paroles et pensées. Alors elle retrouve la force de faire de vraies phrases. Choc.





Elle transfère sa colère sur son frère, pour des raisons qu'elle nous dévoile au fil de l'eau et de leurs plongées touristiques, qui laissent à chaque fois le lecteur en apnée. D'abord pour la beauté des paysages sous-marins décrits par cette ancienne biologiste marine, qui en font une lecture d'été idéale, parfaite pour la plage : « Komodo, pareil à un coffre au trésor, des gemmes éparpillées partout » ; ensuite, pour la légère inquiétude qui s'installe du fait qu'elle et sa mère sont deux débutantes embarquées dans des plongées pour confirmés ; Egalement pour la présence de requins qui rôdent, à l'affut de la moindre blessure sanguinolente. Mais surtout, parce qu'à chaque plongée la pression s'accentue, la colère enfle envers ce frère qui ne sait pas s'occuper d'elles, et la noirceur de plus en plus profonde de ces plongées en âmes troubles devient palpable… Jusqu'au point de non-retour, quand les vacances de décompression tournent au drame. Lorsqu' on ne peut plus gérer la pression, il est temps de sortir la tête de l'eau. Mais comment faire, lorsque cette plongée métaphorique en eaux profondes révèle que des courants nous ont portés loin de là où nous pensions aller ? Lorsqu'on se débat dans l'obscurité des fonds marins, sans plus apercevoir la lumière du jour pour nous guider, sans solution apparente ?





« La vraie vie n'est qu'une question de pouvoir, jamais de justice. Mordre des nageoires, ou se faire mordre les siennes. »





Un roman tout en tension qui nous plonge au tréfonds de l'âme humaine, mais aussi au coeur d'un problème plus structurel : le modèle de famille et l'éducation des enfants. Des enfants que l'on a plus le droit de punir, de vrais dictateurs avec qui il faut négocier la moindre parcelle d'autorité, qui peuvent utiliser la violence impunément. de tels enfants peuvent-ils devenir des adultes équilibrés ? Se demande Tracy, Maman épuisée. Et qu'en est-il du rôle de ces pères, que l'on espère de plus en plus rares : absents, fuyants, utilisant la femme comme esclave au point que celle-ci, corvéable à merci, rêve chaque jour de frapper ses propres enfants et chaque nuit de tuer son mari ? « Bien plus effrayant qu'un requin, un être mû par une intention plus obscure »… David Vann joue avec nos émotions et parvient à nous placer dans les entrailles de ses personnages.





« Peut-être que la famille est un immense sac à merde qui se balance dans le vent, et qu'on s'en sert de pinata avant de reculer pour ne pas être éclaboussé quand elle éclate. »
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Sukkwan Island

Roy ne voulait pas vraiment se retrouver pendant un an sur cette île en Alaska en compagnie de son père. Sa première réponse était négative, Mais sa mère lui a demandé de bien réfléchir et il a compris qu’il était plus ou moins obligé d’accepter. Ses parents ont divorcé des années plus tôt et il vit avec sa soeur et sa mère en Californie. Il ne connait pas trop son père mais le sait fragile et instable.



Les premiers jours sur l’île vont lui donner raison. Jim, son père n’a rien préparé pour les conditions hivernales terribles de cette région. Roy du haut de ses treize ans doit organiser et prendre en charge les repas en pêchant, vidant le poisson, le cuisinant. La nuit il écoute son père pleurer et s’apitoyer sur son sort. Jim marche beaucoup. Souvent Roy le suit jusqu’au jour où Jim tombe d’une falaise. Roy le traîne jusqu’à la cabane, veille sur lui. Il ne peut prévenir personne, la radio ne fonctionne pas. Roy a un doute : son père est-il tombé ou s’est-il jeté du haut de la falaise ? Jim se remet de sa chute, comptant de plus en plus sur son fils pour le quotidien.



La marche vers l’enfer est enclenchée. La descente va être rude, lente, surprenante, choquante. L’état de sidération est total.



Je ne peux en raconter plus mais pour une fois je vais vous donner mon ressenti. Il n’y a rien de pire pour un enfant de ne pas se sentir en sécurité avec un parent. Alors lorsqu’il doit, en plus, prendre en charge cet adulte qui est censé le protéger, le sentiment d’insécurité est décuplé et l’envie, que tout cela s’arrête, est présente comme une voix lancinante. L’envie de reprendre une vie normale d’enfant.



Impossible d’écrire de cette façon sans avoir vécu ce sentiment de terreur. J’ai tourné les pages, rapidement, me demandant où était le bouton pause, histoire de reprendre mon souffle, mes esprits. Mais non, jusqu’au bout, jusqu’au fond du trou, jusqu’à l’éternité, jusqu’à la dernière page, dernière phrase, dernier mot.



Un récit époustouflant, choquant mais combien salutaire !
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Sukkwan Island

Ce livre est un vrai coup de poing, un roman qui fait froid dans le dos. On y fait la connaissance de Jim et de son fils, Roy, qui s'installent sur un île au sud de l'Alaska. Jim a vendu son cabinet de dentiste et veut fuir suite a un deuxième divorce. Si au départ. l'aventure promet des beaux jours en perspective, tout ça vire très vite au cauchemar. Jim est dépressif et ne s'en sort absolument pas tandis que la nature est très hostile dans cette région. Et puis soudain un drame arrive auquel le lecteur est absolument pas préparé. Rien que d'y repenser en écrivant cette critique, j'en ai froid dans le dos..... D'autant que ce drame se déroule sur a peine quelques lignes.



C'est la première fois que je lis un roman de David Vann, et j'ai trouvé Sukkwan Island très réussi. Alors certes, c'est un roman très noir, a ne pas lire par une journée ou vous n'avez pas trop le moral. La première partie est vraiment très réussite, la seconde peut-être un peu longue a mon goût d'autant que le personnage de Jim m'a un peu irrité, son comportement et ses réactions sont parfois un peu étranges mais en même temps c'est un personnage très tourmenté. Un roman noir et dérangeant duquel on ne sort pas indemne.
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Sukkwan Island

Un livre bouleversant par la noirceur de son histoire !!

Au début du récit, tout semblait bien parti pour ce père qui désirait juste passer une année dans un coin isolé de l'Alaska avec son fils de treize ans.

Au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire , on découvre la personnalité du père, pas vraiment à la hauteur de son rôle et qui peine à assurer le quotidien dans cet endroit coupé du monde .



Beaucoup de critiques et d'analyses forts pertinentes ont été écrites au sujet de ce livre, aussi n'en rajouterais je pas plus ...

Sukkwan Island est à lire, certes, mais pas un soir de grosse déprime...David Vann a une écriture que je qualifierais de puissante tant elle m'a glacé au plus profond de moi-même.

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Aquarium

David Vann nous offre ici une fois encore une histoire sombre , même noire mais on peut malgré tout, et c'est ce qui le différencie de ses autres romans, apercevoir une petite lueur qui se dessine.

Livre après livre, David Vann me touche et m'interpelle. Ici on fait connaissance avec Caitlin petite fille de 12 vivant avec sa maman Sheri qui travaille dure pour pouvoir mettre un peu d'argent de côté afin de donner une chance à sa fille d'aller un jour à l'université. Se sentant seule, sans autre famille que sa mère, Caitlin passe son temps libre à l'aquarium où elle va faire connaissance d'un vieux monsieur. Cette rencontre va bouleverser son univers et celui de sa mère. C'est à travers Caitlin, que nous allons vivre cette histoire poignante.

Comme d'habitude, l'écriture de David Vann est telle que nous plongeons en apnée jusqu'à la dernière page. Certains passages sont très durs et nous questionnent sur le poids du passé et son impact sur toute une vie. David Vann aborde la question du pardon avec une telle férocité que j'ai parfois été déstabilisée.

Le grand-père et Caitlin sont émouvants, on les aime instantanément, la mère quant à elle, peut être douce, aimante mais aussi cruelle et avoir des comportements inadaptés, mais derrière ses souffrances presque indicibles , la question du pardon est là-aussi posée. Comment ne pas avoir d'empathie ?

Un livre fort, qui bouscule.

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Sukkwan Island

« Il commençait à se demander si son père n'avait pas échoué à trouver une meilleure façon de vivre. Si tout cela n'était qu'un plan de secours et si Roy, lui aussi ne faisait pas partie d'un immense désespoir qui collait à son père partout où il allait. »



C'est superbement écrit, construit. Un grand roman qui narre l'histoire d'un fils et l'histoire d'un père. L'histoire de deux hommes, l'un ouvert, en attente de compréhension, l'autre fermé, enfermé plus exactement. Ce n'est pas l'histoire d'un père et de son fils, mais l'histoire d'un fils et de son père. Il n'y a pas d'échange réciproque dans cette histoire et c'est ce qui me frappe le plus. C'est donc de surprise en étonnement que je suis tombée petit à petit jusqu'au moment où la chute fût fatale et suis partie dans une spirale démentielle. Deux parties dans ce roman très bien menées dans lesquelles je suis entrée complètement. Une plongée dans les mêmes interrogations que l'enfant pour finir par dévisser et me noyer dans la folie, incroyablement décrite par David Vann.



« J'aurais pu (...) Si les saumons avaient bondi comme les oiseaux sur la route. »
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Un poisson sur la lune

L'auteur raconte la dépression et le suicide de son père, lorsque lui-même avait treize ans. Pas à la première personne du singulier ni du pluriel, mais, comme dans une sorte de mise à distance ou d'autopsie, en mentionnant son père par Jim, et lui-même par David. Le récit n'en est pas pour autant froid le moins du monde, au contraire : avec une immense empathie, David reconstruit ce qui a dû se dérouler dans la tête de son père lors de ses derniers jours, lorsqu'il est venu d'Alaska où il résidait, seul, pour visiter une dernière fois sa famille en Californie : ses deux ex-femmes et ses enfants, ses parents, son frère et un ami d'enfance.





David n'a que peu de clés pour expliquer le mal-être paternel, juste quelques bribes d'observation familiale qui peuvent servir de début de pistes. L'objet du livre n'est pas d'expliquer, mais de plonger dans la peau et la tête de Jim pour tenter de ressentir la même chose que lui, dans une sorte d'introspection par procuration.





On imagine sans peine l'épreuve qu'à pu représenter pour l'auteur l'écriture de ce livre. Mais sans doute fut-elle moins pesante que l'écrasante interrogation que laisse un suicidé à ses proches. Cette lecture oppressante n'est pas une partie de plaisir : c'est une immersion dans un désespoir noir, un vide sans fond, une absence de sens qui n'a qu'une inéluctable issue.





Face à son délire suicidaire accompagné de pulsions meurtrières, en cette fin d'années soixante-dix, Jim ne rencontre guère de soutien : sa famille, effrayée et perdue, se réfugie dans un certain déni et ne réalise sans doute pas complètement la gravité de la situation. Le psychiatre ne prend pas les mesures qui aurait peut-être pu protéger Jim malgré lui. On s'effraye lorsque, entouré d'armes à feu dans cette famille passionnée de chasse, pour laquelle tirer semble aussi naturel et vital que respirer, Jim est maintes fois tenté, dans ses accès de colère désespérée, d'emmener ses proches ou des inconnus dans son dernier geste : il ne saurait y avoir de plaidoyer plus évident contre la légalisation du port d'armes aux Etats-Unis.





J'ai refermé ce livre sur une sensation glaçante de noir vertige et d'impuissance désolée, face à une double et incommensurable souffrance : celle de Jim qui n'a trouvé d'issue que fatale, et celle de David, son fils, marqué de manière indélébile au point de tenter de revivre le supplice paternel par le biais de l'écriture.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Un poisson sur la lune

Jim Vann ne peut plus. Il est au bout de sa désespérance.



Il a essayé pourtant : « Ce que Jim voudrait, c’est trouver une utilité à son désespoir. Pourquoi son état merdique actuel ne pourrait-il pas s’avérer idéal pour autre chose ? ». À l’image du flétan envoyé sur la lune, poisson-astronaute idéal – « Qui aurait pensé qu'un flétan ferait le meilleur des astronautes ? » - le père de David Vann tente désespérément de se sauver, de rebondir, de s’envoler magnifiquement dans la vie.



Mais ça ne fonctionne pas. Et Jim ne peux plus faire semblant, plus se taire, plus se complaire, plus continuer à souffrir, plus enchaîner les journées les unes après les autres sans y trouver aucun sens… Jim ne peut plus vivre.



Alors Jim quitte son repaire doré mais solitaire en Alaska pour un dernier voyage d’adieu aux siens et au monde, un Rugger .44 Magnum et ses munitions toujours à portée de mains.



Les siens, ce sont David et Cheryl, ses enfants qu’il a eus avec Lorraine ; c’est Doug, son frère cadet qui tente de le chaperonner ; ce sont ses parents, apparament si résignés, qui intériorisent chacun de leur sentiment. Et c’est Lorraine, son rocher, son refuge, son amour semble t-il… Le temps de quelques jours, ils vont tous tenter de le garder « dans la vie », chacun à sa manière ; tous avec amour.



Dans Un poisson sur la lune, David Vann – toujours remarquablement traduit par Laura Derajinski, ce qui vaut à cette dernière une pleine page de touchants remerciements à la fin du livre – revient sur son passé et, en sachant habilement s’en affranchir quand il le faut, écrit probablement son livre le plus dur, le plus écorché mais aussi le plus profond.



Il fait monter en puissance ce désespoir, plongeant le lecteur dans une lecture stressée, angoissée et dérangeante jusqu’à la toute dernière page. Et parallèlement, il livre - sans juger - de profondes réflexions sur le sens de la vie, l’amitié, la filiation, l’inéluctabilité des grandes décisions, les limites de l’assistance à autrui. Avec plusieurs passages touchant au sublime, comme le dialogue matinal de Jim et de son père, inoubliable, ou cette incroyable fable métaphorique du flétan astronaute.



Un grand livre, qui ne plaira cependant pas à tout le monde et pourra même être insupportable pour certains…
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Sukkwan Island

Oui mais non. Livre en deux parties complètement inégales. Alors ok j'ai passé l'âge de bouder mon brave David. N'empêche, je m'autoriserais bien à amorcer un début de moue vois-tu.



L'idée était pourtant séduisante. A savoir, s'inspirer de sa propre vie. Faut avouer que le suicide de son père alors qu'on n'a que treize ans, ça vous fait chauffer la bouilloire cérébrale. Et comme quinze jours avant, le p'tit David avait refusé de tout plaquer pour voyager avec papa-la-déprime un an en Alaska, ça l'a marqué au fer rouge. Culpabilité, remords, et des tas de questions à jamais sans réponse se bousculaient dans cette tête trop jeune pour un tel drame.

Pour exorciser le mal, rien de mieux qu'imaginer un autre scénario, objet de Sukkwan Island : un ado de treize ans qui accepte de passer un an loin de toute civilisation pour renouer avec un paternel légèrement siphonné du citron.



Vann fait donc renaître ce père instable le temps d'une escapade sur fond de nature à dompter. Thème de la survie subtilement exploité : comment survivre aussi bien à une nature sauvage qu'à une relation plus que bancale. Sans surprise, ça puire le méchant cafard via ce rapport père-fils nébuleux et confus dû au big problème de communication, foi de psy de comptoir. Car, expérience oblige, Vann s'y entend à merveille pour transmettre ce mal-être, ces retrouvailles ratées. Sans se priver de noircir un tableau déjà grisonnant. Le point fort.



Mais, malgré un revirement inattendu s'il en est, que la deuxième partie est pénible! Ça tourne en rond sur cette île maudite. On sombre dans un brassage d'air à pleines mimines pour patauger dans un micmac de chagrine détresse et d'auto-apitoiement assommant et fastidieux. Bilan : curseur empathie à peu près au même niveau que le thermomètre de Sukkwan Island. 

Une fin hâtée et sans saveur vient parachever ce sentiment de "peut mieux faire".

Ce roman m'aura ainsi laissée sur une faim non apaisée. Huis-clos glaçant au grand air glacial pour ouvrir l'appétit. Et bim, on te refile une piteuse glace à l'eau Top Budget en guise de dessert.



Moyenne accordée tout de même. Grâce à l'éclairage bio qui excuse en partie notre David Vann, auteur en autothérapie sur le geste désespéré de ce père parti trop tôt.

En sus, une écriture et une patte narrative pas déplaisantes, loin s'en faut, m'imposent la lecture d'un autre Vann.

Ne jamais juger sur une seule oeuvre m'a dit... mon fidèle Personne. Et je ne peux douter de Personne car Personne ne se trompe jamais.
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