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Critiques de David Vann (1617)
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Impurs

« Il était possible que chaque âme vive dans un pays-miroir, sans personne autour. »



Chargé en références, Impurs est une réussite sociétale. J'ai pourtant pris peu de plaisir à le lire. Je pense avoir aimé l'univers dans sa globalité pour ce qu'il représente. L'auteur écrit bien et ses idées sont culturellement d'un haut niveau.



Impurs nous baigne dans une noirceur intégrale où la folie est prédominante.



Galen, le protagoniste principal aspire à la pureté, il se positionne cérébralement au-dessus de n'importe quel humain et il est convaincu de détenir la vérité.

De la méditation à la démence, il n'y a qu'un pas. Galen donne le ton dans ce huis clos oppressant.

Capable de se projeter hors de son contenant corporel, il ne répond pourtant plus de rien dès que sa cousine sexy s'impose.



« Samsara, l'attachement au monde. le désir sexuel en était la pire manifestation. Un besoin qu'il ressentait dans sa colonne vertébrale, qui remontait le long de son dos jusque dans sa nuque, relié à sa bouche. C'était fou, complètement fou, et cela étirait le temps. Seul un eunuque pouvait trouver la paix. Châtré. C'était le chemin le plus rapide vers l'illumination. »



La famille ici semble représenter la société, telle qu'elle déforme ses hôtes.

Une famille profondément injuste, angoissante, noire et sordide. La mère, noyau parental, se hisse du haut de sa grandeur matriarcale et accapare son fils d'un amour exclusif et étouffant, où chaque décision est tronquée par son jugement unique.



Le seul refuge pour Galen est la construction d'une transition vers un nouveau cycle. Il est attaché par une sorte de cordon lui permettant d'assembler les deux parties du corps matériel composé de son corps physique et son double vital qu'il considère comme étant son corps éthérique.

C'est à ce moment-là que j'ai failli me perdre dans les affres et les méandres de la pensée de Galen.

En fait, c'est assez simple. Je me suis retrouvée en chemin !



Dans le bouddhisme, Samsara est lié au cycle de la vie conditionné et ininterrompu, dans lequel les vies sont soumises à la dépendance, l'aveuglement et la souffrance.

Nous l'appelons plus communément le karma.



« Nous étions terrifiés par le néant, par l'ignorance de ce que nous réservait l'avenir, de ce que nous devions faire, de ce que nous devions être. La répétition est un point de concentration, un refuge. »



Par la méditation, la lecture et la musique, Galen s'échappe jusqu'au moment où il arrive au point de non retour.

Jeune homme torturé, sa fuite n'en sera que punitive. Il cherche une solution dans la rédemption en pensant être maître de ses actes, alors que la société mère l'a déjà englouti.



« Galen oeuvra sur le sillon dans l'obscurité sans lune. Se guida à tâtons le long des murs avec la pelle. L'air creux, un temps de reflux. le son amplifié. »



Impurs est mon premier livre de David Vann. Je connais peu l'auteur et mon ressenti est neutre.

Selon ma première impression, qui n'appartient qu'à moi, l'auteur semble pointer du doigt notre système actuel, qui n'est qu'un exemple parmi d'autres. Il dénoncerait les principes même crées par l'humain, ces fondamentaux nous obligeant à vivre de cette façon. Alors que la vie ce n'est pas ça. La vie ce n'est pas d'aller travailler pour gagner de l'argent et faire ses courses après avoir payé ses factures.

Le conditionnement de notre société ce n'est pas la vie. C'est juste un échantillon de comment nous pouvons vivre.



« Il ne voulait pas que le soleil se lève aujourd'hui et il était prêt à passer le restant de sa vie à cette période de la journée, le ciel d'un bleu foncé si beau, l'air tiède et la lune descendante. Presque l'obscurité, toute chose déjà présente sans être encore entièrement formée, le monde en devenir sans être encore abouti. »



Si Jonathan Livingston le goéland accompagne fréquemment les lectures de Galen, c'est parce qu'il rêve de s'envoler avec lui…





Lu en août 2021
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Komodo

Il y a toujours une tension sous-jacent dans les romans de David Vann. Bon, dans celui-ci il s’est un peu assagit le Monsieur peut-être parce que le narrateur est une femme qui, d’ailleurs, est la seule à ne pas avoir de prénom, seulement cantonnée à ce rôle de mère de jumeaux où elle se voit esclave avec un mari qui ne se préoccupe que de son physique. Enfin, elle quitte la Californie pour une semaine en Indonésie avec sa mère et son frère. Pas bon de les côtoyer et d’entendre les règlements de comptes familiaux. Des passages vulgaires drôles. Une semaine de plongée à voir de magnifiques poissons sous-marins. On sent que l’auteur connaît bien son sujet. Sur le côté sombre du quotidien d’une mère de famille.
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Aquarium

Une fois encore, David Vann a choisi de peindre une fresque familiale.

Au premier plan, Caitlin, une petite fille de douze ans à l'orée de l'adolescence et sa mère Sheri.

En toile de fond cette fois, non plus les grands espaces mais un lieu bien clos, l'aquarium de Seattle .Surprenant mais tellement évocateur par la suite.



Caitlin, passionnée par la vie aquatique et les espèces de poissons s'y rend tous les jours pour attendre sa mère après l'école. Le rapport de l'enfant à ce lieu , cette antre matricielle, est superbement évoqué tout au long du récit et revient sans cesse, un leitmotiv rassurant ...en apparence .

Mais, il suffira d'une rencontre pour que le fragile équilibre familial soit rompu . Le poids des secrets de famille, les non-dits vont faire entrevoir à l'enfant un univers cauchemardesque.



Une fois encore, l'auteur va s'ingénier à fouiller dans les recoins les plus sordides, les plus obscurs d'une histoire familiale pour mieux décortiquer des rapports parentaux compliqués ,violents, pervers atteignant par moment les confins de la folie .

Mais, ce que l'on retient de ces lectures c'est toute l'horreur de la souffrance juvénile au sein de la famille, cet univers bien clos ,hermétique chez cet auteur, hermétique comme un ...aquarium ?



" Tout est possible avec un parent.

Les parents sont des dieux.

Ils nous font et nous détruisent.

Ils déforment le monde, le recréant à leur manière, et c'est ce monde-là qu'on connait ensuite pour toujours.

C'est le seul monde.

On est incapable de voir à quoi d'autre il pourrait ressembler." [p.158]



Chez David Vann, les jeunes flirtent souvent avec le désespoir et dans des ouvrages comme celui-ci ou "Impurs ", j'ai envie de dire qu'il n'écrit pas, mais qu'il hurle ...

Et donc, c'est une lecture toute en variations, l'eau et le feu ,la candeur et la perversité, l'amour et la haine.Et pour qu'enfin tout s'harmonise , il faut assurément un style, un talent, une signature.
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Sukkwan Island

Battue par les vagues et fouettée par les vents marins, Sukkwan island est une petite île inhabitée au sud de l’Alaska, un lieu hostile et isolé, accessible uniquement en avion les jours de beau temps. C’est pourtant ici que Jim a décidé d’acheter une cabane, afin d’y vivre une année entière en compagnie de son fils de 13 ans, Roy. Dans ces espaces sauvages et préservés, Jim espère rompre avec sa vie et ses erreurs passées et se rapprocher de son fils qu’il a si peu côtoyé depuis son divorce. Hélas, le séjour à Sukkwan Island semble bien loin de déboucher sur une idyllique réconciliation familiale, car Jim n’a jamais vécu en autarcie et s’avère rapidement incapable de gérer les déboires quotidiens dus aux rigueurs du milieu... Roy, quant à lui, n’a jamais douté de l’absurdité du projet paternel, ni de l’incompétence de celui-ci. Enfermés dans leurs solitudes respectives, père et fils sont deux étrangers, incapables de communiquer et a fortiori de partager leurs craintes grandissantes. Comme si cela ne suffisait pas, les conditions climatiques ne tardent pas à se dégrader avec l’arrivée de l’hiver et son cortège de tempêtes et de blizzards. Petit à petit, le séjour à Sukkwan Island va virer au cauchemar, jusqu’à qu’un événement tragique et inattendu survienne brisant à jamais l’existence du père, comme du fils.



Ben, dites donc, voilà un roman qu’il est joyeux ! D’un autre côté, je peux difficilement me plaindre, étant donné que j’avais lu assez de critiques avant de débuter la lecture de « Sukkwan island » pour savoir dans quoi je m’embarquais. Mais, un brin masochiste comme toute bonne lectrice, j’ai fait fi de ces sages avertissements (attention : roman ultra-noir, dépressif, potentiellement traumatisant…) et me suis courageusement lancée à l’aventure. 200 pages plus loin, je referme mon exemplaire avec la sensation d’avoir avalé un gros bloc de pierre au petit déjeuner, la tête lourde et l’estomac nauséeux. Il faut bien admettre que cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un livre d’une violence aussi crue et je ne parle pas de brutalité banale comme on peut en trouver dans n’importe quel thriller, mais de violence intime, psychologique, profonde et pernicieuse.



Huis-clos horriblement oppressant – d’autant plus étouffant qu’il se déroule en plein air et dans les décors grandioses du Nord des Etats-Unis – « Sukkwan island » est indubitablement un coup de maître, un de ces livres qui parviennent à vous serrer la gorge bien des heures après avoir tourné la dernière page. L’intrigue en est remarquablement ficelée, tout entière axée autour de l’événement central du roman : on passe la première moitié du livre à trembler dans l’attente de la tragédie imminente et la seconde à en subir les conséquences. 200 pages, c’est court, mais c’est aussi bien long quand chaque ligne vous dresse davantage les cheveux sur la tête…



Indubitablement un roman remarquable, même si je peux difficilement le classer dans les coups de cœur de cette année, tant sa lecture m’a été rude. Et pourtant voilà que je m’empresse de glisser les autres romans de David Vann dans mes pense-bêtes. Masochisme, je vous dis, masochisme !

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Aquarium

Caitlin, une petite fille de douze ans vit avec sa mère dans la banlieue de Seattle, un endroit triste et pauvre,des rues humides, du bruit, du béton, de la grisaille .....



Dès qu'elle sort de l'école, elle court jusqu'au grand aquarium de la ville .



Le visage pressé contre l'immense vitre pour s'approcher au plus près, elle ne quitte pas des yeux les poissons exotiques qui flottent dans une eau à température tropicale.

Fascinée, passionnée par les hippocampes, les méduses, les pingouins, elle rêve de rejoindre ce monde: des pièces sombres, humides et chaudes, havres de paix bienvenus à l'abri du dehors!!



Quand je serai grande , pense t-elle, je serai ichtyologiste......et passerai le plus clair de mon temps immergée dans des eaux chaudes!

Seule, Shalini, sa voisine de classe, d'origine Indienne apporte de la couleur à son existence terne, sans joie, auprès de sa mère épuisée par son travail de grutière sur le port.



Jusqu'au jour où elle rencontre un vieil homme près des poissons- chats et des requins........

La fragile et ténu équilibre familial vole en éclats: " la fin aussi de l'amour simple et entier de Caitlin envers sa mère".

En même temps que les secrets révélés, les silences dérisoires, l'auteur révéle le passé douloureux et tragique de Shéri, la maman de Caitlin.....

L'ambiance douce et légère du début vire, s'alourdit, s'intensifie au fil de révélations familiales explosives!

Le malaise s'installe.

Le lecteur s'angoisse .

Relations compliquées et secrets de famille dissimulés ressurgissent avec force.

Caitlin et sa mère se percutent violemment.



Quoique la douceur marine et l'écriture chatoyante, gracieuse, élégante apaise bien des maux, cet ouvrage sombre et poignant , angoissant ne nous épargne pas , nous , lecteurs!

J'ai longuement hésité à le lire!

Pourtant , cette fois même si l'auteur porte son lecteur au bord du précipice , là où la douleur

pourrait tout détruire, une lueur d'espoir et de pardon pointent , non pas que le passé soit effacé, mais rien n'est défait.......



Le désir de rédemption, la légéreté , la renaissance et la pureté de l'amour guérissent bien des blessures!

La fiction , transformée, allégée, comme illuminée de l'intérieur , semblable à la lumiére bleutée de l'aquarium s'étire , pétrie de bulles irisées comme un poisson phosphorescent !

Une fable, un conte de fées moderne où s'entremêlent trahison, candeur, haine, colére , perte de l'adolescence, graves traumatismes liés à l'enfance.



Puis la rédemption, la reconnaissance, le pardon, lucide et bienveillant , qui n'est jamais l'oubli!, à force de patience et de résilience ......

Pour la première fois, l'auteur entrouvre la porte et se fait plus conciliant avec la famille, son thème privilégié !

Ouf ! Je l'ai lu ! Grâce à Marylin, mon amie persuasive de la Médiathéque !



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Désolations

Irène et Gary ont vécu trente ans au bord d’un lac en Alaska. Gary voulait la nature et les grands espaces. Irène a suivi par amour. Ils ont élevés leurs deux enfants. Mais voilà, ils sont l’âge de la retraite tous les deux, enfin surtout Irène qui a travaillé comme institutrice, faisant bouillir la marmite de la famille. Gary lui, a toujours été un rêveur, l’homme aux mille projets qui n’aboutissent jamais, l’homme qui se réveille le matin en se demandant comment il va meubler les heures, survivre à la journée, survivre à la nuit.







Il a un dernier projet, une dernière folie : construire une cabane de trappeur sur une île où il a acheté un terrain. Le rêve de l’Alaska, vivre isolé, ne dépendre que de soi-même. Le lac gelé l’hiver est impraticable. La nature sauvage a quelque chose d’attirant et qui paraît facile. Elle peut vite devenir glaciale et impitoyable.







Irène le suit et l’aide par amour et surtout pour ne pas le perdre. Car si Gary a toujours eu des projets, il ne peut rien faire seul. Pourtant leur mariage est une île de solitude où la communication est faite de mesquineries, de pressions, de culpabilité.







Rhoda, leur fille, leur opposé est partie vivre à la ville. Contrairement à ses parents, elle aime le confort, la modernité. Elle court après un idéal de vie en regardant le face à face de ses parents avec inquiétude. L’hiver arrive, Irène et Gary campent sur leur île en essayant de construire leur masure.





L’écriture de l’auteur est addictive et ressemble à une bombe à retardement mais on ne sait jamais à quel moment tout va exploser. Il expose ses magnifiques grands espaces, décrit une nature magnifique tout en démontrant que l’homme doit être solide et sans failles pour pouvoir y vivre. Magnifique roman.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Sukkwan Island

Sukkwan Island ! Un livre glaçant tant par le décor que par l'histoire, un véritable voyage "au coeur des ténèbres de l'âme humaine", comme nous annonce la quatrième de couverture...peut-être un peu trop pour mon goût. Mais lisez et jugez par vous-même !

Roy est un ado de treize ans, qui part avec son papa pour passer une année sur une île isolée près des côtes d'Alaska. La nature est belle, la cabane sympa; il y a de quoi s'éclater comme des robinsons...

Mais dès début, sous apparence de la normalité, il y a quelque chose qui cloche sérieusement. Cette belle aventure n'est qu'une échappatoire pour Jim, le père, qui ne va pas bien après sa deuxième divorce et qui essaye de refaire se vie sans vraiment savoir comment. La vie dans la nature est très loin de l'idéal, tant pour la débrouille que pour la relation entre le père et le fils. On sente le drame venir, c'est inévitable, mais quand à la fin de la première partie l'horreur arrive, ce n'est pas vraiment celle à la quelle on s'attend ! Et clac !

La deuxième partie du livre devient alors une lente dérive, où la raison humaine reste accrochée à un fil ténu, qui s'effiloche par moments jusqu'au point de rupture, mais qui tient bon et s'épaissit même vers la fin pour être coupé brusquement par les ciseaux du destin !

C'est difficile de dire "j'ai adoré ce livre", on s'en prend plein dans le bide et le personnage de Jim est tout sauf sympathique, mais on a quand même du mal à le lâcher sans l'avoir fini !

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Dernier jour sur terre

Autopsie d’un meurtre de masse…



Comment un type qui a reçu le « Dean’s award » en 2006, attribué par son université, la Northern Illinois University, peut-il, deux ans plus tard, entrer dans un amphi et abattre 5 personnes, en blesser 18, avant de se donner la mort ?



Que s’est-il passé dans le cerveau de Steve Kazmierczak, 27 ans, pour en arriver à une extrémité pareille ? Quel dommage a-t-il subi dans son enfance, son adolescence, pour basculer de telle manière ?



C’est ce que David Vann va essayer de comprendre en étudiant et en passant au crible la vie de cet étudiant solitaire et paria.



L’écrivain aussi aurait pu tourner aussi mal que Steve Kazmierczak. Du moins, leurs parcours sont parfois étrangement parallèles.



Pourtant, d’après les rares amis de Steve, ce n’était pas un méchant garçon… Alors quoi ?



Ceci n’est pas vraiment un roman, mais plus une étude sociologique que l’on aurait pu intituler « autopsie de l’esprit d’un meurtrier ». Ou « Comment passe-t-on de gentil garçon un peu étrange mais gentil à tueur de masse ».



Lors de la tuerie et après, les médias et les journalistes, charognards patentés, ont écrit tout et n’importe quoi sur le tueur… Ici, l’auteur nous dresse un portrait bien plus juste, sans fioritures, sans atermoiements, un portrait brut du tueur et de cette Amérique qui pense que tout le monde a le droit de se promener armé pour se protéger.



Si certains passages du roman sont un peu limités niveau construction de la phrase (Sujet + verbe + complément), le reste passe tout seul et les parallèles mis en place entre l’enfance de l’auteur et celle de Steven sont très instructives. Surtout que l’un a basculé de l’autre côté et pas l’autre, bien que tout deux, étant jeune, ne rêvaient que de dézinguer quelques voisins à coup de révolver…



Chapitres et phrases courtes, récit rythmé, enquête fouillée : ça claque et c’est lapidaire.



Steve est certes coupable d’avoir acheté des armes et de les avoir utilisées contre des innocents, mais il ne devrait pas être seul dans le box des accusés posthumes : l’Amérique, sa société, les lobbies des armes à feu, la couverture de santé et tout le système qui devrait être sur le banc des accusés pour être ensuite revu afin de se prémunir contre ce genre de meurtres de masse.



Un récit détaillé, fouillé et qui a pour but de remettre les pendules à l’heure, tout en vous laissant choisir votre coupable, bien que ce roman soit un véritable réquisitoire à charge contre l’Oncle Sam.



L’auteur a beau enrober le venin de ses phrases afin d’éviter une diatribe, on le sent quand même bien passer. Mais bon, cette Amérique là, elle ne les pas volé, ces petites piques.


Lien : http://thecanniballecteur.wo..
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Désolations

L’Alaska est une terre des confins, là où les hommes s’échouent ou se relancent. Pour Gary, c’est la terre des échecs. Son mariage avec Irene est en péril, mais jamais le courage ne lui est suffisant pour partir. Son envie d’ailleurs s’incarne dans un rêve vieux de trente ans : une cabane, celle qui aurait dû construire depuis des années. « L’idée était de bâtir une cabane à l’ancienne. Sans assise en ciment, sans permis de construire. La cabane devenue simple reflet d’un homme, à l’image de son propre esprit. » (p. 73) C’est avec des rondins inégaux qu’il décide de bâtir son rêve sur Caribou Island, une île au milieu du Skilak. Il espère apaiser les regrets de toute une vie et surtout oublier l’échec de son couple. « Un réconfort élémentaire, eux deux, le besoin qu’ils avaient l’un de l’autre. Pourquoi n’était-ce pas suffisant ? » (p. 56) Irene ne croit pas à cette folie de bâtisseur. Motivée par une culpabilité mêlée de reproche, et bien que terrassée par d’incessantes et inexplicables migraines, elle choisit d’aider son époux dans son entreprise.

Le couple monte un bivouac sur l’île et s’emploie à construire la cabane, se coupant peu à peu du reste du monde. « Presque un chariot de pionniers d’un nouveau genre, en route vers une nouvelle terre et la création d’un nouveau foyer. » (p. 17) Mais l’hiver est précoce et avec lui se précipitent les doutes froids et les haines pétrifiées. « Quand le lac commencerait à geler, il y aurait une longue période où aucun bateau ne pourrait effectuer la traversée, et la glace ne serait pas assez solide pour leur permettre de traverser à pied. Ils seraient isolés, sans aucun moyen de communication en cas de problème. » (p. 241) La cabane ne sera finalement qu’une tour de Babel : Gary échoue à renouer avec lui-même et tout n’est qu’inachèvement et incapacité. La fin de cette épopée nordique est dramatique, forcément, et éternellement figée dans des neiges mauvaises.

Pendant ce temps Rhoda, la fille de Gary et Irene, court à perdre haleine après un idéal de vie de couple et de mariage. Mais son compagnon Jim, de dix ans son aîné, prend conscience que sa vie ne peut pas se limiter à une seule femme. Son accomplissement passera par la possession et l’expression d’une sexualité sans complexe. Et Rhoda s’engage dans une voie qui pourrait être sans issue, sinon fatale.

L’intertextualité à l’œuvre dans ce texte est magique. Elle ressuscite les légendes et les épopées scandinaves tout en convoquant les accords parfaits de chansons inoubliables, qu’il s’agisse de «’Suzanne’ de Leonard Cohen ou des harmonies des Beatles.

Les éditions Gallmeister publient des œuvres qui s’inscrivent dans le courant du Nature Writing. Désolations est une magnifique expression de ce courant littéraire. Ici l’Alaska se livre entre immensités glaciales et territoires hostiles. Chacun des personnages part en quête d’une terre meilleure. Mais l’Alaska n’est pas l’El Dorado. Alors se pose une lourde question : peut-on vivre de rêves en Alaska ? La fin de l’été marque le crépuscule de certaines choses et l’on ne sait si ce qui suivra sera une hibernation avant un beau réveil ou une mort sans retour.

Je n’ai pas lu le premier roman de David Vann, Sukkwan Island, prix Médicis en 2010. Pour autant, impossible de passer à côté de tout ce qu’on en a dit. D’aucuns se demandent si le second roman sera à la hauteur du premier. Après lecture du magistral Désolations, je me demande plutôt de quel chef-d’œuvre je me suis privée en ne lisant pas Sukkwan Island. David Vann a un talent certain pour dépeindre les tourments des âmes livrées aux éléments. L’Alaska ne semble plus si hostile quand on a jeté un regard dans le cœur de Gary ou d’Irene. À se demander comment une telle terre n’a pas pu apaiser tant de haines et de rancœurs réciproques. Mais la réponse n’est pas là et il n’est pas certain qu’elle existe. Désolations n’est pas une œuvre à clés : c’est une vue d’hiver à travers une vitre froide. De l’autre côté s’accomplissent des choses grandioses et auxquelles rien ne s’oppose.

J’ai lu ce roman presque d’une traite. La plume de David Vann est hypnotique et elle trace dans les consciences des voies insoupçonnées, qu’on ne peut qu’emprunter au risque de s’y perdre.

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Sukkwan Island

Retour de lecture sur “Sukkwan Island” un court roman de l’écrivain américain David Vann, publié en 2009. Ce livre raconte l'histoire de Jim, un dentiste malheureux, qui après deux mariages ratés aimerait repartir de zéro. Il se débarrasse ainsi de son cabinet de dentiste pour acheter un terrain et une cabane dans un endroit complètement isolé d'une île d’Alaska appelée Sukkwan Island. Pour se rapprocher de son fils de 13 ans qu’il a beaucoup négligé, il propose à celui-ci de l'accompagner pour une année d'aventure sur cette île, en pleine nature sauvage, pour vivre uniquement de chasse et de pêche. Le fils n’est pas emballé mais accepte pour faire plaisir à son père qu’il sait fragile, et plus indirectement à sa mère. Dès le début on se rend compte que ce père n’a absolument pas le niveau pour une telle aventure et qu’il est très mal préparé. Il apparaît complètement perdu, dépressif, dépassé par sa vie, égoïste et immature. Ses carences sont abyssales. Les rôles s’inversent très vite, et ce sera au fils de supporter la dérive de son père. Tout ira de plus en plus mal et cette aventure finira par basculer sur un drame incroyable. Le quotidien de ce couple père-fils se passe donc dans de grands espaces, sur une île d’Alaska, loin de toute civilisation, à chasser des ours et des élans, à pêcher le saumon et à préparer le bois pour l'hiver. Il y a donc clairement une dimension "nature writting" dans ce roman, mais très vite l’auteur oriente le roman vers une dimension beaucoup plus psychologique. La nature n’est alors plus là que pour isoler ces deux personnages dans un huis-clos angoissant et ainsi créer une ambiance très tendue et asphyxiante. David Vann nous livre là une œuvre passionnante, d’une incroyable noirceur, glauque et désespérante. On a l’impression d’évoluer dans un cauchemar et pourtant le tout a un aspect très réaliste qui accentue encore sa portée et lui donne un côté vraiment dérangeant. Le portrait de ce père est impressionnant, on est désespéré par cet homme totalement à côté de la plaque, dépassé par ses limites et qui passe totalement à côté du but de cette aventure qui était de se rapprocher de son fils. Ce père est pathétique, confronté à une réalité difficile, il bascule vite dans ses comportements égoïstes habituels et fuit ses responsabilités. Ce livre est dédié au père de l’auteur Edwin Vann qui mit fin à ses jours à l'âge de 40 ans, il ne faut probablement pas chercher très loin son inspiration. Le grand point fort de ce roman réside dans le style, la manière dont l’histoire se met en place et se déroule sur cette île. La première partie, particulièrement réussie, est magistrale. C’est un véritable coup de poing, quelque chose d'époustouflant. Elle seule justifie largement la lecture de ce livre. La deuxième partie, notamment la fin, est malheureusement plus décevante, l’auteur ramène le roman sur quelque chose de beaucoup plus quelconque et dont la crédibilité est discutable. On s’interroge également sur l'intérêt de tout cela, on ne comprend pas vraiment où l'auteur veut en venir. Le message n'est pas clair, voire inexistant. Il faut se reporter à la biographie complète de l’auteur, disponible sur internet, pour comprendre que tout cela est avant tout un exutoire, une thérapie. Un autre reproche qu’on peut faire à ce livre, c’est qu’on ne respire jamais, on est constamment en apnée, plongé dans la noirceur totale et désespérante de ce récit. Heureusement que c'est court, mais que c'est noir, trop noir…à éviter absolument si vous n’avez pas le moral. Pour conclure, c'est un livre original, bouleversant, d’une beauté et d’une douleur très particulières et rares, qui malgré ses quelques défauts reste une lecture incontournable. 



_______________________________

"A travers la ramure des arbres, il aperçut quelques étoiles pâles, mais bien plus tard, après que le ciel se fut découvert. Il avait froid et il frissonnait, son coeur battait toujours, la peur s'était ancrée plus profond, s'était muée en une sensation de malédiction, il ne retrouverait jamais la route vers la sécurité, ne courrait jamais assez vite pour s'échapper. La forêt était horriblement bruyante, elle masquait même son propre pouls. Des branches se brisaient, chaque brindille, chaque feuille se mouvait dans la brise, des choses couraient en tous sens dans le sous bois, des craquements bien plus lourds aussi, un peu plus loin, sans qu'il sache vraiment s'il les avait entendus ou imaginés. L'air de la forêt était épais et lourd, il se fondait dans l'obscurité comme s'ils ne faisaient qu'un et se ruait sur lui de tous côtés.

J'ai ressenti cette peur toute ma vie, pensa-t-il. C'est ce que je suis."
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Komodo

Envie de plonger dans les eaux bleues des îles Komodo pour des vacances reposantes et me voilà partie avec David Vann pour une semaine dans un lieu enchanteur, dans un des plus beaux spots de plongée du monde.

Au programme, retrouver sa famille et partager des moments privilégiés dans un environnement idyllique, se détendre en profitant du soleil et des plages de sable fin, et surtout, savourer des plongées exceptionnelles, inoubliables.

Mais lorsque l'on connaît les romans de David Vann, il faut s'attendre à ce que le programme soit totalement perturbé.

*

Le lecteur accompagne Tracy qui part avec sa mère rejoindre son frère en Indonésie. Ce voyage est sensé les rapprocher, mais les tensions apparaissent tout de suite et montent crescendo, alimentées par l'hostilité de Tracy pour son frère, exacerbée par la grisaille de son quotidien, sa fatigue psychologique, son incapacité à tout contrôler, sa vie de couple inexistante, et ses enfants tyranniques.



« Ce voyage censé nous rapprocher tous les trois me pousse à croire qu'on ferait mieux de se noyer ».



*

David Vann dresse un portrait au vitriol de cette femme malheureuse et insatisfaite pour qui j'ai eu de la peine au départ. Quelle image elle a d'elle-même et des autres !



« J'empoigne un bourrelet de graisse et le fais rouler sur toute la longueur de mon ventre comme une protubérance, un criminel indésirable, et j'ai envie de partir, de sauter et de m'enfuir, mais tous mes organes sont stockés là. »



Son sentiment d'abandon, de ne pas être aimée et de ne pas mériter la bienveillance, le respect et la compassion l'éloigne des autres. Son irascibilité constante, ses propos acerbes, sa méchanceté repoussent les autres créant une bulle de solitude autour d'elle. Je n'ai pas vraiment compris le comportement amer de Tracy qui rejette la médiocrité de sa petite vie insipide sur les autres.



« Ils ne feront rien pour moi. Jamais.

Ils n'ont rien fait pour moi.

Il n'y a aucune limite à ce qu'ils vont me faire.

Ma douleur n'est pas réelle à leurs yeux. »



Venue profiter d'une merveilleuse semaine de plongée, je suis restée à distance de sa souffrance, de son indécence, de sa vulgarité, n'attendant que les plongées, soulagée d'échapper à cette ambiance triviale et malsaine.

Moments de magie, moments de quiétude sous l'eau au milieu des poissons, sensations de légèreté, de sérénité, de liberté.

*

De la terre ferme, on ne peut imaginer la beauté et la diversité des paysages sous-marins. Une fois immergé, un monde de couleurs et de vie se déploie devant moi.

Les merveilleuses descriptions de l'auteur me font oublier cette famille antipathique et je m'émerveille des magnifiques récifs coralliens, des myriades de poissons tropicaux, de la profusion de couleurs, de la visibilité parfaite.

Le rêve pour tout plongeur passionné est de nager au milieu des requins et des raies mantas.

Des rencontres inoubliables.



« …je vois une raie nager droit sur moi, juste au-dessus du sable, son immense ventre blanc et le battement de ses ailes. Comme si dieu descendait enfin sur Terre, après toutes ces décennies d'attente. Un vol doux, et bouleversant. »



Et je retarde le moment où je vais remonter à la surface. Envie de prolonger encore quelques instants le plaisir de ces rencontres éphémères.

D'habitude, j'aime partager le moment que je viens de vivre avec les autres plongeurs.

Mais aujourd'hui, aucune envie de remonter sur le bateau, subir cette ambiance détestable, avaler sans envie des plats infects, monotones, sans aucune convivialité.



Et puis, c'est le choc, la consternation.

Il s'est passé quelque chose d'affreux sous l'eau pendant que j'étais sur un petit nuage, admirant avec mon binôme les poissons-crapauds, les tortues, les poissons-fantômes, les minuscules nudibranches aux couleurs flamboyantes.

Alors que le milieu sous-marin m'a comblée, il a été pour cette famille une descente dans la haine, l'amertume, la rancune, l'aversion, et la colère.

*

Je ne comprends pas comment des plongeurs inexpérimentés ont pu s'inscrire à des plongées réputées difficiles pour la violence des courants entre les passes.

Je ne comprends pas l'attitude hautaine et irrespectueuse des moniteurs et le manque d'encadrement des plongées.

Je ne comprends pas qu'il n'y ait pas eu une première plongée dite de réadaptation pour vérifier son équipement et le niveau des plongeurs.

Je ne comprends pas l'attitude de Tracy et ce déchaînement de violence qui s'est ensuivie et qui, à mon sens, est infondée.



« Notre petite cellule familiale qui voudrait tout soigner, quand les blessures elles-mêmes auraient pu être évitées. Rien de tout ceci n'aurait dû arriver. »



*

La violence dans la cellule familiale est au coeur de ce récit et cette ambiance pesante et malsaine m'a suivie après avoir tourné la dernière page.

En effet, l'auteur n'a pas son pareil pour parler de la violence des liens familiaux et disséquer la psychologie des familles dysfonctionnelles et en particulier cette mère démissionnaire qui s'est laissée engluer dans une vie insatisfaisante jusqu'au point de rupture. L'écriture est acérée comme un long couteau « de bonne qualité, lourd et aiguisé ».



*

J'ai donc un ressenti mitigé pour cette lecture et j'en suis la première désolée.

Je reconnais que David Vann cultive avec beaucoup d'efficacité le malaise chez le lecteur, il sait aussi créer des moments de tension, mais j'ai été déçue par le dénouement et surtout il m'a manqué l'essentiel pour aimer vraiment ce roman, comprendre l'héroïne.

A la violence verbale, psychologique et physique de cette mère au bord du burn-out, je n'ai envie de retenir que la grâce des raies mantas et la nage placide et légère des requins. Je préfère retourner à la mer.



« Leur oeil, c'était le détail le plus fascinant, dis-je. L'oeil du requin… Comme une bille en or avec une fente noire, comme si ce n'était qu'une surface, sans profondeur, et pourtant infiniment profonde. »



Ce n'est bien sûr que mon avis personnel et n'engage que moi. Je vous encourage à aller lire les avis des autres lecteurs qui ont eu un ressenti bien différent du mien.

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Sukkwan Island

Ça partait d'une bonne intention.

Un père et son fils de 13 ans, entre hommes, pour une année sabbatique en pleine nature, seuls sur une île reculée d'Alaska. Resserrer les liens, vivre à deux au grand air, à l'école de l'entraide et de la débrouille : le projet était séduisant ... mais David Vann en a décidé autrement.



Il faut dire qu'entre Jim (deux fois divorcé, marqué par divers échecs personnels et psychologiquement friable), et Roy (réservé et conciliant mais pas franchement motivé par l'aventure suvivaliste "imposée" par ce père qu'il ne connait pas), le dialogue n'est pas toujours évident.

Alors bien sûr, rien ne se passera comme prévu.

Mal préparés, mal équipés, victimes de leurs décisions hasardeuses et de mauvais coups du sort, les deux naufragés volontaires s'enlisent lentement mais sûrement dans un malaise profond, palpable, contagieux, qui peu à peu gagne aussi le lecteur.



Un noir toujours plus intense, une détresse psychique patente, un environnement hostile, et voilà que la robinsonade père-fils tourne au drame : c'est le coup de tonnerre de la page 113, le choc frontal, le pivot destructeur qui fait définitivement basculer le roman.



S'ouvre alors une deuxième partie aussi cauchemardesque que la précédente (tout est mal qui finit mal...), dans laquelle le lecteur encore sonné s'enfonce à tâtons.

Même force des mots, même sentiment de malaise et de solitude, même nature sauvage et inhospitalière, et toujours cette remarquable économie de moyens stylistiques pour ancrer le récit dans un réalisme sobre et brut, en décuplant l'angoisse, la folie, la fuite en avant.



Inutile de poursuivre.

Surtout ne pas trop en dire pour ne rien gâcher de ce terrible huis-clos insulaire, au pouvoir magnétique étonnant, que je ne peux que vous recommander (si vous êtes encore à peu près sain d'esprit...)

"Sukkwan Island", vous adorerez ou vous détesterez, mais vous ne l'oublierez pas.

Ma main à couper.
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Un poisson sur la lune

David Vann nous raconte les derniers jours de son père, Jim, qui a mis fin à ses jours avec son arme à feu. Lui-même n’avais alors que 13 ans.



Jim était parti vivre seul en Alaska après ses deux divorces et des échecs professionnels qui l’avaient ruiné. Souffrant de douleurs dans les sinus, obsédé par les armes à feu, la chasse, les grands espaces, il n’avait plus qu’un but : se donner la mort. Venu passer quelques jours auprès de sa famille, ses enfants, son frère, ses parents, il ne trouve aucun réconfort à leur contact. Chacun essaye sans trop de conviction de l’aider mais il est déjà loin…comme un poisson sur la lune. Le psychiatre s’en remet à son frère, peu concerné, ou peut-être dépassé…

Jim repartira seul et appellera sa dernière femme, Jeannette, qui sera témoin de sa mort à distance. Mais peut-être qu’une tuerie de masse a été évitée, peut-être aurait-il pu massacrer toute sa famille…



Le contexte de l’omniprésence des armes à feu, le silence du père métis cherokee, qui a du mal à assumer ses origines et avoue détester sa vie, sa mère réfugiée dans la religion, ne l’aident pas. Il a choisi une profession qui ne lui convient pas, dentiste, a trompé sa femme, divorcé, raté sa conversion professionnelle dans la pêche, divorcé une deuxième fois et il souffre, jour et nuit, une douleur qui ne s’éteint pas. Sa décision est prise, rien ne peut l’arrêter, aucun espoir ne s’offre à lui dans cette Amérique profonde dont il a adopté la rudesse. Il se rend insupportable aux autres, ne pouvant plus se supporter lui-même et peut-être dans l’espoir d’une réaction qui ne viendra pas.



Récit poignant, d’autant que David a perdu son père de manière violente et a hérité de la culpabilité qui accompagne les proches dans ce drame et peut-être des gènes de la dépression qui a rongé son esprit.

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Goat Mountain

Difficile de conseiller un livre aussi éprouvant et pourtant, c'est ce que je vais tenter de faire en quelques lignes, parce qu'un bon roman, c'est un roman qui provoque des émotions, même si ces émotions sont douloureuses.

Dans Goat Mountain, on part à la chasse. Un jeune garçon accompagne son père, son grand-père et Tom, un ami de la famille.

Le jeune garçon a onze ans, il est donc en âge d’abattre son premier cerf. Tout ne se passera pas exactement comme prévu car le premier cadavre de l’enfant sera celui d’un braconnier!

Dès les premières lignes, la tension est palpable, le malaise s’installe subtilement.

Roman psychologique à l'atmosphère oppressante et au décor sublime, la lecture de Goat Mountain m’a perturbée par la violence de certaines scènes. La mort du braconnier m’a presque semblée banale face à la violence des descriptions lorsque l’enfant abattra son premier cerf, un carnage insoutenable suivi du rite initiatique cannibale dont je ne peux parler tant le dégout que j’ai ressenti est encore présent.

Je ressors de cette lecture profondément perturbée, mais pas seulement, j’ai ressenti une sorte de fascination qui m’a tenue en haleine tout au long de « cette épreuve littéraire ».

Pourquoi suis-je allée jusqu’au bout de cette épreuve ? Peut-être par compassion pour l’enfant ou alors tout simplement parce que David Vann est un grand écrivain, la description des paysages est sublime, la psychologie des personnages est disséquée avec minutie. David Vann excelle dans l’art de mettre au jour la noirceur de l’âme humaine dans des récits où la nature est prépondérante.

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Goat Mountain (BD)

« Tu ne peux pas tout enterrer. Certaines choses refusent d’être enterrées ».



Les adaptations graphiques sont toujours un exercice périlleux, qui plus est sur un livre étranger qui se heurte alors à la nécessité d’une double traduction : celle du texte original et celle de l’esprit du livre à retranscrire en images.



Défi relevé haut la main par O. Carol et Georges Van Linthout dans leur adaptation de Goat Mountain du grand David Vann, œuvre violente et mystique dont la tension permanente est parfaitement rendue dans leurs planches.



Cette partie de chasse initiatique qui tourne mal sur les terres montagneuses familiales entre un jeune garçon, son père, son grand-père et un ami de la famille avait pourtant tout d’une fête joyeuse. Avoir – enfin – son propre fusil et l’espoir de tuer son premier cerf à onze ans, marque l’entrée dans le monde adulte, celui des hommes.



Il suffira d’un braconnier, d’un coup de feu accidentel et d’un cadavre pour que la fête soit finie et que le cauchemar commence, dans cette nature dont l’hostilité et l’inhumanité devient alors comme une évidence.



Goat Mountain est une longue métaphore des angoisses qui parcourent et marquent l’œuvre de Vann : la violence bien sûr et l’instinct animal et mortel que renferme chaque homme ; mais aussi la responsabilité et les conséquences ; la filiation, les liens familiaux et ce qu’on en fait ; le remords et les conséquences ; la résilience et le vivre avec…



Et enfin ce parallèle religieux, toujours flottant et traversant dans les livres de Vann, ici illustré par la métaphore de Caïn et Abel, fratricide historique. Un parallèle qui m’avait semblé pesant dans ma lecture originelle, et beaucoup moins ici.



En épurant volontairement le dessin où le noir domine en étant régulièrement et violemment réhaussé de rouges sanglants, de verts apaisants ou d’ocres inspirants, les deux auteurs réussissent à mettre en valeur le côté très sombre de l’esprit du texte, et le combat moral permanent qui traverse la plupart des protagonistes. Une réussite !
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Sukkwan Island

C'est l'heure du 'lâcher prise'. Embarquez-vous pour un an, une cabane en Alaska au bord d'une crique sauvage, en compagnie du jeune Roy et de son ex-dentiste de père, inexpérimenté en déprime.



Roy saura-t-il assumer le rôle de psy pour son père?



Je n'ai été que modérément emporté par cette histoire peu crédible, un style assez plat.

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Sukkwan Island

Un père et son fils adolescent, une saison à l'écart du monde histoire de resserrer les liens, une promesse d'aventure... Mais très vite, au fil des pages le joli tableau se fissure. Entre les fêlures du père que l'isolement et la rudesse des conditions mettent en évidence et ce fils qui se demande de plus en plus ce qu'il fait là, le fossé se creuse.

Contrairement aux apparences, Sukkawan Island est un roman psychologique bien plus qu'un récit d'aventure, une exploration sans filtre de la folie, un livre qui vous explose littéralement au visage et vous entraîne sur des rivages inconfortables et douloureux...

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Sukkwan Island

En commençant ce livre, je pensais me plonger dans un roman d’aventure (je lis très peu les 4ème de couverture) : un séjour initiatique dans l’Alaska pour un père, Jim et son fils, Roy, 13 ans. Dépaysement garanti. Grands espaces et nature sauvage sont au rendez-vous dès le début. Mais très vite je ressens comme un malaise.



Roy a accepté de suivre son père dont il vit séparé depuis le divorce de ses parents, afin de se rapprocher de lui, le connaître. Mais celui-ci l’embarque dans une aventure que lui-même ne maîtrise pas du tout et je commence à penser que si l’auteur n’avais que cela à me dire, cela allait vite tourner en rond,mais il y avait malgré tout quelque chose d’incompréhensible dans ce récit qui m’intriguait.



Je commence à m’interroger sur le but de la narration….. Si tout est de la même veine, je pense que très vite je vais me lasser, car cela tourne en rond et c’est justement là le problème entre eux.



Alors David Vann, au moment même où je commence à tomber dans un début d’ennui car je ne voyais pas l’issue, le sens, le but, fait basculer avec mastria, la robinsonnade dans le drame… Je relis deux fois le passage : mais oui c’est bien ce que j’ai lu.



C’est là que l’on trouve la patte d’un écrivain, il vous mène par le bout du nez, il vous manipule et brutalement, très brutalement je dois l’avouer, le récit prend une toute autre tournure.



David Vann s’est inspiré de sa propre histoire, le décès de son père dont il se sent responsable (voir l’article relatant les faits ici), pour relater une aventure qui aurait pu prendre un autre tour. Imaginer ce qui aurait pu arriver, si…….



David Vann y traite des thèmes de la relation paternelle en particulier lorsque le père est défaillant, dépressif mais aussi de la responsabilité et la culpabilité. Mais comment un garçon de 13 ans peut-il comprendre un adulte, son père, quand celui-ci devient incohérent, irresponsable et irraisonné.



Le plus adulte n’est pas celui que l’on croit, l’un et l’autre n’arrivent pas à se parler vraiment, le silence s’installe et la situation va dégénérer. Plus le récit avance plus on plonge dans une sorte de folie mais comment peut-il en être autrement.



Bien sûr cela semble parfois excessif, dément, inimaginable mais cela fonctionne…. Une sorte de road-movie aux frontières de la folie, de l’horreur. L’auteur lâche les vannes, n’hésite pas parfois à donner beaucoup de détails, nous plonge dans l’horreur absolue alors qu’elle devient presque banale dans le récit.



Une lecture, pour moi, est un voyage dans ce que l’auteur a imaginé et dont il a posé les mots sur le papier, la façon dont il a construit son récit. Il n’est pas question de valider ou non l’histoire, c’est son histoire, elle fonctionne ou pas. Même si j’ai trouvé la fin un peu « tarabiscotée » j’ai beaucoup aimé la façon dont l’auteur nous maintient en haleine, les pensées et sentiments des deux personnages sont très bien rendus, ainsi que la description de la nature et de la vie sauvage qui les entoure.



J’avais lu précédemment Aquarium du même auteur, qui est plus doux, moins brutal mais qui analyse également les relations familiales, un thème qui apparemment, avec celui de la nature et de la faune (les poissons en particulier) est un axe central de son écriture mais avec son vécu on peut le comprendre.
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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Sukkwan Island

Jim et Roy, son fils de treize ans, s'installent dans une cabane en bois, isolée sur une île au sud-est de l'Alaska. Son seul accès se fait par bateau ou par hydravion. Entourée de montagnes, de forêts denses, sans voisins ni âmes qui vivent mis à part les animaux, Sukkwan Island est une île sauvage sur laquelle il faudra survivre au quotidien durant une année entière sans le confort auquel ils sont habitués.

Cette retraite loin de tout est aussi l'occasion de retrouvailles entre un père et son fils. Ils vont apprendre à se débrouiller, à construire et à se soigner avec les moyens mis à leurs dispositions. Ils disposent d'une radio qui sera leur seul lien avec l'extérieur.

"Sukkwan Island" entraîne le lecteur "au cœur des ténèbres de l'âme humaine".

Ce livre est le premier roman que je lis de cet auteur. Publié dans plus de soixante pays, il a obtenu le prix Médicis étranger en 2010 et est en cours d'adaptation au cinéma.

David Vann y décrit l'histoire de Jim, dentiste divorcé, qui a un besoin obsessionnel des femmes. Après deux mariages qui ont été des échecs, puis le passage de maîtresses, il se remet en question et pense à tout quitter durant une année entière. Il propose ce projet fou à son fils, Roy, dans l'idée d'être ensemble et de rattraper le temps perdu. Alors que sa mère n'est pas vraiment emballée par l'histoire, Roy finit par accepter de l'accompagner. Il suivra tout de même sa scolarité à distance tout en profitant de la nature et en renouant des liens avec son père.

Arrivés sur place, le séjour s'avère vite difficile. Il faut apprendre à chasser, à pêcher, à construire, il faut se protéger des animaux sauvages notamment des ours à l'affût de la moindre nourriture. Au bout de quelques semaines, Roy est envahi par les doutes. Il attend impatiemment l'hydravion, qui passe occasionnellement, pour repartir. De plus, humainement tout se complique. Son père passe ses nuits à sangloter, il devient dépressif tout en confiant ses remords à son fils qui n'est finalement qu'un enfant. Roy se sent perdu, il avait juste besoin de retrouver son père, de renouer des liens avec lui et de se sentir aimé tout simplement. Il va alors lui-même se sentir seul et perdu, loin des siens, surtout de sa mère et de sa sœur qui lui manquent terriblement.

Leur quotidien devient monotone, l'hiver glacial s'installe avec la neige et les tempêtes. L'hydravion ne passe plus durant cette période. Puis survient le drame, on l'attend car on comprend qu'il arrivera, mais ce n'est pas celui auquel on pense. J'ai imaginé tout l'inverse, j'ai pensé à tout sauf à celui-ci. Le drame est terrible.

David Vann dépeint la rudesse de la nature avec précision. Les personnages, presque en huis-clos, sont décrits avec force et humanité, entre un père en proie à ses démons et un enfant qui le soutient et cherche à le protéger. On découvre la force de ce garçon. La tragédie qui survient au milieu du livre est brutale et touche le lecteur en plein cœur. Percutant !
Lien : http://labibliothequedemarjo..
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Sukkwan Island

C'est la première fois qu'un livre me fait cet effet-là et pourtant j'en ai lu, des livres!

J'ai été attirée par l'éditeur, les grands espaces et la solitude. Je n'ai pas du tout été trompée sur la marchandise. J'ai eu tout ça et de manière vraiment formidablement décrite.

L'auteur est un maître dans l'art de surprendre et d'installer des atmosphères pesantes.

Un père décide d'amener son fils pour passer l'hiver sur une île isolée, pour vivre une aventure à la Robinson Crusoé, avec la neige en plus. Son but est de rattraper le temps perdu, sauver leur relation. Rien de plus louable...

Le père n'a pas forcément tout prévu, n'a pas forcément l'étoffe d'un Robinson...

L'hiver s'installe...

Le père et le fils se préparent... ensemble.

Crescendo, la tension monte, l'angoisse approche.

Je n'en dis pas plus : on est vraiment pris aux tripes !!

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